José Eduardo Dos Santos, la dictature et les pétrodollars

L’ancien président angolais est décédé ce vendredi à Barcelone. Retour sur un règne sans partage.

José Eduardo dos Santos passait pour un autocrate discret. Il a marqué l’histoire de son pays pendant des décennies. Déjà à 16 ans, il intégrait le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) alors que son pays cherchait à obtenir son indépendance du Portugal.

Lorsqu’en 1961 le MPLA entame la lutte armée contre le pouvoir colonial, Jose Eduardo dos Santos prend le chemin de l’exil à l’âge de 19 ans. Il étudie plus tard dans l’ex-Union soviétique et regagne son pays cinq ans avant l’indépendance proclamée en 1975.

Ses compagnons et lui mettent en place un régime de parti unique selon le modèle soviétique. Mais une guerre civile éclate peu après avec l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (UNITA), mouvement dirigé par Jonas Savimbi, soutenu par l’Afrique du Sud et les Etats-Unis. Le MPLA est alors soutenu par l’ex-Union soviétique et Cuba.

José Eduardo dos Santos fait néanmoins carrière en tant que ministre de la Planification et chef adjoint du gouvernement. En 1979, il atteint son objectif : après la mort d’Agostinho Neto, il devient président de la République et chef du parti MPLA.

La paix comme grand projet politique

José Eduardo Dos Santos doit cependant faire face à la guerre civile jusqu’à la mort de son rival Jonas Savimbi. La guerre a entretemps fait près d’un million de morts et des millions de déplacés. Guerrier dans son pays mais loin de sa terre, l’ingénieur pétrolier de formation joue les médiateurs dans des crises en RDC voisine et en Centrafrique.

Son camarade de parti João Pinto le qualifiait de leader exceptionnel. Il explique sur la DW que “peu d’hommes politiques africains ont suivi son exemple. La plupart d’entre eux sont arrivés au pouvoir par un coup d’Etat ou se sont accrochés au pouvoir sans faire passer de réformes fondamentales. Dos Santos était différent”.

Pourtant ses détracteurs ne sont pas de cet avis. En 2001, après 22 ans de pouvoir, il annonce son intention de rendre le tablier avant de se raviser. Il reste au pouvoir pendant encore près de 16 ans avant de passer la main le 26 septembre 2017 à João Lourenço.

Après sa démission, José Eduardo dos Santos a conservé néanmoins la direction du parti.

A coût d’argent et d’influence, il continue de contrôler d’importants leviers du pouvoir. L’opposition critique son népotisme.

Sur la DW, l’activiste Pedrowski Teca dénonce une démocratie de façade sous le règne de Jose Eduardo dos Santos :

“C’est la pensée unique qui règne en Angola. Il existe une dictature dans le pays, déguisée en démocratie. Pour réussir dans la vie académique et professionnelle, il faut appartenir au parti au pouvoir.”

Un Angola riche avec des Angolais pauvres

En matière de politique économique, José Eduardo dos Santos tient également les rênes.

Officiellement, il s’éloigne du marxisme dès les années 90 et introduit l’économie de marché. L’Angola devient ainsi la troisième puissance économique et le deuxième producteur de pétrole d’Afrique. Le pays attire des investisseurs. La Chine est le partenaire préféré du président. Des milliards de crédits affluent de Pékin pour d’importants projets d’infrastructure.

Pourtant, de nombreux bénéfices issus du pétrole vont directement dans la poche de José Eduardo dos Santos et dans celle de ses bienfaiteurs.

Le gouvernement est régulièrement accusé de détourner des fonds. Parmi les plus grands scandales, la disparition d’environ 32 milliards de dollars des caisses de la compagnie pétrolière nationale Sonangol. Le président réfute ces critiques en 2013 dans un message à la nation.

La corruption est d’autant plus problématique que plus de la moitié des Angolais vivent sous le seuil de pauvreté. 87% des citadins vivent dans des bidonvilles et environ un tiers de la population dépend de l’aide alimentaire étrangère.

Le pays comme une entreprise familiale

Mais la famille présidentielle est accusée d’être loin de cette pauvreté de masse. Selon les calculs du magazine américain “Forbes”, Isabel dos Santos, fille du président, est la première femme milliardaire d’Afrique et la seule à se classer parmi les dix Africains les plus riches.

Il faut attendre l’arrivée au pouvoir de son dauphin et successeur João Lourenço pour voir les choses changer. L’une de ses premières actions a été de limoger la fille du président, Isabel dos Santos, que son père avait propulsée à la tête du groupe pétrolier public Sonangol. En 2020, la milliardaire a été accusée de fraudes et de blanchiment d’argent. Son frère José Filomeno dos Santos avait été condamné à cinq ans de prison en 2020 au terme d’un long procès.

José Eduardo dos Santos meurt, laissant derrière lui une famille qui a perdu beaucoup de sa crédibilité en Angola.

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