La guerre d’Ukraine divise dangereusement les Balkans

Résumé

L’avion du chef de la diplomatie russe Sergei Lavrov a dû rebrousser chemin alors qu’il était en route vers la Serbie, après l’interdiction de survol de trois pays de l’Otan. Cet incident va relancer la lutte d’influence entre Russes et Occidentaux dans cette région fragile.

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La guerre en Ukraine a provoqué une brusque poussée de fièvre à l’autre bout de l’Europe, dans les Balkans occidentaux. Sergei Lavrov, le chef de la diplomatie russe, était en route pour une visite en Serbie hier, lorsque son avion a dû faire demi-tour et regagner Moscou. Trois États avaient refusé son survol : la Bulgarie, la Macédoine du nord et le Montenegro.

Le point commun de ces trois États ? Ils sont membres de l’Otan, et l’un d’eux, la Bulgarie, appartient aussi à l’Union européenne. De quoi rendre Sergei Lavrov furieux : il a qualifié le refus de survol de « scandaleux », affirmant que « l’inconcevable s’est produit ».

La Serbie a elle aussi réagi, affirmant que ceux qui ont bloqué l’avion « rêvent de vaincre la Russie ». « La Serbie est fière de ne pas faire partie de l’hystérie antirusse, et les pays qui y participent auront le temps d’avoir honte », a déclaré un ministre serbe.

Cet incident diplomatique ne restera pas sans suites. Il vient raviver de vieilles plaies, des lignes de fracture jamais effacées depuis les guerres liées à l’éclatement de la Yougoslavie dans les années 90.

La Serbie conserve le souvenir amer des bombardements de l’Otan, y compris sur sa capitale, Belgrade, lors de la guerre qui a conduit à l’indépendance du Kosovo en 1999. Ses affinités culturelles et religieuses avec la Russie l’ont également conduite à refuser de condamner l’invasion de l’Ukraine, et de s’associer aux sanctions occidentales contre la Russie. Selon les sondages, une majorité de Serbe soutient la Russie dans le conflit ukrainien.

Mais dans le même temps, la Serbie est candidate à l’adhésion à l’Union européenne, et son président, Alexander Vuvic, se maintenait dans une neutralité ambigüe pour ménager tout le monde. Cette neutralité relative va être mise à rude épreuve dans les prochaines semaines.

L’ombre russe plane sur la région des Balkans. C’est l’une des cibles privilégiées de la bataille de l’information que mène la Russie depuis plusieurs années, et sa diplomatie s’active, généralement pour contrer les liens avec l’Otan et avec l’UE, et maintenir ces pays dans un no man’s land géopolitique qui lui serait plus favorable.

Comme le faisait observer Sylvain Zeghni, un analyste, le mois dernier dans une tribune au « Monde », « en attisant les conflits territoriaux, en soutenant les politiciens sécessionnistes, et en sapant les institutions démocratiques, le Kremlin pourrait potentiellement faire basculer la région dans le chaos sans déployer un seul char ».

Le maillon faible de la région pourrait être la Bosnie-Herzégovine, théâtre de l’une des pires guerres des années 90, et qui vit sous la menace d’une nouvelle sécession des Serbes de Bosnie. Les Européens tentent de l’empêcher, car le potentiel de réveil du conflit est immense. La Russie dispose ici d’un levier possible au nom d’un nationalisme slave et orthodoxe.

C’est dans ce contexte volatile qu’Emmanuel Macron a fait le mois dernier sa proposition de Communauté politique européenne afin de donner une structure d’accueil aux pays des Balkans comme à l’Ukraine et ses voisins, en attendant de leur ouvrir les portes de l’Union européenne un jour plus lointain.

La proposition a été fraichement accueillie, mais cette idée ou d’autres seront indispensables pour stabiliser une région trop longtemps négligée. La visite avortée de Sergei Lavrov ne fait qu’en rappeler l’urgence.

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