« Ils ne passeront pas », disaient-ils…

Il est urgent de revoir notre paradigme sécuritaire, alors qu’aucun service spécialisé ne peut vraiment faire face devant ce « terrorisme du couteau ».

En 1940, l’armée française disposait de moyens assez comparables à ceux de l’Allemagne. En 1932, dans Le Fil de l’épée, le général de Gaulle avait couché par écrit une doctrine d’emploi des forces blindées. En janvier 1940, il préconisait de combiner l’emploi des chars et de l’aviation. Ces doctrines eussent été précieuses pour ce conflit. Elle le furent, mais pour les Allemands, qui les baptisèrent « blitzkrieg » ; car l’état-major français s’en était désintéressé : depuis 1918, il avait jugé plus utile de préparer une nouvelle guerre de 14 en édifiant la ligne Maginot.

C’est à peu près où en est l’État français aujourd’hui face à la menace terroriste. On a renforcé les services de renseignement intérieurs après janvier 2015, alors que l’islamisme de masse n’était plus surveillé depuis 2008, la seule recherche se faisant sur une base individuelle par le fameux « big data », le même qui prévoyait des centaines de milliers de morts de la Covid-19 en France au printemps dernier. Dans un cas comme dans l’autre, on en a vu le résultat.
Les forces d’intervention françaises sont avant tout des « professionnels »

On a acheté des cagoules et des rangers à la tonne pour équiper des forces d’intervention qui s’entraînent d’arrache-pied pour le jour où on aura besoin d’eux pour casser des portes sur ordre, ou faire tomber un nouvel immeuble à force de rafales et de tirs de 12,7mm. Encore faut-il que quelqu’un trouve ces portes et ces immeubles, et donne à ces braves gens – qui se sont récemment dotés d’un béret fantaisiste pour tenter de lier leur image aux troupes d’assaut spécialisées (ça doit faire hurler de rire les commandos Marine et le 1er RPIMA) – de quoi faire le trajet jusqu’à leur objectif. Quand on part de Bièvre, par exemple, il y a forcément des délais de route.

Les médias se complaisent à appeler tout ce beau monde des « policiers d’élite ». Il semble bien plus prudent de simplement les qualifier de « professionnels ». Ils ont une mission spécialisée qu’ils remplissent, selon l’expression consacrée, « à la pleine satisfaction de leur hiérarchie ». Et il existe d’autres professionnels, bien plus nombreux et bien moins considérés : gendarmes et policiers patrouillent au quotidien sur la voie publique pour protéger le peuple français, intervenant indifféremment sur un différend familial comme sur un vol à main armé, une cible sur la poitrine car porteurs d’un uniforme haï par les voyous comme par les antirépublicains, qu’ils soient de La France insoumise (LFI) ou de Daesh ; intervenant aussi, et ils sont souvent les premiers, sur les actes terroristes.
Un « terrorisme du couteau » largement imprévisible

Et c’est bien pour cela que tout comme il aurait dû le faire en 1940 en matière de doctrine militaire, il faudrait que l’État change d’urgence de paradigme sécuritaire face à la criminalité de droit commun comme pour contrer le nouveau terrorisme. En effet, le renseignement ne peut stratégiquement rien contre le terrorisme tel qu’il s’est régénéré depuis le premier attentat de Nice, lorsqu’un islamiste a fini par être abattu par des policiers non spécialisés, mais eux aussi professionnels, après avoir broyé une foule d’innocents avec le camion qu’il conduisait. Des policiers, dont certains ne dorment toujours pas, hantés par les images de ce carnage, mais qui tous les jours reprennent leur service, tel ce policier municipal niçois qui est intervenu sur le massacre de l’Église de Nice. Un policier pleure aussi, de rage, de chagrin, d’horreur. Puis il revient, lorsqu’il le peut encore.

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