COMMENTAIRE. L’Ukraine dans l’antichambre de l’Union européenne

Lors du sommet des 23 et 24 juin 2022, les pays membres de l’Union européenne auront à émettre un avis unanime sur la demande de l’Ukraine d’obtenir le statut de « candidat » à l’adhésion à l’UE. Un débat difficile qui demandera de surmonter nombre de réserves. L’analyse de Michel Pirron, secrétaire général de la fédération française des Maisons de l’Europe.

L’insistance avec laquelle Volodymyr Zelensky réclame l’adhésion de son pays à l’Union européenne se situe dans la logique d’une guerre vouée à s’enliser au cœur d’un nouvel univers géopolitique, source d’enjeux vitaux pour l’avenir de la planète tout entière.

La république ukrainienne demande d’ici la fin du mois de juin un engagement juridique, qui aille au-delà d’un simple accord politique, en vue d’obtenir le statut de candidat officiel à l’entrée dans l’UE.

De son côté, la récente visite à Kiev d’Ursula von der Leyen, destinée à faire le point « sur le travail en commun nécessaire à la reconstruction et sur les progrès accomplis par l’Ukraine sur la voie de l’Europe » excluait par là même le processus d’une intégration accélérée, sous-entendant la possibilité d’un examen de cette requête, pouvant s’étendre sur plusieurs années voire des décennies.

« Un besoin d’envoyer un signal fort à la Russie impérialiste »

La réponse ainsi renvoyée est formulée dans le cadre d’une rigueur réglementaire a priori intangible. Cette inflexibilité ne manquera pas d’apparaître comme insupportable, compte tenu de l’urgence du contexte, et ne réconciliera pas les citoyens avec des institutions opaques et lointaines, au moment où il y a besoin d’envoyer un signal fort à la Russie impérialiste.

Sur le plan des rapports de force entre les blocs, il est évident que l’UE doit prendre la mesure du risque de déséquilibre politique que ne manquerait pas d’induire l’acceptation précipitée de la demande ukrainienne, perçue comme une véritable provocation par Poutine (soutenu tacitement par la Chine) et insuffisamment contrebalancée par les atermoiements des USA de Biden et de l’Otan.

Quoi qu’il en soit, dans l’immédiat, les pays membres auront à émettre un avis circonstancié, lors du prochain sommet européen des 23 et 24 juin 2022. À cette occasion, des dissensions ne manqueront pas de surgir. Le Danemark et les Pays-Bas ont déjà exprimé leur opposition, tandis que la France et l’Allemagne, en dépit de leur visite médiatique à Kiev la semaine passée, ne sont pas non plus sans réserves.

Enfin, au-delà de la supplique présentée par l’ancien comédien revêtu de son immuable tee-shirt kaki, on s’aperçoit bien que cette demande soulève une nouvelle fois le problème de la crédibilité de l’élargissement des frontières de l’Union.

En effet, si l’on peut convenir qu’en 2004 l’extension à l’Est était une juste décision ayant permis à des capitales d’échapper à la tutelle de Moscou, on doit se montrer vigilant face à la menace d’une croissance pléthorique que font peser sur l’Union d’autres candidatures officielles de pays de la région des Balkans.

« L’Europe, c’est d’abord la forteresse du monde libre »

Il n’empêche. Si l’Ukraine peut se réclamer d’une réelle priorité dans la satisfaction de sa demande, c’est bien en raison de l’exemplarité de sa situation.

Car l’Europe n’est pas qu’un simple marché économique, n’en déplaise aux Brexiters britanniques, pas plus qu’elle ne se réduirait qu’à une sympathique communauté intellectuelle reposant, au nom de la diversité, sur la pratique d’un œcuménisme culturel de bon aloi.

L’Europe, c’est d’abord et avant tout la forteresse du monde libre, dont les remparts protègent des agressions contre l’État de droit et des atteintes aux libertés démocratiques. C’est pour cette raison que la demande d’adhésion de l’Ukraine doit faire l’objet d’un traitement d’exception et d’une réponse privilégiée.

Il restera alors aux 27 pays membres à prolonger la politique d’ingérence de l’UE dans son assistance militaire à l’Ukraine, pour faire advenir enfin une véritable Europe de la Défense qui protège.

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