Les contrats de ventes d’armes françaises à l’étranger ont augmenté de 30% entre 2017 et 2018, et plus de la moitié des commandes proviennent du Moyen-Orient, où le Qatar et l’Arabie saoudite – qui dirige actuellement la coalition qui mène la guerre au Yémen depuis 2015 – tiennent le haut du pavé.
« En 2018, les prises de commande des industries de défense françaises à l’exportation s’élèvent 9 milliards d’euros, un des meilleurs chiffres de ces dernières années », se félicite la ministre françaises des Armées Florence Parly dans le rapport annuel au Parlement sur les exportations d’armement de la France, publié ce mardi 4 juin. Un bilan en augmentation de 30% par rapport à 2017, marqué par de grands contrats, dont cinq supérieurs à 500 millions d’euros.
Si plus du quart des exportations françaises d’armement ont été à destination des pays européens – contre une moyenne de 10% les années précédentes -, c’est au Proche et Moyen-Orient que la part des prises de commande a été la plus importante en 2018 : plus de 50% du montant total.
Et si les ventes d’armes à l’Égypte restent particulièrement importantes en volume – le pays est en quatrième position des acheteurs d’armes françaises -, cette progression s’explique également par l’entrée en vigueur de deux importants contrats avec le Qatar (vente de 28 hélicoptères NH90 et de 12 avions Rafale) et d’un contrat avec l’Arabie saoudite portant sur des navires de guerre de type « patrouilleurs ». Une nouvelle fois le rapport annuel ne donne aucun détail sur le type d’armes livrées
Des armes susceptibles d’être utilisées contre des civils au Yémen
Une « bonne année » pour l’industrie française de l’armement, estime Romain Mielcarek, journaliste indépendant spécialisé dans les questions de défense, notamment auteur du livre Marchands d’armes: Enquête sur un business français. Il insiste cependant sur le fait que la France « est loin d’avoir battu son record de 2015 », lorsque les exportations d’armes avaient représenté pas moins de 16,9 milliards d’euros.
« Malgré les débats que suscite la vente d’armes à l’Arabie saoudite, la France confirme son positionnement dans la guerre au Yémen », relève Romain Mielcarek. Une guerre qui, depuis qu’elle a démarré en 2015, a provoqué au Yémen la « pire crise humanitaire du monde », selon l’ONU.
Dans son enquête intitulée « Made in France », publiée le 15 avril dernier, le média Disclose avait ainsi révélé que des armes françaises étaient employées contre des civils dans la guerre au Yémen. « Des chars Leclerc sont notamment utilisés sur le sol yéménite » et des « navires français participent au blocus maritime qui affame la population », affirme notamment le journaliste de Disclose, Michel Despratx, convoqué par la DGSI après la publication de son enquête. Les canons Caesar, positionnés du côté saoudien de la frontière, bombarderaient pour leur part « des zones civiles ».
Malgré ces révélations, le gouvernement français « n’entend pas renoncer à ses livraisons d’armes en direction de l’Arabie saoudite », peut-on lire sur le site d’investigation. Si un cargo saoudien a été empêché de charger des canons Caesar au port du Havre, début mai, Disclose a révélé qu’un nouveau chargement de munitions pour les canons français devait avoir lieu à Marseille-Fos, le 28 mai, à destination de Jeddah. Une information démentie par les autorités françaises.
Vulnérabilités persistantes dans la bande sahélo-saharienne
Selon le rapport du ministère français, le marché mondial de l’armement évolue dans un contexte de hausse des dépenses militaires, la somme des budgets annuels de défense au niveau mondial étant estimé à 1 780 milliards de dollars en 2018 (+5% par rapport à 2017).
Ce réarmement global serait dû notamment aux « vulnérabilités persistantes » dans la bande sahélo-saharienne, à la « déstabilisation durable » au Proche-Orient et au Moyen-Orient et aux « crises » en Afrique, « ayant des conséquences directes sur le territoire national ».
Sur la période 2009-2018, la part du matériel militaire livré à l’Afrique subsaharienne par la France ne représente toutefois que 1,45% (724 millions d’euros), contre plus de 37% au Proche et Moyen-Orient.