Après la dérive de l’UE qui est passée de l’économie à l’idéologie, celle-ci instaurant le contrôle numérique à une vitesse record, il est tout aussi important de ne pas oublier l’autre face obscure du miroir technologique.
L’humanité a longtemps perçu le progrès comme un moteur indiscutable de civilisation, et on ne peut pas mettre en doute tous les avantages qu’il a apporté à l’humanité, l’instruction et sa transmission avec l’imprimerie, la santé avec les avancées de la médecine, les déplacements avec les différents moyens de locomotion, etc. C’était le progrès constructeur, qui améliorait et élevait la condition humaine.
Mais depuis que le progrès technologique récent avance à une vitesse dont l’accélération est exponentielle, les certitudes quant ses bienfaits ont tendance à vaciller sur leurs bases car nous assistons à l’apparition d’un progrès destructeur. Loin d’être une amélioration constante des conditions de vie, la réalité semble indiquer un renversement de courbe : précarisation croissante, dépendances technologiques nouvelles, perte de repères. Ce qui est le plus préoccupant c’est que le progrès constructeur s’est étalé sur des siècles et des siècles tandis que le progrès destructeur se constate sur quelques dizaines d’années, il y a de quoi se poser les bonnes questions.
Certes, il est humain de penser que l’évolution continuera comme elle l’a toujours fait. L’histoire récente nous a conditionnés à cette attente. Mais à quel prix ? Ce prix-là, rarement évoqué par les médias dominants, pèse de plus en plus lourd.
Je ne renie pas ce que je prétendais dans ma publication précédente, à savoir que le progrès ne pourra pas être stoppé facilement ni rapidement, raison pour laquelle il faut pouvoir l’appréhender avec un maximum de connaissance afin de tenter de le maîtriser car ce sont les générations d’aujourd’hui et de demain qui, à court terme, devront tout mettre en œuvre pour y mettre un frein.
Les entrailles du numérique : un véritable pillage planétaire
Le numérique, cet univers prétendument dématérialisé, repose en réalité sur une infrastructure matérielle qui elle est bien réelle et qui est excessivement gourmande en termes de ressources : terres rares, lithium, cobalt, coltan… indispensables à la fabrication des batteries, smartphones, ordinateurs, voitures électriques et fermes d’intelligences artificielles1
Ces matériaux sont extraits dans des conditions le plus souvent inhumaines. Dans certaines régions d’Afrique ou d’Amérique latine, des enfants creusent à mains nues, les sols sont ravagés, les nappes phréatiques contaminées. Le silence complice autour de l’exploitation des plus faibles souligne le déséquilibre médiatique : les faits les plus graves sont passés sous silence, pendant que d’autres sujets écologiques secondaires ou tout simplement mensongers monopolisent l’espace public. Sous couvert de transition « verte », c’est en réalité un nouveau colonialisme industriel qui se met en place. Le greenwashing devient une religion moderne. Aldo Sterone, dans son livre Escrologie, entièrement sourcé et documenté, démonte avec efficacité cette mystification verte, je ne peux que conseiller sa lecture.
L’empreinte écologique de la haute technologie est terrifiante. l’imaginaire collectif associe souvent la technologie à l’efficacité, au gain de temps et à l’économie d’énergie. C’est un leurre. Les data centers, serveurs, fermes de calcul consomment une énergie colossale et génèrent une chaleur difficilement dissipable2. Cela ne fait l’objet d’aucun débat public digne de ce nom. À cela s’ajoute une pollution invisible mais massive : les déchets électroniques en croissance exponentielle, l’obsolescence programmée qui est devenue une norme économique et surtout … Une absence totale de vision à long terme quant à leur traitement. Peu de pays ont mis en place des solutions réalistes et efficaces.
Pendant qu’on culpabilise le citoyen lambda avec ses émissions de CO2 (dont les effets restent encore à être réellement démontrés) et ses trajets en voiture, les véritables désastres écologiques sont éclipsés : La déforestation, la disparition irréversible de ressources non renouvelables, les océans envahis par les matières plastiques.
La planète a des limites physiques et certaines sont déjà atteintes tandis que d’autres sont proches. La pénurie annoncée3 des terres rares ne semble pas inquiéter les planificateurs du progrès technologique. Pourtant, sans ces matériaux il n’y aura plus de batteries, plus d’ordinateurs, plus de smartphones et plus d’IA. Quant à l’extraction, elle devient de plus en plus énergivore et donc de plus en plus coûteuse. Mais la quasi totalité des dirigeants politiques, financiers et économiques actuels partagent une même caractéristique lamentable : Une vision stratégique limitée à du court-terme car aucun d’entre eux ne semble se préoccuper de ce qui va inévitablement arriver plus vite qu’ils ne le pensent, et ici on ne parle pas du pétrole dont on annonçait dans les années 70-80 qu’on allait assister à son épuisement avant l’an 2000.
Face à cette impasse, une forme de techno-scepticisme rationnel et surtout raisonné émerge : faut-il accepter une forme de décroissance choisie, c’est-à-dire une croissance raisonnée et structurée, ou subir un effondrement non anticipé ?.
Quelles issues possibles ?
Il serait temps de relocaliser une partie de la production, de miser sur l’économie circulaire, de promouvoir une sobriété technologique lucide et assumée.
Redonner sens au mot « progrès » : abandonner l’accumulation compulsive de gadgets et rechercher un équilibre humain, réellement écologique, et même spirituel. Selon ma vision, la spiritualité n’est pas propre aux religions, ceci sans aucune critique sous-jacente car la spiritualité n’est pas exclusive mais bien inclusive et non sectaire.
En effet, plusieurs civilisations ou traditions philosophiques non-théistes — du bouddhisme ancien au taoïsme, du stoïcisme à certaines spiritualités autochtones — ont su développer une conscience aiguë des liens subtils entre toutes les formes de vie. En l’absence de dieu personnel, elles ont souvent cultivé un respect profond du vivant, non pas par crainte d’un jugement divin, mais par la compréhension de l’interdépendance. Là où d’autres cultures plaçaient l’homme au sommet d’une hiérarchie créée par un dieu, ces traditions voyaient l’humain comme un fragment du tout, soumis aux mêmes cycles, aux mêmes lois naturelles, appelant à l’humilité plutôt qu’à la domination. Cette spiritualité sans théisme semble avoir ouvert une voie plus directe vers une écologie intérieure — et donc, peut-être, vers une sagesse oubliée. oui il existe aussi l’athéisme spirituel.
Les idéologues transhumanistes, qui rêvent d’un homme augmenté ou fusionné à la machine, semblent oublier que cette fusion repose sur l’extraction massive et destructrice de ressources qu’ils supposent infinies4 quod non.
Pour parvenir à maîtriser ce progrès technologique de plus en plus en plus envahissant, le choix et les décisions ne viendront pas d’en haut. Cela implique une prise de conscience citoyenne, capable de repenser l’usage, les flux et les priorités. Car si l’on ne redéfinit pas maintenant les règles du jeu, c’est la fin de la partie qui finira par s’imposer, sans préavis.
Voir par exemple les rapports de l’UNCTAD ou les investigations de l’ONG Amnesty International sur l’extraction du cobalt en RDC
En 2023, l’IA générative d’OpenAI, Google ou Meta consommait des quantités d’énergie comparables à celles de petits pays européens.
Elon Musk a reconnu que la pénurie de lithium est une des menaces majeures pour l’avenir des véhicules électriques
Le projet Neuralink ou les implants cérébraux nécessitent des composants électroniques hautement dépendants des terres rares