« Si le monde a changé, notre politique doit, elle aussi, changer. » C’est en ces termes que la ministre allemande des Affaires étrangères a justifié, dimanche, devant les députés réunis en session extraordinaire, la révolution copernicienne entamée par la République fédérale en révisant ses positions sur les sanctions contre la Russie, sur les livraisons d’armes à l’Ukraine et sur son budget de défense.
Enfin, diront certains. De la même manière que Vladimir Poutine s’est lancé dans une guerre à cause d’une vision du monde datée, l’Europe était dans l’impasse en raison d’un logiciel intellectuel allemand dépassé. Arriver à ce volte-face outre-Rhin fut long et laborieux – sans doute parce que l’Allemagne s’astreint à ne jamais oublier qu’un battement d’ailes dans le pays peut provoquer une tornade dévastatrice pour tout le continent. Mais au nom de cette retenue disciplinée, héritage de l’après-guerre, la première économie d’Europe a failli passer à côté de ses responsabilités, a rappelé Annalena Baerbock au Bundestag.
En faisant sauter un tabou, Berlin permet désormais à l’Europe de changer. Depuis une semaine, renforcer l’autonomie militaire et stratégique de l’Union européenne – si souvent défendue par Emmanuel Macron – semblait justifié ; depuis deux jours, cela semble être enfin possible. Ce sera un pilier sur lequel une « Europe puissance » devra s’appuyer. Un autre sera son autonomie énergétique.
Comme toujours en Europe, cela ne se fera pas sans hésitations et soubresauts : quel sera le projet de défense européen au-delà des centaines de millions d’euros promis à l’armée ukrainienne annoncés par Bruxelles dimanche soir ? Quant à l’engagement de l’Allemagne de consacrer 2% de son PIB à la défense chaque année, il promet de relancer de vifs débats chez ses voisins. Fort bien, car il est temps aussi pour l’Europe de changer.