Libye : l’appel de l’ONU à une trêve ignoré

De violents combats opposent dimanche 7 avril près de Tripoli en Libye les forces du maréchal Khalifa Haftar, qui veut conquérir la capitale, à ses rivaux du Gouvernement d’union nationale (GNA), les belligérants ignorant l’appel de l’ONU à une « trêve humanitaire ».

La mission de l’ONU en Libye (Manul) avait lancé un « appel urgent » à une trêve de deux heures, de 14 heures à 16 heures GMT, dans la banlieue sud de Tripoli pour permettre l’évacuation des blessés et des civils, face à une escalade militaire faisant craindre une véritable guerre civile.

Mais, « il n’y a pas eu de trêve », a indiqué un porte-parole de la Manul, Jean Alam, après l’expiration du délai proposé. « Nous espérons toujours une réponse positive » des deux camps rivaux, a-t-il ajouté. Les services de secours libyens ont eux aussi confirmé qu’ils n’avaient pas pu entrer dans les zones d’affrontements.

Pays riche en pétrole, la Libye est déchirée depuis la chute du dictateur Mouammar Kadhafi en 2011 par de multiples conflits internes.

Mais l’offensive lancée jeudi par les forces du maréchal Haftar, homme fort de l’est du pays, pour prendre Tripoli et étendre son emprise dans l’Ouest, marque une nette dégradation entre les deux entités se disputant le pouvoir.

Les forces de Khalifa Haftar sont loyales à une autorité basée dans l’Est, qui s’oppose au Gouvernement d’union nationale, installé à Tripoli, à l’ouest, et reconnu par la communauté internationale.

Dimanche, les combats ont fait rage au sud de la capitale, en particulier à Wadi Rabi et dans le périmètre de l’aéroport international, une infrastructure inutilisée depuis sa destruction par des combats en 2014.
Raid aérien sur Tripoli

L’Armée nationale libyenne (ANL), la force paramilitaire dirigée par le maréchal Haftar, a annoncé dimanche avoir mené son premier raid aérien dans la banlieue sud de Tripoli. La veille, les forces loyales au GNA avaient elle aussi mené leur première frappe aérienne, les belligérants faisant clairement fi des appels à la retenue lancés par la communauté internationale.

Dimanche, le nouveau porte-parole des forces du GNA, le colonel Mohamad Gnounou, a proclamé le début d’une vaste contre-offensive nommée « volcan de la colère » pour « nettoyer toutes les villes libyennes des agresseurs » pro-Haftar.

L’armée américaine a annoncé dimanche le retrait provisoire de ses militaires en Libye à cause des combats.
Une mobilisation pro-GNA qui surprend Haftar ?

Au moins 21 personnes ont été tuées et 27 autres blessées depuis le début de l’offensive sur Tripoli, selon un bilan du ministère de la Santé du GNA qui n’a pas précisé si les victimes sont des civils ou des combattants. Le Croissant-Rouge libyen a indiqué qu’un médecin a été tué samedi.

De son côté, l’ANL a annoncé samedi avoir perdu 14 combattants.

Samedi soir, le chef du GNA, Fayez al-Sarraj, a mis en garde contre la perspective d’une « guerre sans gagnant ».

Il a ajouté que des soutiens affluaient de toutes les régions du pays pour soutenir les forces du GNA.

Les puissants groupes armés de la ville de Misrata (200 kilomètres à l’est de Tripoli) semblent avoir décidé de participer à « la défense de la capitale », de même que ceux des villes de Zentan (sud-ouest de Tripoli) et Zawiya (ouest de Tripoli).

Au moins un important groupe armé de Misrata, « la brigade 166 », est arrivé samedi dans l’est de Tripoli avec des dizaines de véhicules armés notamment de canons antiaériens pour participer à la contre-offensive.

Le maréchal Haftar et son ANL qui tablaient sur une victoire rapide en nouant des alliances avec des factions de la Tripolitaine – nom donné aux régions occidentales de Libye – semblent surpris par la mobilisation pro-GNA.
Salamé à la manoeuvre

« L’opération de Haftar (…) a galvanisé les forces libyennes de l’ouest contre lui », affirme Wolfram Lacher, chercheur à l’Institut allemand de politique internationale et de sécurité (SWP).

Haftar « est maintenant confronté à la perspective d’une guerre prolongée » et à l’hypothèse d’une défaite, ajoute-t-il.

Difficile toutefois « d’avoir une vision claire sur l’issue de la bataille ou sur les rapports de forces », confie un diplomate occidental sous couvert de l’anonymat.

Selon lui, l’ONU et les pays occidentaux ont pris contact avec les deux camps rivaux pour éviter un embrasement, mais le « succès est mitigé » jusqu’ici. « L’escalade verbale des deux côtés n’aide pas », a-t-il ajouté.

Ces violences interviennent avant une Conférence nationale, sous l’égide de l’ONU, prévue mi-avril à Ghadamès (sud-ouest), censée dresser une « feuille de route » avec la tenue d’élections.

L’émissaire de l’ONU pour la Libye Ghassan Salamé, a assuré samedi que cette conférence était maintenue « à la date prévue », du 14 au 16 avril, sauf en cas de « circonstances majeures ».

Sarraj a accusé le maréchal Haftar d’oeuvrer à « saper le processus politique » pour « plonger le pays dans un cycle de violence et de guerre destructrice ».

Les deux hommes avaient conclu fin février à Abou Dhabi un accord pour former un gouvernement unifié et portant sur l’organisation d’élections avant la fin de l’année.

Le Premier ministre du GNA a estimé que son rival avait « trahi l’accord » et « tenté de le poignarder dans le dos ».

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