La comparaison a été souvent faite de la Chine joueur de go et ce qui dans ce jeu est différent de la plupart des jeux, qu’il s’agisse des échecs russes ou du poker étasunien, dans lesquels prime la concentration dans la compétition pour les échecs, et le bluff du rapport des forces pour l’autre. Ce qui caractérise le jeu de go, c’est d’abord la longueur de la partie, avec une pensée stratégique qui se modifie suivant les phases. Il y a une phase d’observation dans laquelle on tente de comprendre les motivations des autres joueurs, pour acquérir du pouvoir en leur concédant des avantages, deviner ce qui est essentiel pour eux et le leur offrir pour agrandir son propre territoire. Puis intervient le deuxième moment qui est proche du jeu d’échec à savoir la phase la plus compétitive, celle où on utilise ses gains. C’est là que le joueur met en œuvre sa stratégie, négocie des compromis, prend des décisions difficiles, prend des risques. Mais la fin de partie est celle où on fait les comptes, on referme les frontières patiemment parce qu’on doit faire très attention d’assurer ses acquis. Dans toutes les étapes il y a un état d’esprit différent, mais si comparaison n’est pas raison, il est évident que les Chinois ont fait des choix socialistes qui dépassent le jeu de go. Il faut comprendre le «socialisme à la chinoise» qui donne le sens à ce temps long, les étapes d’une planification pour le développement du peuple chinois comme accès à l’universel humain. L’idée du gagnant-gagnant pour parvenir à ses fins est à l’œuvre y compris dans ce sommet dont nous avons vu à quel point la Chine en avait impulsé la dynamique d’ouverture. Description de quelques aspects de cette partie-là à propos des «divisions» internes aux BRICS et autres rumeurs… dans lesquelles la France est en train de provoquer sa propre ruine en «macronisant»…
- Les espoirs de division des BRICS de l’occident et la stratégie chinoise
Notons que les États-Unis mais y compris la France de Macron, misérable petit joueur totalement aliéné au jeu des USA1 ont tenté de peser sur ce sommet sans y parvenir, en multipliant les déstabilisations avec les USA2, un de leur espoir en ce domaine étant l’Inde. Si la Chine et la Russie étaient dès le départ partisanes de l’ouverture à d’autres pays, il a été affirmé que l’Afrique du Sud et le Brésil mais surtout l’Inde ne la souhaitaient pas. Or cette ouverture exige l’unanimité. Mais il faut considérer que la Chine n’a jamais joué sur les adhésions idéologiques, en tant qu’État, elle a toujours privilégié les conditions objectives, matérielles, celles dont Marx disait que l’on ne peut pas s’en passer, sauf en imagination. Un des credo de l’occident était que la dédollarisation serait limitée parce qu’il y avait des divisions fondamentales entre les membres des BRICS, tout au plus aboutirait-on à des échanges monétaires multiples, ce qui laissait de beaux jours aux États-Unis et au dollar. Quitte à envoyer ses alliés se fracasser économiquement par les effets conjugués de l’inflation et des sanctions. Au premier rang de cette division il y avait l’Inde dont le poids pouvait être concurrent de celui de la Chine.
Cela nous permet d’avoir un aperçu sur la manière dont la Chine déplace les pièces de son jeu stratégique, mais il faut compléter cette première approche par d’autres que nous esquissons simplement ici, à savoir le rôle de la Russie qui loin de suivre la Chine a une position centrale à partir de son propre «territoire national». Il faut aussi mesurer que les BRICS ne sont que l’un des aspects de cette stratégie chinoise et il faut analyser à ce propos la relation avec l’Afrique que nous avons esquissée dans la première rencontre entre le président chinois et son homologue d’Afrique du Sud. Enfin il faut comme nous le faisons aujourd’hui à travers l’exposé cubain voir le lien que la Chine entretient avec le G77, le mouvement des non-alignés.
Sans jamais oublier la subtilité de l’affrontement Chine-USA, qui utilise la fureur de l’adversaire pour vaincre sans avoir à entrer en guerre mais en ayant aussi conscience que l’on ne peut pas donner d’avantage à celui qui a votre destruction comme seul but, ce qui est le seul cas des USA, en revanche tous les vassaux européens et asiatiques ayant des intérêts étrangers à leur vassalisation.3
- La constitution du territoire de la dédollarisation : le pétrodollar et ce qui s’en suit
Il faut d’abord considérer comme nous l’avons esquissé le sens de cette ouverture et le consensus autour de la dédollarisation pour mesurer que cette ouverture reposait sur des mécanismes qui étaient à l’œuvre y compris de la part de l’Inde dont nous avions noté qu’elle avait procédé à des transactions en monnaie locale avec les Émirats avant le sommet des BRICS. Que l’Inde soit au niveau politique le maillon faible est assez bien perçu, mais elle est autant et plus que les autres prise dans un réseau (un territoire) qui a été tissé entre gros consommateurs et pays producteurs et qui vient de loin, la Russie de Poutine ayant avec Chavez qui l’a probablement payé de sa vie créé les conditions d’une autonomie des pays producteurs par rapport déjà aux majors américains du pétrole qui en maitrisaient le traitement final et la commercialisation. Chavez œuvrant dans ce sens au sein de l’OPEP.
Là ce qui est en cause, ce sont les pétrodollars.
Avec l’adhésion de l’Iran, de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis aux BRICS, le mécanisme multilatéral comprend désormais les principaux producteurs et importateurs mondiaux de pétrole ce qui brise le pétrodollar et favorise l’adoption des monnaies locales pour le commerce entre les pays BRICS. En effet les pays qui ont exprimé leur désir de rejoindre les BRICS représentaient 60% des réserves mondiales de pétrole et de gaz.
Les dirigeants des BRICS ont souligné l’importance d’encourager l’utilisation des monnaies locales dans le commerce international et les transactions financières entre les pays des BRICS ainsi que leurs partenaires commerciaux, et d’encourager le renforcement des réseaux de correspondants bancaires entre les pays des BRICS et de permettre les règlements en monnaies locales, selon une déclaration publiée lors du 15ème sommet des BRICS qui s’est achevé jeudi. C’est une accélération d’une tendance que nous avions noté qui fait que le volume des transactions au sein des BRICS en dollars américains et en euros a commencé à diminuer. Lorsque le pétrole et d’autres matières premières sont négociés directement dans des devises autres que le dollar, la fonction des bons du Trésor américain en tant que réserves de change sera irréversiblement affaiblie, car le pétrole, le produit de base énergétique le plus important échangé, a toujours été lié au statut de la monnaie de réserve mondiale. La vente des bons du trésor américain en sera accélérée ce qui est également une tendance. Ce mécanisme est essentiellement produit par la Chine et surtout l’Arabie saoudite. Les avoirs de l’Arabie saoudite en bons du Trésor américain sont tombés à leur plus bas niveau en six ans pour atteindre 108,1 milliards de dollars en juin. La vente nette cumulée de la dette américaine s’élève à près de 80 milliards de dollars. Les Émirats arabes unis ont également vendu près de 4 milliards de dollars de dette américaine au total, selon les données du département américain du Trésor. Cette tendance à la dé-dollarisation a été fabriquée par les États-Unis. Ces dernières années, les sanctions financières unilatérales successives des États-Unis ont rappelé à de plus en plus de pays la nécessité et l’urgence de la dédollarisation, qui est maintenant de l’ordre d’un consensus général.
Pendant ce temps, le dollar américain a longtemps été soutenu par la confiance mondiale dans la dette américaine. Mais les États-Unis ont endommagé le reste de l’économie mondiale par le biais de l’ONU, un assouplissement quantitatif limité et des hausses brutales et massives des taux d’intérêt. Il faut dire que les États-Unis sont à découvert sur le crédit du dollar américain, et la récente déclaration de Powell envisageant encore un relevé des taux de la FED ne va pas améliorer la situation. Dans le passé, il n’y avait probablement pas de meilleure alternative au dollar américain, et la forte puissance économique des États-Unis a permis au dollar de continuer à maintenir son hégémonie. Maintenant, les choses ont changé. Par exemple, la Nouvelle Banque de développement des BRICS offre un environnement de règlement en monnaie locale pour réduire le coût et la complexité du commerce transfrontalier
- L’occident pétrifié derrière les États-Unis impuissants
Six candidats – l’Argentine, l’Égypte, l’Éthiopie, l’Iran, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis – seront admis en tant que membres des BRICS le 1er janvier 2024, a annoncé jeudi le président sud-africain lors du sommet des BRICS. Actuellement, les membres des BRICS comprennent le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud. Le statut du dollar est affecté par l’instabilité politique et économique aux États-Unis. Le niveau élevé de la dette publique américaine et l’incertitude quant à la croissance de l’économie américaine entraîneront une baisse de la valeur du dollar. Il est naturel que d’autres pays veuillent réduire leur dépendance au dollar pour réduire ce risque.
Cette démonstration explique la manière dont l’Inde, quelles que soient ses sympathies ou antipathies politiques, a des raisons objectives d’adhérer au nouveau cours des BRICS et l’on comprend mieux que la Chine qui n’a jamais pour autant pris parti contre la Russie et la nécessité de sa sécurité face à l’OTAN ait participé à l’initiative de l’Arabie saoudite et de l’Ukraine en l’absence de la Russie et en la présence des États-Unis, il s’agissait de reconnaitre le rôle diplomatique de l’Arabie saoudite, tout en démontrant la nécessité de la «neutralité» et de l’impossibilité d’un accord sans la présence de la Russie.
Enfin ce qui a limité l’opposition de l’Inde sur le strict plan idéologique et de concurrence politique à la domination mondiale disputée à la Chine dans lequel elle est fortement encouragée depuis toujours, c’est aussi le fait que les États-Unis pour le moment restent littéralement paralysés devant cette dédollarisation, cette atteinte au pétrodollar.
- La Chine assure chaque étape de sa stratégie et au-delà de cette ouverture des BRICS, le processus est loin d’être terminé
Parce que pour bien mesurer la stratégie chinoise il faut comprendre deux choses encore au-delà de sa manière de créer les conditions objectives sans entrer dans des questions idéologiques pour aller vers une solution. Il faut aussi rester sur le fond même quand il peut ne pas paraitre être celui mis en avant par tous, et ce fond c’est bien le frein au sous-développement des peuples, la perte de souveraineté infligée par l’asphyxie des plus faibles. Ce monde a besoin de justice et c’est pour ça que ce qui vient de se passer à ce sommet peut être célébré par tous y compris le peuple français.
Mais pour cela, il faut aussi conserver le sens de ce qu’on peut considérer comme la contradiction principale, le rôle des États-Unis.
Dans ce domaine s’il n’est jamais employé le terme d’«alliés», ce qui est une position militaire et qui empêche de partir d’abord de ce qui est bon pour le peuple chinois pour accéder à l’universel, à tout le moins il existe des partenaires stratégiques.
D’alliés la Chine n’en a jamais eu qu’un seule la RPDC, mais elle a des partenaires stratégiques pour lesquels les buts communs sont déterminants ce qu’il désigne comme des amis et bons camarades.
Il y en a deux essentiels la Russie mais aussi Cuba. Donc il nous reste à comprendre et à intégrer plus que nous ne l’avons fait dans ce sommet des BRICS le rôle déterminant de la Russie. Même avec l’absence physique de Poutine, ce qui ne l’a pas empêché d’avoir le discours le plus acclamé par toute l’assistance et en particulier l’auditoire africain, ce sera l’objet d’un autre article.
Voici la vidéo dans laquelle il est précisé les conditions d’ouverture et le fait que comme l’a exprimé la Chine et les autres intervenants, le consensus s’est fait sur la prévision d’une nouvelle vague d’adhésion qui renforceront, a précisé la Chine, le rôle de lutte des BRICS contre le sous-développement.