POINT DE VUE. Guerre en Ukraine : « l’Otan, l’Union européenne et la France »

« L’Otan est au centre du jeu. Cela ne signifie pas que l’Union Européenne ne pèse pas. » Par François Heisbourg, Conseiller spécial, Fondation pour la Recherche Stratégique (*).

Quand la guerre menace l’Europe, c’est vers l’Otan que les Européens se tournent, plus ou moins rapidement. France comprise. En mettant de côté les proclamations sur « l’autonomie stratégique européenne » ou la France comme « puissance d’équilibre » entre l’Est et l’Ouest.

Dans les années 1960, lors de la crise de Cuba comme lors des ultimatums nucléaires soviétiques visant Berlin, De Gaulle est d’une solidarité transatlantique sans faille. Dans les guerres des Balkans, trois ans après les mâles propos de la présidence luxembourgeoise affirmant que « l’heure de l’Europe a sonné » en Bosnie, la France et le Royaume-Uni passeront par la case Otan pour y ramener la paix – bien que trop tard pour sauver Srebrenica du génocide.

L’invasion de l’Ukraine par la superpuissance nucléaire russe ne déroge pas à la règle, et c’est bien normal : la France peut le cas échéant assurer sa survie nationale grâce à sa force de dissuasion, mais elle ne peut seule préserver la sécurité de l’Union Européenne toute entière.

Contrairement aux affirmations de la propagande russe, l’Otan n’a pas précipité la guerre : nul processus d’adhésion de l’Ukraine à l’Otan n’était en cours depuis que la possibilité en avait été énoncée en 2008. Elle ne s’y est pas davantage précipitée : les politiques d’aide y compris militaire à l’Ukraine ont été le fait d’États pris individuellement, y compris non membres de l’Otan. La coordination a été ad hoc, groupant une cinquantaine d’États, dont une vingtaine d’Afrique, d’Asie et du Moyen Orient. L’Union Européenne a pour sa part débloqué des crédits pour faciliter l’aide militaire à l’Ukraine.

Quand la guerre menace l’Europe, c’est vers l’Otan que les Européens se tournent, plus ou moins rapidement. France comprise. En mettant de côté les proclamations sur « l’autonomie stratégique européenne » ou la France comme « puissance d’équilibre » entre l’Est et l’Ouest.

Dans les années 1960, lors de la crise de Cuba comme lors des ultimatums nucléaires soviétiques visant Berlin, De Gaulle est d’une solidarité transatlantique sans faille. Dans les guerres des Balkans, trois ans après les mâles propos de la présidence luxembourgeoise affirmant que « l’heure de l’Europe a sonné » en Bosnie, la France et le Royaume-Uni passeront par la case Otan pour y ramener la paix – bien que trop tard pour sauver Srebrenica du génocide.

L’invasion de l’Ukraine par la superpuissance nucléaire russe ne déroge pas à la règle, et c’est bien normal : la France peut le cas échéant assurer sa survie nationale grâce à sa force de dissuasion, mais elle ne peut seule préserver la sécurité de l’Union Européenne toute entière.

Contrairement aux affirmations de la propagande russe, l’Otan n’a pas précipité la guerre : nul processus d’adhésion de l’Ukraine à l’Otan n’était en cours depuis que la possibilité en avait été énoncée en 2008. Elle ne s’y est pas davantage précipitée : les politiques d’aide y compris militaire à l’Ukraine ont été le fait d’États pris individuellement, y compris non membres de l’Otan. La coordination a été ad hoc, groupant une cinquantaine d’États, dont une vingtaine d’Afrique, d’Asie et du Moyen Orient. L’Union Européenne a pour sa part débloqué des crédits pour faciliter l’aide militaire à l’Ukraine.

On revient de loin

Cependant le sommet de Madrid marque un tournant majeur du côté occidental. Le président Poutine ayant démontré qu’il avait un goût immodéré du risque en stratégie, les pays européens les plus exposés à ses coups éventuels ont plaidé et obtenu de l’Otan les assurances nécessaires pour prévenir ou contrer ceux-ci : c’est le processus d’adhésion de la Finlande et de la Suède, et le renforcement notable du dispositif otanien de la Roumanie à l’Estonie, avec une présence substantielle de la France. L’état de préparation de ces forces est relevé pour éviter les mauvaises surprises, avec 300 000 soldats concernés au lieu de 40 000 auparavant. À Madrid, ces décisions seront la première mise en œuvre du nouveau concept stratégique de l’Otan.

Il est vrai que le dernier remontait à 2010 et on pouvait y lire qu’il y avait peu de risques d’une guerre importante en Europe cependant qu’un partenariat stratégique pourrait être recherché avec la Russie. Dès 2014, la Russie procède à un premier partage de l’Ukraine, en Crimée et par séparatistes interposés, dans le Donbas. De fait, on pourrait reprocher à l’Otan l’insuffisance de sa réaction à l’époque comme on peut déplorer la vanité de la tentative du président Macron en 2019 de nouer un dialogue stratégique avec un Poutine qui nourrissait de tout autres projets.

L’Otan est ainsi au centre du jeu. Cela ne signifie pas que l’Union Européenne ne pèse pas : sans elle, pas de sanctions fortes possibles, et dans la durée, pas d’ordre politique européen pérenne et stable. Si l’Otan sert puissamment en ce moment, qu’en sera-t-il du côté américain, avec la possibilité d’un retour de Trump et la probabilité d’un accaparement de l’attention et des ressources américaines face au grand rival chinois ? Plutôt que de brandir à tout propos l’étendard de l’autonomie stratégique, il sera alors temps de la faire…

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