«Ce n’est pas du bluff»

Géniale, cette phrase, non? Un étudiant de première année en psychanalyse devrait en faire sa thèse: celui qui dit que ce n’est pas du bluff, bluffe.

Je ne dis pas que Vladimir Vladimirovitch ne va pas déclencher le feu nucléaire. Je suis même persuadé qu’il pourrait le faire, peut-être directement dans le Donbass, un comble. Vladimir Vladimirovitch annexerait ainsi risiblement des bouts de territoire ne lui appartenant pas (bluff), prétendant que la population (1,5 million de déportés, 300’000 enfants volés) n’attend que ça (rebluff), puis il récompenserait ce nouveau coin de pays en balançant dessus des bombes atomiques. C’est si tendre, l’amour de «sa terre».

Sigmund Freud, encore: est-ce qu’il est pété au Viagra lorsqu’il profère ce genre de choses, Vladimir Vladimirovitch? Est-ce qu’il dit «ce n’est pas du bluff» aux filles quand il descend son slip? Est-ce qu’il traite de nazies celles qu’il ne fait pas jouir? On n’interroge plus assez le sexe, c’est si dommage, c’est passé de mode, et l’enjeu de puissance animale chez les dirigeants aux abois.

J’ai donc potassé les définitions de bluff: «Attitude destinée à impressionner, intimider l’adversaire sans en avoir les moyens». On parle de l’armée russe ou de Poutine? Une autre: «Action destinée à faire illusion, à tromper sur ses forces, ses possibilités réelles». Même questionnement.

Certes, tout cela n’est pas si drôle, plutôt tragique. Si la phrase de Poutine est passionnante, c’est qu’elle marque une constante: cette façon ancienne, ADN de la société russe, de fabriquer du mensonge. Catherine II visitant la Crimée et ses faux villages en 1787. Nicolas II à qui l’on ment sur la Révolution et qui finit exécuté comme un malpropre en 1918: premier effondrement russe. Puis le soviétisme et sa propagande: l’administration ment au gouvernement, qui ment au peuple, qui ment à l’administration. La Grande Guerre de Libération contre l’Allemagne? Elle aussi un demi-bobard: elle n’aurait jamais été remportée sans l’aide américaine, équivalente à 180 milliards de dollars (!) entre 1941 et 1945. 400’000 jeeps et camions, 14’000 avions, 8000 tracteurs, 13’000 chars… «Sans ces machines, nous aurions perdu cette guerre», reconnaissait Staline. Le long gel menteur du goulag ensuite, puis 1991: fin de l’URSS suite au même mensonge collectif, deuxième effondrement russe.

Se croire ensuite sans cesse victime, plus fort que l’on est, donc se remettre à mentir à tous les échelons. Vladimir Vladimirovitch n’est que le produit de cette interminable autotromperie, dans un pays qui a le PIB de l’Italie et une armée entre chair épuisée et canons obsolètes. Cela finira pareil, maintenant, ou dans quelques mois ou années: troisième effondrement. La Russie est un bluff depuis cent ans.

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