« Angela Merkel voit la puissance économique comme la solution à tous les problèmes politiques »

La chancelière a fait de l’économie sa priorité, ce qui explique son succès dans ce domaine, constate le philosophe et sociologue allemand dans une tribune au « Monde ». Mais sa politique « obstructionniste, pro-américaine et néolibérale » a, selon lui, empêché une intégration européenne plus étroite et plus solidaire.

Tribune. Il est une phrase d’Angela Merkel qui se démarque de toutes celles qu’elle a prononcées pendant ses seize années de chancellerie, une phrase qui restera dans la mémoire des Allemands : pour les uns, plutôt du côté des libéraux de gauche, Merkel s’est montrée quasi immunisée contre les critiques, quand pour les autres, plutôt du côté national-conservateur, cette phrase a sonné comme le comble de la trahison.

Non, je ne parle pas de son célèbre « Wir schaffen das ! » – « Nous y arriverons ! » – par lequel, en 2015, elle encourageait les Allemands à mener à bien l’intégration de 1 million de réfugiés. Je parle de cette phrase qu’elle a prononcée pour justifier sa décision, en septembre de la même année, d’ouvrir les frontières à ces hommes, ces femmes et ces enfants affamés et transis de froid : « Si nous devons commencer à nous excuser de montrer un visage amical dans des situations d’urgence, alors ce n’est [plus] mon pays. »
Un acte humanitaire

Avec ce « visage amical », elle voulait parler d’une figure humaine, d’un acte humanitaire. Et, avec la fin de la phrase, elle disait à quel point cela lui tenait à cœur. Ces mots n’étaient pas opportunistes, ils n’étaient pas hypocrites, ils étaient fondamentalement sincères. Même les socialistes, les partisans du parti de gauche Die Linke ou encore les écologistes des Grünen (les Verts) lui ont porté et lui portent encore de l’estime pour cette phrase. La force d’Angela Merkel, qui l’a portée tout au long de ses seize années à la chancellerie, est de ne jamais s’être laissée aller à des actions purement opportunistes.

Cela étant, le fait est par ailleurs que ses convictions politiques, dans presque toutes les circonstances, ont été extrêmement opportunes pour la majorité des Allemands : confortables, capables de rassembler une majorité, en accord avec les intérêts économiques nationaux. Même cette phrase que je vous ai citée était, à l’époque, opportune : une grande vague de solidarité balayait pour un court moment l’Allemagne, la muant en pays d’accueil. Mais cela n’a pas duré – et Merkel a bien vite essayé de passer avec la Turquie [en mars 2016], et même avec la Libye, des accords douteux voire carrément sales, qui n’avaient plus rien de commun avec ce visage humain.
La sortie du nucléaire

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