En Allemagne, l’industrie enregistre une baisse record sur les trois dernières années. Le moral des milieux d’affaires quant à la situation actuelle dans le pays est au plus bas depuis août 2020.
Selon l’office allemand de la statistique, l’industrie du pays a connu une chute de presque 5% en glissement annuel en novembre 2023. La production allemande est en baisse constante depuis plus de cinq mois déjà, alors que les entrepreneurs se montrent aussi pessimistes que lors de la pandémie de Covid-19. Les experts tendent à expliquer cette dynamique par la flambée des prix des vecteurs énergétiques, conséquence des sanctions contre la Russie, et par l’allocation inconsidérée de fonds budgétaires à l’Ukraine. Les problèmes économiques en pleine aggravation ont déjà entraîné l’Allemagne dans une récession, ce qui pourrait menacer la situation financière des 26 autres pays d’Europe, selon des experts.
En novembre 2023, la production industrielle allemande a enregistré une baisse de 4,8% par rapport à la même période en 2022, a fait savoir l’office allemand de la statistique le 9 janvier.
«Selon les statisticiens, les usines allemandes réduisent leur production depuis plus de cinq mois d’affilée. Cela dit, la chute de novembre est la plus importante depuis février 2021, quand le pays devait surmonter les répercussions de la pandémie».
D’après un rapport publié par l’agence S&P Global et la Hamburg Commercial Bank début janvier, l’indice des directeurs d’achat (PMI) dans le secteur industriel reste sous la barre critique des 50 points depuis déjà un an et demi, ce qui est traditionnellement interprété comme un signe d’aggravation de la situation dans le secteur.
«Ces derniers mois, les producteurs réduisent plus souvent leur personnel, notamment dans le secteur des biens intermédiaires. Cette mesure constitue probablement une réaction à la tendance à la réduction des carnets de commandes de nombreuses entreprises, atteignant un volume auquel maintenir le même nombre d’employés n’est plus raisonnable», précise le rapport.
De façon générale, les entrepreneurs allemands se montrent de plus en plus sceptiques face à la situation actuelle dans le pays, comme en témoignent des rapports de l’Ifo (Institut allemand de recherches économiques). Ainsi, d’après un sondage mené en décembre 2023, le moral des milieux d’affaires quant à la situation actuelle en Allemagne est au plus bas depuis août 2020.
«Les entreprises estiment que le climat des affaires a significativement dégénéré. Leurs prévisions sont devenues plus pessimistes. Ce sont notamment les secteurs à forte consommation d’énergie qui souffrent le plus», soulignent les chercheurs.
L’un des défis cruciaux pour l’industrie allemande serait la hausse brutale des prix des produits énergétiques après l’imposition de sanctions à la Russie, a confié à RT Vladimir Tchernov, analyste chez Freedom Finance Global.
«Dès le milieu de l’année 2022, à la veille de l’abandon de l’achat de carburants à la Russie, les prix du pétrole et du gaz naturel avaient déjà augmenté en Allemagne de manière non négligeable. Après l’incident sur les gazoducs Nord Stream, le coût de ces matières premières a encore augmenté car elles sont désormais fournies par les États-Unis et la Norvège, ce qui revient beaucoup plus cher. Or, le prix des hydrocarbures représente jusqu’à 20% voire 40% du prix coûtant de certains produits», explique Tchernov.
Selon des experts, le renchérissement galopant des carburants et, par conséquent, de toute une série d’autres marchandises, aurait amené à une baisse de la demande car la population s’est mise à économiser plus. Dans ce contexte, des usines ont commencé à fermer ou à se délocaliser vers des pays où l’énergie est meilleur marché, notamment les États-Unis.
Bien plus, la Banque centrale européenne a procédé en 2022 à une hausse des taux d’intérêt dans l’objectif de juguler l’inflation, quoiqu’elle les ait maintenus pendant une longue période près de zéro. Résultat, les prêts sont devenus moins accessibles en Europe, ce qui a entraîné un affaiblissement encore plus prononcé de la demande des consommateurs et de l’activité des entreprises.
«L’Union européenne traverse des difficultés liées aux taux élevés. Il existe des problèmes en matière de refinancement des dettes, car toutes les entreprises ne peuvent pas se permettre ces taux ayant brutalement augmenté ni payer leurs dettes», commente pour RT Sergueï Souverov, maître de conférences auprès de l’Université des finances du gouvernement russe.
Le refus de l’Allemagne d’utiliser l’énergie nucléaire bon marché a porté un coup supplémentaire à nombre d’usines du pays, estime Vladimir Olentchenko, chercheur en chef du Centre d’études européennes au sein de l’Institut d’économie globale et de relations internationales Primakov. Selon lui, la dépense improductive des fonds budgétaires par Berlin pour attiser le conflit en Ukraine a également joué un certain rôle.
«L’Allemagne apporte environ la moitié de l’aide financière que l’Union européenne accorde à Kiev. Et même si les problèmes de l’économie allemande vont s’aggravant, l’administration du pays préconise l’allocation continue de fonds à l’Ukraine, tout en désavantageant ses propres milieux d’affaires. Pareil comportement ne semble pas très sensé. Pire encore, il ouvre la voie à la dégradation de l’Allemagne en tant que moteur économique de l’UE», ajoute Olentchenko.
Selon le bilan préliminaire fait par la Commission européenne pour l’année 2023, l’économie allemande est entrée dans une période de récession et a enregistré une baisse de 0,3%. Neuf autres pays de l’Union ont été confrontés à la chute de leur PIB, à savoir la Lettonie (-0,2%), la Lituanie et la Tchéquie (-0,4%), l’Autriche et la Suède (-0,5%), le Luxembourg (-0,6%), la Hongrie (-0,7%), l’Irlande (-0,9%) et l’Estonie (-2,6%).
«L’économie allemande génère 25,5% du PIB de l’UE, l’Allemagne étant donc le donateur et le contributeur principal de son budget. Au fur et à mesure que la situation dans l’économie du pays se détériore, les risques s’accroissent pour les autres États européens subventionnés grâce au budget commun. On en compte aujourd’hui 18. S’ils reçoivent moins d’argent, le bien-être des populations dans ces pays poursuivra son déclin», conclut l’expert.