Entre la Pologne et l’Union européenne, le contresens du « Polexit »

La Pologne ne veut pas quitter l’UE, elle veut en changer les règles, c’est la grande différence avec le Brexit. Mais le rapport de force n’est pas, cette fois, favorable à Varsovie.

Il y a un énorme paradoxe dans la crise avec la Pologne qui s’est invitée hier à la table du Conseil européen de Bruxelles : on parle de la possibilité d’un « Polexit » par analogie avec le « Brexit ». Mais le parallèle ne fonctionne pas, et brouille même la compréhension de ce qui se joue ici.

Les Britanniques ont voté en 2016 pour quitter l’Union européenne, une décision effective aujourd’hui, après bien des péripéties. En Pologne, c’est un autre scénario : le gouvernement ne cherche absolument pas à quitter l’UE ; s’il devait y avoir un référendum, il n’y aurait pas de majorité pour un « Polexit » selon toutes les études d’opinion.

Non, le gouvernement polonais ne veut pas quitter l’Union européenne, il veut la changer de l’intérieur. La décision du Tribunal Constitutionnel polonais, le 7 octobre, qui provoque la crise actuelle, ne sort pas la Pologne de l’UE, elle la met hors des clous de la lettre et l’esprit de l’Union, sans enclencher un processus de départ. C’est une sacrée différence avec le référendum au Royaume Uni.

La solution à la crise n’est pas plus facile à trouver, et le magazine britannique « The Economist » a raison de souligner que « la Pologne pose un problème à l’Union européenne justement parce qu’elle ne veut pas partir ».

La crise déclenchée par la décision du Tribunal Constitutionnel est d’une double nature : d’abord en raison des atteintes à l’indépendance de la justice en Pologne qui font déjà l’objet de contentieux avec Bruxelles ; puis en raison de la décision qui nie la primauté du droit européen sur le droit national.

On touche là un principe cardinal de la construction européenne, et notamment du marché unique, qui ne fonctionne que si les règles sont communes dans tous les pays. D’autres tribunaux similaires, comme en Allemagne, ont émis des avis dissonants sur le sujet, mais aucun ne va aussi loin que le Polonais.

C’est ce qui explique la virulence des réactions hier, à l’arrivée des chefs d’État et de gouvernement à Bruxelles, qui refusaient de transiger sur un des piliers d’un édifice fondé sur le droit, et qui ne résisterait pas au chacun pour soi.

L’Union européenne a sa propre dramaturgie, on le sait depuis des décennies, ces interminables sommets pour adopter les budgets, ou, l’an dernier encore, pour valider le plan de relance post-Covid.

Mardi, le premier ministre polonais Mateusz Morawiecki était en représentation au Parlement européen, où il dénonçait le « chantage » et l’« attitude paternaliste » vis-à-vis de son pays. Mais hier il a commencé la journée par une rencontre non annoncée à l’avance avec Emmanuel Macron, puis avec d’autres dirigeants. Dans ce club sans équivalent au monde, les problèmes les plus ardus se règlent entre effets de manche et négociations discrètes.

A l’arrivée, il n’y aura pas de « Polexit », les Polonais n’en veulent pas, et le pouvoir populiste de Varsovie n’a pas aujourd’hui les moyens de changer l’Europe de l’intérieur.

La Pologne a de surcroit, un chèque de 57 milliards d’euros du plan de relance qui attend que ce conflit sur le droit se débloque. C’est peut-être du « chantage », mais s’affranchir des règles communes ce n’était pas très réglo non plus. Le rapport de force, cette fois, n’est vraiment pas en faveur de la Pologne.

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