Tandis que la polémique autour du « contrat du siècle » des sous-marins français pour l’Australie gonfle, il est quand même curieux d’observer que peu de monde n’évoque les contrats eux-mêmes. Or c’est quand même cela qui est essentiel.
En fait, tout le monde parle de ces sous-marins sans pourtant savoir vraiment de quoi il s’agit. C’est en ce sens que le parallèle avec le monstre du loch Ness, que personne n’a jamais vu mais dont on parle depuis 1933, est non seulement illustratif mais aussi quelque peu décevant. Qui a trahi qui ? Qui a menti à qui ? Quels sont les vrais alliés ? Les questions de ce genre fusent. Pas les réponses.
« Contrat du siècle », nous dit-on. Perte colossale pour la France. 90 milliards de dollars ! Mais, attention, il s’agit de dollars australiens. Celui-ci vaut presque 30 % de moins que le dollar américain, qui, lui, vaut 15 % de moins que l’euro. Alors, de combien s’agit-il vraiment ? Un peu plus de 50 milliards d’euros, soit à peine plus de la moitié des 90 milliards annoncés. Pourquoi tant de polémique sans parler de l’essentiel ?
Super-confidentialité
On comprend bien sûr que les détails du contrat, surtout un « contrat du siècle », ne soient pas de notoriété publique. Les documents juridiques sont confidentiels pour des raisons évidentes de secret professionnel, concurrence, clauses financières et autres raisons stratégiques du domaine de la négociation commerciale intra-étatique.
En revanche, tout n’est pas confidentiel dans un contrat. Il arrive régulièrement que des contrats soient échangés entre concurrents ou entre partenaires qui envisagent une alliance. Dans ces cas, les parties réellement confidentielles du contrat sont « expurgées », selon la terminologie juridique. Cela permet de partager des informations générales sans porter atteinte à la confidentialité nécessaire à la sauvegarde des intérêts légitimes des partenaires.
Coup de fil présidentiel
Un « coup de fil » entre présidents peut-il tout résoudre ? Le choix des Australiens de rompre le contrat avec la France au profit d’une alliance avec le Royaume-Uni et les Etats-Unis a été officiellement annoncé le 15 septembre, soit il y a à peine une semaine. Les ambassadeurs de France à Canberra et Washington ont déjà été rappelés. Le gouvernement français a précisé qu’une conversation téléphonique au niveau présidentiel allait avoir lieu ces jours-ci entre Paris et Washington.
Il peut paraître étonnant qu’à notre époque des smartphones, de la super-connectivité et de la communication immédiate, il soit nécessaire d’attendre une semaine pour avoir un rendez-vous téléphonique de la plus haute importance, comme cela semble être le cas avec cette nouvelle crise que l’on peut qualifier de « sous-marine ».
Qui plus est, s’il faut une semaine pour préparer un appel téléphonique entre présidents, est-il pensable que la crise puisse être résolue à l’issue d’un simple appel ?
Amitié franco-américaine
L’amitié franco-américaine vaut plus que quelques sous-marins. Ce qui peut surprendre le plus dans cette crise des sous-marins est, d’une part, le fait que la France et les Etats-Unis sont des alliés de longue date, plus de 250 ans. Les Américains n’auraient jamais gagné leur guerre d’indépendance (1775-1783) sans la participation militaire, financière et économique de la France. Précisément 2.112 soldats français sont morts sur le sol américain au cours de cette guerre. Un lourd tribut pour l’époque.
D’autre part, cette crise surprend aussi par le fait qu’elle intervient alors que le président Joe Biden, en poste depuis huit mois, a succédé à Donald Trump, qui était coutumier des annonces spectaculaires et provocatrices. Le nouveau président n’a-t-il pas dit et répété qu’il souhaitait avoir des relations cordiales et stables avec ses alliés de toujours ?
Soyons sereins et prenons du recul, car l’amitié franco-américaine vaut plus que quelques sous-marins. Gardons les pieds sur terre pour ne pas boire la tasse.