La chute du régime syrien provisoirement conclue par le départ du président Bachar al-Assad vers une destination pour l’instant inconnue (Moscou semble-t-il), a étonné par sa rapidité.
La faiblesse du régime n’est pas une nouveauté puisqu’il n’a dû sa survie dans la guerre intérieure qu’a connu le pays de 2011 à 2017 que grâce à la fidélité de l’essentiel de son armée et à l’intervention de ses alliés : le Hezbollah, l’Iran et la Russie.
Cette fois la donne a été différente pour plusieurs raisons. La première est que tout au long des années de gel du conflit avec le processus dit d’Astana, les rebelles soutenus par la Turquie n’ont cessé de se renforcer militairement, aussi bien en matériel (on a pu voir des images de véhicules blindés) qu’en hommes venus souvent de l’étranger, Tchétchènes, Turkmènes, Ouïghours etc.. Ils ont même bénéficié d’apports de l’Ukraine puisqu’on sait qu’un certain nombre d’entre eux sont allés faire le coup de feu contre la Russie en Ukraine et que des spécialistes venus d’Ukraine les auraient même assistés et entraînés notamment à l’utilisation de drones en situation de combat.
De l’autre côté, le potentiel de l’armée gouvernementale syrienne est allé s’affaiblissant, victime d’attaques régulières menées par l’aviation sioniste, parfois en coordination avec les «rebelles» et victime de l’état de délabrement économique du pays dont les zones productrices de pétrole et de céréales sont occupées depuis des années par les États-Unis qui en accaparent les ressources pour eux-mêmes et leurs protégés.
Cette armée gouvernementale a certainement été travaillée par des émissaires venus du camp rebelle et a donc évité de combattre : un soldat de l’armée syrienne touche une solde d’une trentaine de dollars contre plus de 150 dollars pour son homologie «rebelle», un officier supérieur de l’armée syrienne touche moins de 100 dollars tandis qu’un officier «rebelle» touche plus de 1000 dollars. On devrait peut-être se demander d’où proviennent les financements de ces «rebelles». La seule arme qui est intervenue est l’aviation, conjointement à l’aviation russe (l’aviation est l’arme à laquelle appartenait Hafez al-Assad qui était pilote de chasse).
Mais sans action combinée avec les forces terrestres, les attaques aériennes n’ont pas d’effet décisif et c’est pourquoi l’aviation russe a rapidement renoncé à ses opérations de bombardement.
L’inaction de l’armée syrienne, contrairement aux années 2011-2017, est aussi la raison pour laquelle ni le Hezbollah, ni les milices irakiennes, ni l’Iran pas plus que la Russie n’ont souhaité intervenir dans le conflit alors que des mouvements de forces étaient pourtant en préparation.
La Russie a préféré limiter les dégâts pour elle-même et on verra ce qu’elle a obtenu lors des discussions qu’elle a eues avec le gouvernement turc. L’impact stratégique pour la Russie de la chute du régime syrien sera sans doute assez limité : la Russie est d’abord une puissance continentale qui n’a pas d’ambitions de déploiement de forces loin de son proche-étranger.
Les choses se présentent différemment pour le Hezbollah qui se retrouve privé de possibilités d’acheminement par voie terrestre des armes que lui fournissait l’Iran.
C’est un coup dur aussi pour l’Iran du fait de sa relation avec le Hezbollah (une relation multiséculaire avec les Chiites libanais) mais surtout du fait que l’administration Trump à venir va pouvoir plus aisément mettre à exécution son projet de mise à bas du régime iranien, projet conçu évidemment en coordination avec le régime sioniste.
En attendant, alors que le régime sioniste vient d’accroître son emprise sur le Golan syrien, nous allons voir comment va évoluer la situation en Syrie : transition vers l’établissement d’un ordre constitutionnel ? Guerres entre factions ? Morcellement du pays ?
La chute de la Syrie
Il me faudra encore du temps pour pleinement comprendre comment cela a pu se produire à la vitesse à laquelle cela s’est produit :
«Chute du gouvernement syrien, une fin spectaculaire après 50 ans de règne de la famille Assad
BEYROUTH (AP) – Le gouvernement syrien est tombé tôt dimanche, mettant fin de manière stupéfiante à 50 années de règne de la famille Assad, après qu’une offensive rebelle soudaine a traversé le territoire contrôlé par le gouvernement et est entrée dans la capitale en 10 jours.
La télévision d’État syrienne a diffusé une déclaration vidéo d’un groupe d’hommes affirmant que le président Bachar al-Assad avait été renversé et que tous les détenus dans les prisons avaient été libérés. (…)
Le Premier ministre syrien Mohammed Ghazi Jalali a déclaré que le gouvernement était prêt à «tendre la main» à l’opposition et à transférer ses fonctions à un gouvernement de transition.
«Je suis chez moi et je ne suis pas parti, et cela est dû à mon appartenance à ce pays», a déclaré Jalili dans une déclaration vidéo. Il a ajouté qu’il se rendrait à son bureau pour continuer à travailler dans la matinée et a appelé les citoyens syriens à ne pas dégrader les biens publics.
Il n’a pas répondu aux informations selon lesquelles Assad aurait fui».
Pendant et après sa lutte contre les terroristes takfiristes, la Syrie a été soumise à de lourdes sanctions. Ses principales ressources à l’est étaient sous contrôle américain. L’aviation israélienne bombardait à volonté ses infrastructures militaires. Elle était mûre pour tomber.
Dès la signature du pseudo cessez-le-feu au Liban, la Turquie a déchaîné contre la Syrie ses «rebelles syriens» takfiristes, dont beaucoup sont des étrangers. Ces derniers étaient exceptionnellement bien armés et entraînés. Ils disposent d’équipements de vision nocturne, de drones, d’artillerie, de communications Starlink et d’un commandement compétent et professionnel.
L’armée arabe syrienne s’est révélée peu fiable. Certaines unités ont tout simplement disparu. D’autres ont reçu l’ordre de battre en retraite à la hâte avant même d’être sous pression. On peut se demander dans quelle mesure son commandement a été infiltré ou corrompu.
Au cours des derniers mois, les alliés de la Syrie, l’Iran et la Russie, ont tenté de négocier un compromis entre l’opposition et le gouvernement Assad. Ils n’ont finalement pas réussi à vaincre l’entêtement de Bachar al-Assad. Ils ont eu le sentiment d’être pris dans un piège et ont refusé de s’y laisser prendre.
La Syrie risque désormais de s’effondrer. De nombreux actes sanglants seront commis et de nombreuses personnes chercheront un refuge.
L’axe de la résistance a perdu sa principale voie de communication. La logistique entre l’Iran et le Liban va devenir très difficile.
La résistance va cependant continuer.
Quelques tweets qui ont retenu mon attention :
Donald J. Trump @realDonaldTrump – 23 :17 UTC · Sep 5, 2013
Les terroristes en Syrie se qualifient eux-mêmes de REBELLES et s’en tirent avec ça parce que nos dirigeants sont complètement stupides !
Mark Sleboda @MarkSleboda1 – 4 :27 UTC · Dec 8, 2024
RIP Syria. Mon Dieu, si vite. Les services de renseignements turcs/occidentaux ont coopté/acheté/fait chanter pour l’essentiel l’ensemble de l’armée et de l’administration syriennes pour qu’elles se retirent, et l’économie était tellement ruinée par les sanctions et l’occupation des régions pétrolières et céréalières que l’État était incapable de résister.
asad abukhalil أسعد أبو خليل @asadabukhalil – 17 :42 UTC · Dec 7, 2024
Ibrahim Amin a écrit il y a quelques jours dans Al-Akhbar que la Russie avait prévenu Bachar Al-Assad que l’axe s’effondrait et l’avait exhorté à s’entendre avec la partie de l’opposition syrienne reconnue par Moscou. Il a refusé. Erdogan a tenté de se réconcilier avec lui et il a refusé. Difficile de dire ce sur qu’il escomptait.
Dan Cohen @dancohen3000 – 2 :51 UTC · Dec 8, 2024
Il n’y a pas de révolution syrienne. Il y a la contre-révolution contrôlée par la CIA. Ça a l’apparence d’une révolution mais c’est tout le contraire.
La Syrie a perdu sa souveraineté au profit de bandes concurrentes de mercenaires djihadistes soutenus par la Turquie et par Israël qui sont unis par leur haine des minorités religieuses. Un jour sombre pour l’humanité.
Alon Mizrahi @alon_mizrahi – 5 :06 UTC · Dec 8, 2024
Pardonnez-moi : si l’Occident avait parié que l’Iran et la Russie allaient faire de cette crise une guerre sanglante et prolongée qui les épuiseraient, affaiblissant l’Iran en vue de lui porter le coup fatal, il semble alors tout à fait logique que Poutine ne morde pas à l’hameçon, pas vrai ? Et à la place faire de la Syrie le casse-tête de l’Occident, plutôt que le sien ?
asad abukhalil أسعد أبو خليل @asadabukhalil – 16 :17 UTC · Dec 7, 2024
Je n’ai jamais eu de choses positives à dire sur le régime syrien (et je n’ai jamais écrit ou dit un mot d’éloge pour le régime, depuis l’époque de Hafidh Al-Asad) mais : comment pouvons-nous parler de la Syrie sans parler des plans israélo-américains pour détruire l’État et la société en Syrie, au Liban, en Irak et en Libye ? Peu importe à quel point un régime est laid, les États-Unis et Israël parviennent à le remplacer par quelque chose de bien pire. Regardez la Libye et l’Irak. En Afghanistan, les États-Unis ont établi un régime si répugnant que les gens ont préféré les talibans.
Michael Tracey @mtracey – 5 :59 UTC · Dec 8, 2024
Hay’at Tahrir al-Cham (HTS), qui a désormais pris le pouvoir en Syrie, a été désigné par le département d’État américain comme organisation terroriste mondiale le 17 mai 2018. Qu’est-ce qui conditionne la durée pendant laquelle cette désignation restera en vigueur ?