Offensive de Haftar, sort des Kadhafi, ingérences des grandes puissances, mercenaires… L’ex-émissaire de l’ONU en Libye raconte tout à JA dans un grand entretien. Première partie.
Quand il décide de jeter l’éponge, en mars 2020, l’ex-émissaire de l’ONU en Libye est épuisé. Physiquement, avec des problèmes de cœur qui se répètent – « J’ai fui les médecins toute ma vie ! » plaisante-t-il – mais aussi moralement. La Libye se déchire alors plus que jamais : en avril 2019, le maréchal Haftar a lancé une offensive contre Tripoli, qui a brutalement réduit à néant les efforts qu’il menait depuis sa nomination en 2017.
Mais c’était une démission en trompe-l’œil. Depuis son lit d’hôpital, ensuite de son appartement parisien de l’avenue d’Iéna, Ghassan Salamé a continué à se tenir au chevet du patient libyen, jusqu’à la désignation, en février dernier, d’un nouveau gouvernement chargé d’organiser des élections en décembre.
Ancien ministre libanais de la Culture, il explique avoir vécu l’une des périodes les plus riches d’une vie pourtant déjà bien pleine, et cette expérience sera au cœur du livre qu’il prépare avec son ancienne adjointe américaine, Stephanie Williams. De l’attaque de Tripoli au sort réservé aux kadhafistes, en passant par les mercenaires et les ingérences des grandes puissances, ce témoin qui fut aux premières loges de la crise libyenne a accepté de répondre aux questions de JA.
Jeune Afrique : Lorsque vous décidez de quitter vos fonctions d’émissaire pour la Libye en mars 2020, vous invoquez votre « état de santé ». Comment allez-vous aujourd’hui ?
Ghassan Salamé : Je vais mieux. Pendant la deuxième réunion de la Commission militaire mixte à Genève [en février 2020], je suis tombé deux fois, au Palais des Nations et à l’hôtel. J’ai vu mon cardiologue à Paris, j’avais la possibilité de prendre des congés, mais nous étions en train de lancer le processus dit des « trois pistes ». J’ai donc choisi de démissionner mais de rester en contact – dix fois par jour ! – avec ma petite équipe. Je n’ai vraiment quitté la mission qu’à l’arrivée de Jan Kubis [en janvier 2021].
Comment se sont déroulées les négociations en cette période de Covid ?