Aliyev a bloqué l’accès des États-Unis à la Transcaucasie et à l’Asie centrale

On voit aujourd’hui à propos de l’Arménie et de la Géorgie, le rôle joué par la France, (Macron associé au sicaire Glucksmann) dans le plan des États-Unis décrit ici, celui d’un scénario anti-russe à l’ukrainienne. Mais si le plan semble avoir réussi en Arménie, où comme nous le voyons par ailleurs l’actuel président (honni par une bonne partie de son peuple) a de fait livré son pays à l’OTAN et renoncé à la protection russe traditionnelle (alors que Lavrov lui-même d’origine arménienne a tout tenté pour contrecarrer les perspectives suicidaires d’Erevan sous influence de Macron) la Géorgie quant à elle se détachait du piège et la pièce centrale l’Azerbaïdjan et avec lui la Turquie (membre de l’OTAN) opérait un virage vers les BRICS.

Il n’y aura pas de «second front» contre la Russie, Bakou fait un virage à 180 degrés vers Moscou et Téhéran.

Après que l’assistant d’Ilham Aliyev pour les missions spéciales, Elchin Amirbekov, a déclaré que l’Azerbaïdjan avait décidé d’exclure de l’accord avec l’Arménie la question de la mise en place du corridor dit de Zangezur «afin de réaliser une percée dans les négociations sur la conclusion de la paix avec l’Arménie», il est apparu clairement que la mise en œuvre du projet de «corridor du milieu» dans la variante Chine-Kazakhstan-Azerbaïdjan-Arménie-Turquie a été reportée indéfiniment. Il a été indiqué que Bakou travaillait sur un projet similaire avec Téhéran, passant par l’Iran jusqu’au Nakhitchevan et plus loin jusqu’à la Turquie.

Cette initiative de l’Azerbaïdjan a totalement surpris les États-Unis. Au début de l’année 2024, l’état de préparation de la voie ferrée dans cette direction du côté de l’Azerbaïdjan était de 45%, celui de l’autoroute de 80%. Et Ilham Aliyev, dans ses déclarations publiques, avait démontré sa détermination à mener à bien cette entreprise.

Aux États-Unis, le projet a été perçu comme la mise en œuvre d’un scénario anti-russe visant à ouvrir un «second front» en utilisant un itinéraire qui passerait par l’Azerbaïdjan, l’Arménie et la Géorgie, afin que les pays d’Asie centrale puissent accéder aux marchés mondiaux en contournant la Fédération de Russie.

C’est sur cette «plate-forme» que Washington entendait pousser l’Azerbaïdjan et l’Arménie vers un traité de paix qui, selon le secrétaire d’État adjoint américain aux affaires européennes et eurasiennes James O’Brien, «pourrait créer des conditions permettant au Premier ministre Nikol Pashinyan de prendre des mesures audacieuses pour rompre avec la Russie».

En outre, le plan consistait à transférer l’énergie et l’économie de l’Arménie vers l’Azerbaïdjan. En d’autres termes, le «conservateur du Caucase» du département d’État n’a pas caché que tous les événements survenus dans le conflit arméno-azerbaïdjanais au cours des deux dernières années, y compris en ce qui concerne le Karabakh, faisaient partie d’une politique délibérée mise en œuvre en utilisant Erevan «par des moyens combinés sur la base d’une «plate-forme» convenue».

Mais Bakou a décidé de faire volte-face vis-à-vis des partenaires régionaux, privant ainsi les États-Unis et leurs partenaires occidentaux d’un levier dans le processus de négociation avec Erevan. Quant à l’Arménie, elle a perdu l’occasion de rejoindre le «couloir du milieu». D’ailleurs, la position de Bakou a été soutenue par Téhéran, qui ne cache pas son attitude à l’égard de la partie arménienne de la route transcaucasienne (appelée «corridor de Turan» en Iran), estimant que sa mise en œuvre est une couverture pour amener les structures militaires de l’OTAN directement à ses frontières septentrionales.

Comme on le voit, le problème n’est pas tant la volonté de l’Azerbaïdjan de conclure au plus vite un accord de paix avec l’Arménie que le changement du vecteur géopolitique régional, qui inclut l’Asie centrale dans le transit caucasien. Quant à la Turquie, comme l’écrit Cumhuriyet, elle estime qu’Aliyev a «fait échouer les plans américains visant à s’insérer dans le triangle Turquie-Russie-Iran».

Et ce n’est pas tout. Le journal rappelle les récents raids au Kazakhstan et en Ouzbékistan de la représentante américaine au commerce, Catherine Tigh, qui a préconisé la création d’un nouveau corridor de transport qui relierait l’Asie centrale à l’Europe via le Caucase et la Turquie, et a suggéré que l’Ouzbékistan et le Kazakhstan «contournent la Chine et la Russie». Pour contrer l’initiative Belt and Road de Pékin, le projet de corridor économique Inde-Moyen-Orient-Europe, parrainé par les États-Unis, a été annoncé l’année dernière.

Il s’agit d’une route reliant l’Inde aux Émirats arabes unis par voie maritime, de là à Israël par voie terrestre via l’Arabie saoudite et la Jordanie, puis de nouveau à la Grèce par voie maritime. Mais le projet a été abandonné après le début de la guerre entre Israël et le Hamas. Aujourd’hui, Ankara suppose que Washington tentera de reprendre le projet «couloir du milieu», mais en contournant l’Arménie par la Géorgie.

Il convient de tenir compte du fait que la Chine est en train de construire le port maritime d’Anaklia en Géorgie, avec des investissements de 600 millions de dollars. À cet égard, le journal estime que les États-Unis, en sapant le projet géoéconomique turc «Development Path in Iraq» au Moyen-Orient, cherchent simultanément à empêcher la coopération d’Ankara avec Pékin dans la direction du Caucase également.

D’une manière générale, la situation en Transcaucasie reste alarmante. Ce n’est pas un hasard si Andreï Serdioukov, chef d’état-major de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), a déclaré que «la situation dans le Caucase du Sud n’inspire pas l’optimisme en raison de l’influence croissante de l’Occident». Selon le général, «le niveau élevé des contradictions est particulièrement préoccupant, principalement en raison des questions territoriales non résolues et du désir de l’Occident d’accroître son influence en Transcaucasie».

Serdioukov laisse entendre que le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan pourrait entraîner l’émergence de nouvelles puissances, telles que les États-Unis, dans la région. Erevan a récemment annoncé son intention de transformer ses relations avec Washington en un partenariat stratégique. L’Arménie a commencé à recevoir une assistance militaire non seulement des États-Unis, mais aussi de la France et de l’Inde, qui poursuivent leurs propres intérêts dans la région.

Aujourd’hui, la piste de la Transcaucasie fait l’objet d’une effervescence diplomatique accrue, ce qui ne fait qu’embrouiller les problèmes en les projetant au Moyen-Orient. Même dans le meilleur des cas, les États-Unis ont déjà perdu une partie importante de l’opinion publique et du soutien politique en Azerbaïdjan et n’ont pas réussi à obtenir de véritables dividendes en direction de l’Arménie. Tout porte à croire que le processus géopolitique régional connaît un redémarrage dont les conséquences sont aujourd’hui difficiles à prévoir.

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