Face aux journalistes de cour, Lavrov démasque méthodiquement l’hypocrisie de l’Occident

Réponses à la presse de Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, lors d’une conférence de presse à l’issue de sa visite aux États-Unis dans le cadre de la présidence russe au Conseil de Sécurité de l’ONU.

Question : Vous avez dit que la Russie ne pardonnerait pas et n’oublierait pas le fait que les journalistes russes qui devaient vous accompagner se sont vu refuser des visas américains. Qu’est-ce que cela signifie ? Pourriez-vous expliquer ?

Sergueï Lavrov : Notre porte-parole s’est exprimée aujourd’hui au Comité de l’information. Maria Zakharova a déjà abordé ce sujet en détail. Nous trouvons scandaleux que cela se produise. Tous les « sortilèges » sur la liberté de la presse et l’accès à l’information prononcés par les dirigeants occidentaux, y compris les États-Unis, consignés dans les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme et de l’OSCE, ont été adoptés au début des années 1990. À l’époque, l’Union soviétique était encore ouverte à de telles ententes. Maintenant, alors que l’Occident est gêné par la présence de points de vue alternatifs et la possibilité pour les habitants de la planète et les citoyens des pays concernés d’accéder à des faits qui ne correspondent pas au discours occidental, il a commencé à réprimer radicalement les médias qui ne lui sont pas soumis.

Nos ambassadeurs dans divers pays, y compris à Washington, fournissent régulièrement des informations concrètes sur la discrimination des médias russes. Il y a plusieurs années, la France a refusé d’accréditer RT et Sputnik au palais de l’Élysée, les qualifiant « d’instruments de propagande ». John Kirby a également déclaré, à propos de nos journalistes qui n’ont pas reçu de visas pour participer à cette partie de notre présidence, que les journalistes russes étaient des propagandistes, sans lien avec la vision américaine et démocratique de la liberté d’expression. Le premier amendement à la Constitution des États-Unis ne semble rien signifier en pratique. Il faut voir comment se porte la liberté d’expression aux États-Unis. J’ai entendu dire que Tucker Carlson avait quitté Fox News. Une nouvelle intéressante. On en ignore la raison. Il est clair que la richesse des opinions dans le paysage médiatique américain en a souffert.

En ce qui concerne nos mesures de rétorsion. Nous tiendrons certainement compte de ce comportement inapproprié de la part des autorités américaines. Je crois savoir que la décision a été prise au département d’État. Nous en tiendrons compte lorsque les Américains auront besoin de quelque chose de notre part.

Question : Que pensez-vous du Soudan et de ce qui s’y passe ? Que pouvez-vous dire concernant l’implication de la société militaire privée Wagner dans cette situation ? Nous avons demandé à Hemeti, le chef de ce groupe, à propos de cette entreprise. Il n’a pas nié leur participation. À qui cette société militaire privée obéit-elle: au gouvernement russe ou à un autre organe ?

Sergueï Lavrov : En ce qui concerne Wagner, c’est une société militaire privée. Nous avons abordé ce sujet à plusieurs reprises, y compris dans cette salle, lorsque, il y a quelques années, nos collègues français et le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, nous ont reproché nos relations avec le Mali, la République centrafricaine et ont provoqué un mini-scandale. Alors que les Français commençaient à cesser leur opération Barkhane et à fermer leurs bases militaires dans le nord du pays, où la principale menace terroriste se trouvait, le gouvernement malien, pour ne pas rester sans défense, a fait appel aux services de la société militaire privée Wagner. C’est son droit. Le ministre des Affaires étrangères du Mali l’a déclaré lors de la session de l’Assemblée générale des Nations unies. Personne n’en fait un secret. La République centrafricaine, le Mali, le Soudan et d’autres pays dont les gouvernements, les autorités légitimes font appel à de tels services ont le droit de le faire.

Si vous êtes préoccupé par ce sujet, regardez sur internet le nombre de sociétés militaires privées qui existent aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France. Il y en a des dizaines. Beaucoup d’entre elles ont travaillé pendant de nombreuses années directement à nos frontières, y compris en Ukraine. Cela donne également matière à réflexion.

Quant à ce qui se passe au Soudan. C’est une tragédie. Des gens meurent. Il y a une menace sérieuse pour les diplomates. Nous le savons et suivons la situation. Aujourd’hui, des représentants du Fonds des Nations unies pour l’enfance ont demandé à notre ambassade de protéger leurs employés d’une manière ou d’une autre, car ils se trouvent dans un endroit dangereux. Je ne sais pas comment cela peut être fait. Mais nous allons nous en occuper maintenant.

Rappelez-vous comment l’État soudanais s’est « développé ». D’abord, il existait en tant qu’entité unique, puis sous la forme du Soudan et du Soudan du Sud. Tout cela s’est passé sous nos yeux. Les collègues américains ont fait de la division du Soudan en deux parties l’une de leurs priorités en matière de politique étrangère. Ils se sont adressés à nous pour que nous persuadions l’ancien président Omar el-Bechir d’accepter un accord sur la tenue d’un référendum libre et volontaire et une séparation volontaire. Pour être honnête, nous étions en faveur de laisser les peuples du Soudan décider par eux-mêmes. Finalement, le pays a été divisé en deux parties. Le Soudan du Sud a été créé. Les Américains, en tant qu’initiateurs de ce « divorce », auraient dû aider les deux nouveaux États à coexister, à développer leur économie et à assurer la prospérité de leurs citoyens, mais quelque chose ne leur plaisait pas. Je n’entrerai pas dans les détails, mais les États-Unis ont imposé des sanctions contre les dirigeants du Soudan et du Soudan du Sud. Ensuite, il y a eu des demandes constantes par le biais du FMI. Cette ingénierie géopolitique ne mène à rien de bon.

Je recommanderais de tirer la conclusion principale de la crise soudanaise actuelle. N’empêchons pas les Africains de s’entendre entre eux et n’ajoutons pas d’exigences externes (qui ne reflètent pas les intérêts de ces pays) à leurs efforts pour résoudre leurs propres problèmes à l’africaine.

Le gouvernement 🇺🇸, ses « alliés » (par peur, force ou corruption) & collabos médiatiques vont d’échec en échec sans aucune perte d’enthousiasme.

À cause de la propagande incessante, la plupart des gens ne voient pas à quel point l’effondrement est proche.

Il est TRÈS PROCHE. https://t.co/fGnOGI53Vj
— Le Cri des Peuples (@lecridespeuples) April 30, 2023

Question : Parlez-nous de l’accord céréalier ukrainien. La Russie a-t-elle répondu à la lettre du secrétaire général de l’ONU adressée au président Vladimir Poutine concernant l’extension et la prolongation de cet accord céréalier ? La Chine est le principal bénéficiaire de ces céréales. A-t-elle demandé à la Russie de le prolonger ?

Sergueï Lavrov : Je vous dirai tout de suite que nous n’abordons pas ce sujet avec nos partenaires chinois, y compris pour des raisons purement pragmatiques. Nous partons du principe que la Russie et la Chine ont une frontière commune, où les exportations et les importations sont bien en place. Les espaces de la mer Noire ne sont pas nécessaires pour que la Chine achète nos céréales. Cela concerne également d’autres pays voisins de la Russie, comme le Kazakhstan.

En ce qui concerne la lettre que le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres a adressée hier au président russe Vladimir Poutine. J’espère qu’elle n’a pas « fuité ». Il s’agit après tout d’une correspondance personnelle entre le dirigeant de l’ONU et un pays membre de l’Organisation. Si cette lettre a été rendue publique, ce ne sera pas très décent. Cela signifierait une nouvelle tentative de mettre la pression sur une situation qui ne se résout pas et qui est bloquée par nos collègues occidentaux.

Je rappelle que lorsque l’accord de l’initiative de la mer Noire a été signé le 22 juin 2022, il était clairement indiqué dans son texte qu’il concernait l’exportation de céréales et d’ammoniac. Personne n’a évoqué l’ammoniac jusqu’à avant-hier. Bien qu’hier Antonio Guterres m’ait dit que le marché mondial ressentait une grave pénurie d’engrais, surtout du groupe ammoniacal. Personne n’y avait pensé jusqu’à la dernière minute.

La rapidité avec laquelle cet accord s’est transformé d’initiative de la mer Noire en initiative céréalière de la mer Noire et d’une initiative humanitaire en une entreprise commerciale soulève suffisamment de questions, dont nous ne cessons de parler et d’y attirer l’attention. Vous avez vu les statistiques : moins de 3% de l’ensemble des céréales exportées des ports ukrainiens sont allées dans des pays pauvres figurant sur la liste correspondante du PNUD (Éthiopie, Yémen, Afghanistan, Soudan et Somalie). Tout le reste (plus de 80%) est allé dans des pays à revenu élevé ou supérieur à la moyenne. Nous en avons discuté et attiré l’attention sur cette question.

Il est clair que les collègues ukrainiens tentent d’organiser un encombrement artificiel de navires dans le cadre du Centre de coordination conjointe d’Istanbul. Même la presse ukrainienne a rapporté que le régime ukrainien acceptait des pots-de-vin pour accélérer l’approbation du passage pour certains navires plutôt que sans ce type de mécanisme de corruption.

Nous avons attiré l’attention sur le fait qu’en se concentrant entièrement et complètement sur la partie ukrainienne de l’accord, nos collègues, principalement aux Nations unies, oubliaient qu’à l’origine Antonio Guterres avait proposé un « paquet » indissociable. Oui, il m’a dit hier que le mémorandum Russie-ONU n’était pas très concret. Nous avons accepté cela parce qu’il contenait des engagements du Secrétaire général et de ses employés de faire tout pour éliminer les obstacles à l’exportation d’engrais et de céréales russes.

Je ne peux pas dire que l’ONU ne fait pas d’efforts. Au contraire. Antonio Guterres et le Secrétaire général de la Cnuced, ainsi que le Secrétaire général adjoint pour les affaires humanitaires soutiennent cela et essaient de s’entendre avec les pays qui ont imposé des sanctions unilatérales illégales contre la Fédération de Russie. Mais il n’y a pratiquement pas de résultat. La Rosselkhozbank, la banque principale qui soutient nos exportations agricoles, a été déconnectée du système Swift. Personne ne prévoit de la reconnecter. Au lieu de cela, on nous propose des alternatives ponctuelles. Le secrétaire général de l’ONU a demandé à trois banques américaines de remplacer le Swift et d’aider la Rosselkhozbank à soutenir les opérations d’exportation. Plusieurs mois se sont écoulés et, en effet, l’une des banques a « aimablement » accepté de financer une seule opération. Cependant, lorsqu’on nous dit que nous devons baser tout notre travail futur sur ce principe, ce n’est pas sérieux. Si vous voulez résoudre systématiquement les problèmes de pénurie alimentaire sur les marchés mondiaux, vous devez simplement ramener notre banque dans le système Swift. Si vous voulez que nous et le secrétaire général de l’ONU courions et suppliions à chaque fois une structure financière américaine pour qu’elle fasse preuve de générosité, cela ne peut pas et ne fonctionnera pas.

Il y a toujours des problèmes avec l’assurance. Bien que le secrétaire général m’ait dit hier que les taux avaient considérablement baissé après ses contacts avec le Lloyd’s of London. Tout cela vise à maintenir le contrôle sur tout ce qui se passe et à ne pas permettre à nos céréales et engrais d’accéder librement aux marchés et d’être distribués dans divers pays sur la base de mécanismes de marché. Tout cela complique le travail du Programme alimentaire mondial, qui aide les pays les plus pauvres.

En plus de ce dont nous parlons, près de 200 000 tonnes d’engrais ont été saisies dans les ports de l’UE. En août 2022, le président russe Vladimir Poutine a publiquement exprimé notre position, selon laquelle les entreprises (propriétaires de ces engrais) les donnent gratuitement aux pays les plus pauvres par le biais des mécanismes du PAM. C’était en août de l’année dernière. Le premier lot de 20 000 tonnes (sur 200 000 tonnes) est allé au Malawi seulement six mois plus tard. À présent, avec beaucoup de difficultés, deux autres expéditions de 24 000 tonnes chacune au Kenya et au Nigeria sont en cours de discussion. Tout cela prend du temps et c’est associé à des obstacles bureaucratiques et des frais généraux supplémentaires.

En ce qui concerne « notre » partie de l’accord céréalier. Oui, nous voyons les efforts du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres et de ses collègues, mais il y a peu de résultats. À moins de ne pas considérer comme un résultat l’espoir naissant que, au lieu d’une fourniture normale de produits nécessaires sur les marchés mondiaux, il faudra « supplier » manuellement à chaque fois des ports, banques, compagnies d’assurance et autres structures américains et européens pour qu’ils fassent preuve de bienveillance. Ce n’est pas ce dont nous sommes convenus le 22 juillet 2022, lorsque nous avons soutenu l’initiative du secrétaire général de l’ONU, qui, comme il le répète lui-même, est un « paquet ». Le « paquet » ne se compose pas d’une seule partie.

Contrairement à vous, je ne peux donc pas qualifier avec autant de certitude ce qui est contenu dans le message du Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres adressé au président russe Vladimir Poutine. Ce message n’est pas destiné au grand public, mais à notre président. Autant que je sache, des messages similaires ont également été envoyés en Ukraine et en Turquie. La réaction à ce message viendra après que le destinataire en aura pris connaissance. C’est ainsi que l’on procède dans les maisons respectables.

Question : Il semble que vous n’aimez pas cet accord. Vous n’avez pas beaucoup d’espoir en lui ?

Sergueï Lavrov : Sans commentaire.

Question : Le 25 avril 2023, le président américain Joe Biden a annoncé qu’il briguerait un second mandat. Les commentaires des républicains (par exemple, Donald Trump, qui a également annoncé son intention de se présenter pour un second mandat) indiquent qu’ils craignent sérieusement que cela ne conduise à une troisième guerre mondiale. Si quelqu’un devenait président des États-Unis, qui serait « préférable » à la Russie ?

Sergueï Lavrov : Contrairement aux journalistes qui sont obligés d’analyser publiquement ce qui se passe, le gouvernement russe ne s’immisce pas dans les affaires d’autres États.

Question : Vous avez parlé de l’inadmissibilité de l’élargissement de l’OTAN en 2022 et le 24 avril de cette année. À cause de la guerre, la Finlande et la Suède sont devenues membres de l’Alliance. Le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg soutient l’adhésion de l’Ukraine. Était-ce une erreur de calcul ? Quelles sont les causes de la guerre maintenant, puisque la frontière de l’OTAN avec la Russie a doublé ?

Sergueï Lavrov : L’OTAN ne voulait pas s’arrêter. Si vous regardez l’évolution des événements ces dernières années, le processus de fusion de l’Union européenne et de l’OTAN dans les affaires militaires se poursuivait activement. Ils ont récemment signé une déclaration aux termes de laquelle l’UE a en effet délégué à l’OTAN la responsabilité d’assurer la sécurité de tous ses membres et garanti la mise à disposition du territoire des pays de l’UE non membres de l’Alliance pour les besoins de l’organisation. La Suède et la Finlande étaient « à l’avant-garde » de cette interaction, participant plus souvent aux exercices militaires de l’Alliance et à d’autres événements visant à synchroniser les programmes militaires de l’OTAN et des États neutres.

C’est une façon de parler de dire que la Russie ne voulait pas admettre l’élargissement de l’OTAN. Ce n’est pas tant ce que nous voulions et estimions nécessaire d’empêcher, mais on nous l’a promis à plusieurs reprises. Ils mentaient. Maintenant, tout le monde le sait déjà. Comme plus tard ils mentaient sur les Accords de Minsk et bien plus encore. Ils l’avouaient sans rougir.

La thèse selon laquelle la Russie tentait d’empêcher l’expansion de l’OTAN, mais l’a finalement accélérée, c’est votre point de vue. Nous avons aussi notre propre point de vue. Et les évaluations faites par des observateurs impartiaux et des politologues en Fédération de Russie et à l’étranger tiennent au fait que l’OTAN voulait détruire la Russie, mais l’a finalement ralliée. Nous n’allons pas tirer des conclusions sur la façon dont tout cela se terminera. Nous avons clairement annoncé nos objectifs et les avons réaffirmés, y compris hier dans notre discours au Conseil de sécurité de l’ONU.

Qu’ambitionnent les Américains ? Je lis des articles dans la presse locale, des analystes, je communique avec de vieux amis parmi les politologues. Ils se demandent davantage ce qui va se passer ensuite. Nos objectifs sont clairement et honnêtement énoncés. Quel est l’objectif des États-Unis, de l’OTAN et de l’UE ? Fournir des armes à l’Ukraine ? Maintenant, il existe une théorie « ridicule ». Que l’Occident assure à l’Ukraine une contre-offensive réussie, puis demande-lui, ainsi qu’au président Volodymyr Zelensky d’entamer des négociations. C’est une logique schizophrénique.

Nous voulons qu’aucune menace à notre sécurité n’émane du territoire ukrainien. Elles y s’accumulaient pendant de nombreuses années, notamment après le coup d’État de février 2014. Nous voulons également que les personnes qui se considèrent impliquées dans la langue, la culture, la religion russes, qu’elles professaient toujours à travers l’Église orthodoxe ukrainienne, ne soient pas victimes de discrimination, de persécution et de menaces d’extermination.

Zelenski a une telle « figure » – Mikhaïl Podoliak, conseiller du chef du bureau du président de l’Ukraine. Il a déclaré que l’Ukraine se battait pour les valeurs occidentales et la démocratie. Est-ce qu’il s’agit de la « démocratie » et des « valeurs » pour lesquelles l’OTAN est prête à se battre « jusqu’au dernier Ukrainien » ?

Depuis de nombreuses années nous attirons l’attention de tous sur ce qui se passe avec les minorités nationales en Ukraine, en particulier avec les Russes. Des lois ont été adoptées interdisant l’enseignement dans des langues autres que l’ukrainien, bien qu’une exception ait été faite pour les langues de l’Union européenne, ce qui a une fois de plus mis l’accent sur toute cette campagne contre la culture russe. Les médias ont été interdits – à la fois diffusant en Ukraine depuis la Russie et appartenant à des Ukrainiens, mais diffusés en russe et reflétant les opinions de l’opposition. Des millions de livres ont été jetés des bibliothèques. Certains d’entre eux ont été brûlés sur les places, comme le faisaient les nazis. Pratiquement tous les contacts culturels entre nos pays sont interdits.

Regardez ce qui se passe actuellement avec l’Église orthodoxe ukrainienne. Nous nous sommes adressés au secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, la direction de l’OSCE, d’autres instances. La réaction n’était pas forte.

À peu près pareil quand le coup d’État a eu lieu en février 2014. Nous avons posé des questions aux Français, Allemands et Polonais : la veille de ce coup d’État, vous avez garanti un règlement, qui était signé par vous en tant que garants. On nous a dit que, disent-ils, il existe des « excès » dans les processus démocratiques. C’est tout. Tous les actes du régime de Kiev ont ensuite été justifiés de la même manière. Dans le même temps, l’Occident a solennellement confirmé qu’il ne fournirait pas d’armes afin de vaincre la Russie sur le champ de bataille, car le régime de Kiev défend les valeurs occidentales et les idéaux de « démocratie ». Si l’Occident se bat pour cela, alors il devrait être d’autant plus clair ce que nous défendons et ce que nous combattrons jusqu’au bout.

Question : Parlez, s’il vous plaît, des éventuels contacts que vous avez eus avec des représentants américains concernant le sort des citoyens américains dans les prisons russes. Y a-t-il eu des contacts ou des tentatives ? Il y a eu des échanges de prisonniers dans le passé. Qu’attendez-vous en échange de Paul Whelan et Evan Gershkovich ?

Sergueï Lavrov : Selon une entente entre le président américain Joe Biden et le président russe Vladimir Poutine lors de leur rencontre en juin 2021 à Genève, un canal spécial a été créé pour discuter des problèmes des citoyens russes détenus aux États-Unis et des citoyens américains en Fédération de Russie. Je ne révélerai pas un grand secret si je vous dis que ce canal n’impliquait pas de journalistes et des divulgations de certaines situations dans le but de faire pression sur des négociations sérieuses et professionnelles en cours.

En Russie, plusieurs citoyens américains purgent des peines pour divers crimes, dont les personnes que vous avez mentionnées (Paul Whelan et Evan Gershkovich). Ils ont été arrêtés pour avoir commis un crime – l’obtention de documents constituant un secret d’État. Nous n’acceptons pas les déclarations pathétiques selon lesquelles un journaliste, par définition, ne peut pas commettre de crimes. Il existe de nombreux exemples de cela. Nous avons attiré l’attention sur le fait que lorsque cette campagne a éclaté autour d’Evan Gershkovich, personne ne se souvenait de Julian Assange, notre citoyenne et journaliste Maria Boutina, qui a passé deux ans dans une prison américaine simplement parce qu’elle participait au travail d’ONG.

Il y a environ 60 Russes dans les prisons aux États-Unis. Dans la plupart des cas, les allégations sont douteuses. Pas une seule fois, lors de l’« enlèvement » de nos citoyens d’Europe et d’autres pays, ce que font les Américains, ils n’ont daigné se conformer aux exigences de la convention consulaire bilatérale, selon laquelle, s’ils ont des soupçons sur des citoyens russes, ils ne doivent pas être kidnappés (comme dans les films hollywoodiens), mais s’adresser à la Fédération de Russie et exprimer leurs inquiétudes.

Je répète qu’il existe un canal pour discuter de ces choses-là. Ce travail n’est pas de notoriété publique. Dans ce cas, cela ne peut que compliquer ce processus pour des raisons évidentes. On n’a pas besoin de l’expliquer aux professionnels.

Question : Il n’y a pas si longtemps, le président turc Recep Tayyip Erdogan a invité le président russe Vladimir Poutine en Turquie pour assister à la cérémonie de lancement du premier réacteur nucléaire turc construit par des entreprises russes. Le président russe envisage-t-il de se rendre en Turquie ?

Sergueï Lavrov : Je pars du principe que les présidents comprennent qu’une telle rencontre sera importante.

Question : La Russie déclarait à plusieurs reprises que l’Ukraine ne remplissait pas ses obligations au titre de l’accord sur les céréales. La Russie a-t-elle l’intention de se retirer de cet accord et y a-t-il des raisons d’y rester ?

Sergueï Lavrov : L’Ukraine n’a rien à voir avec la partie de l’accord concernant des engrais et des céréales russes. Ces parties de l’accord sont bloquées par les sanctions occidentales. Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres œuvre à surmonter ces sanctions et supprimer les obstacles à l’exportation d’engrais et de céréales de la Russie vers les marchés mondiaux. Dans ce Mémorandum, il s’est engagé à faire tout son possible pour atteindre ces objectifs. Apparemment, il faudra faire « l’impossible ». Jusqu’à présent, nous n’avons pas vu cela.

Quant aux perspectives de l’accord, je viens de répondre à votre collègue. En effet, hier, Antonio Guterres a transmis un message au président russe Vladimir Poutine. On le lui transmettra. Nous vous ferons part de sa réaction.

Question : Le président tchèque Petr Pavel a déclaré que Pékin n’avait pas besoin de la paix en Ukraine et que la Chine était satisfaite du statu quo. Quelle est la position de la Russie à ce sujet ?

Sergueï Lavrov : Des déclarations de ce genre n’ont rien à voir avec le travail d’un politicien normal.

Vous avez mentionné la République tchèque et je me suis souvenu de l’Union européenne (elle existe toujours). Le haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, a déclaré qu’ils développeraient des relations avec les autres en fonction de leur attitude envers la Russie et la Chine. C’est un indicateur de la mentalité de la « diplomatie » européenne actuelle.

Question : Il y a 80 000 réfugiés ukrainiens en Irlande. Leur avez-vous présenté des excuses pour les avoir contraints de fuir leur domicile ? Si la Chine est votre amie, pourquoi ne vous envoie-t-elle pas d’armes ?

Sergueï Lavrov : Personne ne se réjouit de la façon dont ce qui se passe affecte la vie des gens ordinaires. Mais leur vie ne devrait pas seulement attirer l’attention lorsqu’ils se trouvent à l’étranger et causent des désagréments aux pays d’accueil. La vie des gens ordinaires devrait attirer l’attention des politiciens, alors que ces vies ont été discriminées dans la pratique pendant de nombreuses années et mises en danger.

Personne ne se souciait que nous attirions l’attention sur le fait que de telles lois ne devaient pas être adoptées. La Constitution ukrainienne stipule que tous les droits des minorités nationales sont garantis : politiques, religieux, linguistiques. Et lorsqu’ils ont adopté des lois interdisant ces droits par rapport à la langue russe, nous nous sommes adressés (à l’époque nous étions encore membres du Conseil de l’Europe) à la Commission de Venise (il existe un tel organe qui analyse la législation des pays membres du Conseil de l’Europe pour le respect des conventions européennes). Et le Conseil de l’Europe, par l’intermédiaire de cette commission, a rendu un verdict selon lequel l’Ukraine devrait adopter une nouvelle loi sur les minorités nationales. Ils l’ont adoptée en décembre dernier. Elle précise que tous les droits des minorités nationales sans exception sont garantis dans la mesure où cela est prévu par la législation en vigueur. Autrement dit, dans la mesure où elles ont été tronquées à presque zéro. C’est un outrage à la justice.

Quant aux réfugiés en Irlande. Je ne sais pas. Maintenant, il y a beaucoup d’informations, y compris dans les médias d’Europe occidentale et d’Europe de l’Est, qu’ils ne sont pas tous dans le besoin. Et il y a des scandales, quelqu’un a volé quelque chose à quelqu’un, a séduit la femme d’un autre ou vice versa. Je ne veux offenser personne. Les réfugiés ont commencé à apparaître sur notre territoire bien plus tôt à la suite de la guerre déclenchée par le régime de Kiev contre son propre peuple dans l’est du pays uniquement parce que la population de Crimée et de l’est de l’Ukraine a refusé de reconnaître le coup d’État et a dit à ces « gars » de les laisser tranquilles et qu’ils voulaient résoudre eux-mêmes leurs propres problèmes. Pour cela, on les a déclarés terroristes et on a commencé une guerre contre eux. Des millions de personnes ont couru vers nous. Je ne me souviens pas que quiconque dans cette salle ou lors de mes autres conférences de presse avec la participation de journalistes occidentaux se soit intéressé à cet aspect de la situation. Depuis un an et demi des réfugiés arrivent chez nous de régions qui restent sous le contrôle du régime de Kiev.

Êtes-vous d’Irlande ? Très bien. De temps en temps, j’utilise cet argument : si l’anglais était interdit en Irlande, comment les Britanniques réagiraient-ils ? C’est impensable.

Et en Ukraine, la langue russe peut être interdite. On peut déclarer publiquement : dégagez en Russie si vous vous considérez comme faisant partie de la culture russe. Cela a été dit par Volodymyr Zelensky bien avant notre opération militaire spéciale. On lui a demandé ce qu’il pensait des personnes vivant de l’autre côté de la ligne de contact. Il a répondu : il y a des gens et qu’il y a des « spécimens ». Ce « leader de la démocratie mondiale » a dit un jour que si quelqu’un en Ukraine se sentait comme faisant partie de la culture russe, son conseil, pour le bien de l’avenir de ses enfants et petits-enfants, il devrait aller en Russie. En clair. Et quand on lui a demandé ce qu’il pensait du régiment néonazi Azov (qui en 2013, même à Washington était spécifiquement désigné comme une structure qui ne devrait pas recevoir de financement américain, qui marche sous des drapeaux nazis, avec des symboles de divisions SS), il a dit qu’il y en avait beaucoup, qu’ils sont ce qu’ils sont. Point. Les valeurs que Zelensky défend dans la guerre contre la Russie incluent des choses dont, franchement, nous nous sommes débarrassés il y a longtemps. Mais l’Europe est revenue en un clin d’œil à ces traditions qui étaient encore cultivées dans l’ancien temps.

Question : Les Nations unies ont de nombreux objectifs. Ils changent constamment. En 1945, l’objectif principal était d’empêcher une troisième guerre mondiale. Pendant 75 ans, nous avons été en mesure d’atteindre cet objectif. J’ai écouté votre discours au Conseil de sécurité hier. Vous ne semblez plus convaincu que cette Organisation puisse empêcher une nouvelle guerre mondiale.

Pourquoi n’en êtes-vous pas convaincu ? Quel rôle peut jouer le Secrétaire général ? Pourquoi ne prépare-t-il pas un plan de paix ? Il ne le prépare pas parce que vous ne voudrez pas l’examiner ou parce qu’il ne le veut pas ?

Sergueï Lavrov : Ne voulez-vous pas le lui demander vous-même ?

Je ne peux que dire ceci de ceux qui poussent de hauts cris au sujet d’une troisième guerre mondiale. Le président Joe Biden a dit un jour (je ne reproduirai pas la citation exacte) que s’ils aidaient l’Ukraine à gagner, ils empêcheraient une troisième guerre mondiale. Analysez-vous les déclarations de votre président ou seulement mes discours au Conseil de sécurité des Nations unies ?

Il y a quelque temps, la Première ministre britannique de l’époque, Liz Truss, a déclaré qu’elle n’hésiterait pas à appuyer sur le « bouton rouge ». En entendant ces propos, le ministre [français] des Affaires étrangères de l’époque, Jean-Yves Le Drian, a déclaré que la France possédait elle aussi des armes nucléaires. Le commandant de l’armée de l’air allemande a ensuite déclaré que Vladimir Poutine ne devait pas les effrayer par une guerre nucléaire, car ils étaient prêts à y faire face. Tout cela s’est passé alors que nous ne parlions pas du tout de la troisième guerre mondiale.

Permettez-moi de vous rappeler que sous la présidence de Donald Trump, nous avons proposé que les Américains réaffirment publiquement, officiellement et au plus haut niveau la déclaration de Gorbatchev-Reagan selon laquelle la Russie et les États-Unis (à l’époque l’URSS et les États-Unis) étaient sûrs qu’il ne pouvait y avoir de vainqueur dans une guerre nucléaire et qu’elle ne devait jamais être déclenchée. Nous avons proposé à Donald Trump de faire la même chose. Cela n’a pas fonctionné. Les Américains, pour autant qu’ils fussent prêts à discuter de cette déclaration, l’assortissaient de réserves qui la dévaluaient complètement. Sous la présidence de M. Biden, nos présidents ont fait cette déclaration. Puis nous avons à nouveau fait preuve d’initiative et une déclaration similaire sur l’inadmissibilité de la guerre nucléaire a été adoptée au plus haut niveau par les cinq puissances nucléaires.

Lorsque ce sujet est abordé, tout le monde pointe du doigt la Russie. Ils disent que nous menons le monde vers une troisième guerre mondiale. Eh bien, on voit la paille dans l’œil de son voisin, mais pas la poutre dans le sien, selon l’adage. J’espère que ceux qui font des déclarations telles que « si l’Ukraine perd, la troisième guerre mondiale ne pourra pas être évitée » et vice versa, sont sains d’esprit et savent se montrer responsables.

Question : La première question concerne le départ de la délégation israélienne, dirigée par son représentant permanent, de la réunion du Conseil de sécurité sur le Moyen-Orient qui s’est tenue aujourd’hui. Que pensez-vous de cette démarche ? Y a-t-il eu des communications avec Israël avant la réunion qui indiquaient, ou auraient pu indiquer, la décision de la délégation israélienne de quitter la réunion ?

La deuxième question concerne la récente déclaration du vice-ministre britannique de la Défense, James Heappey, qui a affirmé que le Royaume-Uni avait déjà envoyé à Kiev des milliers d’obus Challenger à l’uranium appauvri. Quelle est votre réaction à de telles déclarations ?

Sergueï Lavrov : Au sujet de la réunion d’aujourd’hui. Pour être honnête, je ne peux pas en commenter les détails. Lorsque nous avons pris la présidence du Conseil de sécurité, nous avons discuté du calendrier des réunions et de leurs thèmes. Personne ne s’est opposé à ce que l’on discute aujourd’hui des problèmes du Moyen-Orient, y compris du problème palestinien. Aujourd’hui, le représentant d’Israël a posé une question rhétorique de manière si pathétique et émotionnelle sur la façon dont la Russie se sentirait si une réunion antirusse était programmée le 9 mai, jour de la Grande Victoire. Vous savez, j’ai travaillé aux Nations unies pendant dix ans. Il nous est arrivé de tenir des réunions le 9 mai, pour soulever toutes sortes de questions, et de le faire à l’occasion d’autres jours fériés dans d’autres États membres des Nations unies. Telle est l’organisation. Si vous excluez toutes les dates que chaque pays voudrait garder libres, vous savez, il ne resterait très peu de jours ouvrables.

Mais le représentant israélien a déclaré qu’il ne pouvait pas participer à une « action anti-israélienne » un tel jour. Je suppose que c’est une question de prise de position à laquelle nous devrions chercher une réponse. Il n’y a pas eu d’ « action anti-israélienne ». L’action, la réunion était basée sur un point de l’ordre du jour du Conseil de sécurité qui figure à cet ordre du jour depuis des décennies.

La question palestinienne est le plus vieux conflit qui n’a été résolu par personne et d’aucune manière. Aujourd’hui, ils tentent de s’éloigner à nouveau des accords inscrits dans les résolutions du Conseil de sécurité et de promettre des avantages économiques aux Palestiniens pour que ces derniers n’exigent pas la création de leur propre État. C’est de cela qu’il s’agit. Il n’est donc pas question d’un événement anti-israélien. Il est question d’un événement, comme je l’ai souligné dans mon intervention, visant à mettre en œuvre les décisions initiales des Nations unies destinées à garantir le droit des Palestiniens à créer leur État et, dans le même temps, le droit d’Israël à la sécurité à l’intérieur de ses frontières et, en général, à garantir qu’il n’y ait pas de menaces pour la sécurité d’Israël dans l’ensemble de la région. C’est de cela qu’il s’agit, et non de condamner Israël. Les actes terroristes perpétrés contre des Israéliens ont également fait l’objet de nombreuses critiques aujourd’hui. Tout le monde le sait.

L’uranium appauvri a été mentionné à plusieurs reprises. Certains affirment qu’il n’est pas radioactif et qu’il ne figure pas sur la liste de l’AIEA, mais ce ne sont pas les listes qui comptent car il existe des faits et des interviews de personnes qui ont souffert de l’uranium appauvri dans l’ex-Yougoslavie. Il y en a sur notre télévision, sur Internet et sur les chaînes de télévision occidentales. Ces personnes s’expriment également en Italie. Ce sont des vétérans qui ont combattu le « régime » de Slobodan Milosevic (comme on disait à l’époque). Il faut être conscient de sa responsabilité. Au Royaume-Uni, ils s’imaginent qu’ils sont sur une île, donc peut-être que ce n’est pas si important de savoir où cet uranium appauvri va ou ne va pas irradier ce qu’il contient.

Question : Après le 24 février 2022, de nombreux pays ont imposé des sanctions contre la Russie. Les sanctions occidentales sont-elles efficaces ? La Russie peut-elle résister à la pression ?

Sergueï Lavrov : Je me souviens qu’en 2015, l’ancien président américain Barack Obama avait déclaré que l’économie russe était déjà « en lambeaux ». Apparemment, cette volonté existe. Elle est stable et ne change pas en fonction de l’administration au pouvoir.

Nous sommes arrivés à la conclusion il y a longtemps que nous devions compter sur nous-mêmes et sur ceux qui sont capables de négocier. Nous ne nous fierons plus à ceux qui mentent, trompent constamment les autres et tentent d’obtenir un avantage unilatéral illégitime.

Aujourd’hui, certaines entreprises occidentales qui ont été expulsées de Russie par leurs gouvernements et qui leur ont obéi tentent de revenir. Notre gouvernement a commenté cette situation. Nous ne sommes pas sûrs de devoir résoudre ce problème immédiatement. Laissons nos entreprises occuper les créneaux libérés. Développons notre économie par l’exploitation des biens matériels que l’histoire et Dieu nous ont donnés dans ce monde, et non par des services virtuels ou par la domination artificielle du dollar et la dépendance de ce dollar.

Les États-Unis ont lancé un processus de dédollarisation. Ce processus est aujourd’hui analysé avec une grande inquiétude, y compris par les politologues et les économistes américains locaux. C’est un fait. Si mes souvenirs sont bons, en un an, la part du dollar dans les paiements mondiaux est passée de 55% à 47%. 8% en un an, c’est considérable.

La transition vers les paiements en monnaies nationales, en contournant le dollar, l’euro et le yen, vers le développement des monnaies numériques est déjà inéluctable. L’avenir du système financier monétaire international, y compris le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, est remis en question. Le processus est en marche. Les Américains ont démontré qu’ils ne disaient pas la vérité lorsque, pendant des décennies après l’abolition de l’étalon-or par Richard Nixon, ils ont prétendu que, même sans l’étalon-or, le dollar n’était pas « le leur », mais « notre dollar commun ». Et qu’une monnaie mondiale assurerait le bon fonctionnement harmonieux de tous les mécanismes de l’économie mondiale.

Ils viennent de montrer qu’ils pouvaient facilement, « d’un coup de baguette magique invisible », abandonner tous les fondements qu’ils présentaient comme les bases de l’économie mondiale: la concurrence loyale, l’inviolabilité de la propriété privée, le rejet de l’utilisation de mesures protectionnistes unilatérales et bien d’autres choses encore. Autant d’éléments sur lesquels ils avaient fondé le modèle de la mondialisation, que le monde entier avait largement adopté et dans lequel il avait commencé à inscrire ses projets. Aujourd’hui, la mondialisation n’a plus de perspectives sous la forme qu’elle avait. On assiste à une fragmentation de l’économie mondiale, à une démondialisation et à une régionalisation.

Nous ressentons ces processus et y participons activement dans le cadre de l’OCS, de l’Union économique eurasiatique (UEE), de l’accord entre l’UEE et la Chine, et au sein des BRICS. Le président brésilien Lula da Silva souhaite préparer pour le prochain sommet, qui aura lieu en été, une analyse sur la manière de ne pas dépendre des caprices de ceux qui ont jusqu’à présent dirigé le système financier monétaire international.

Question : Vous avez beaucoup parlé de la nature de l’accord sur les céréales, à savoir s’il est de nature humanitaire ou commerciale. La Russie était-elle prête à signer un tel accord dès le départ ?

Vous avez également parlé du « nouvel ordre mondial ». Des États membres, notamment le Brésil, ont réagi hier. Pourquoi la multipolarité est-elle préférable à l’actuel « ordre fondé sur des règles » de l’Occident ? Comment allez-vous convaincre vos collègues occidentaux de votre option ?

Sergueï Lavrov : Je le répète une fois de plus. « L’accord » ne s’appelait pas l’accord sur les céréales, mais « l’initiative de la mer Noire ». Dans le texte même de cet accord, il était écrit qu’il concernait l’élargissement des possibilités d’exporter les céréales et les engrais.

Non, je ne peux pas soupçonner le secrétaire général des Nations unies, M. Guterres, d’avoir rusé lorsqu’il a proposé cet accord. Je suis convaincu qu’il a agi de bonne foi. Je connais bien M. Guterres. Je peux l’affirmer en toute confiance.

Ceci étant dit, ses efforts sincères et persistants pour persuader ceux qui avaient imposé des sanctions de faire une exception au moins pour les exportations agricoles, les céréales et les engrais, n’ont pas été efficaces. J’en ai déjà parlé en détail aujourd’hui.

Comment pouvons-nous convaincre nos collègues occidentaux de la nécessité de construire un monde multipolaire ? Nous n’allons pas les convaincre. Nous affirmons notre position, comme le font la République populaire de Chine, le Brésil et bien d’autres. Nous proposons de faire des affaires sur la base de ce qui est écrit dans la Charte des Nations unies : nous avons tous des droits égaux, nous devons rechercher un équilibre des intérêts et résoudre collectivement les problèmes du monde. La meilleure façon de convaincre les pays occidentaux qu’un monde multipolaire est déjà en train de prendre forme serait probablement de ne pas interférer avec le processus historique. Et c’est ce qu’ils tentent de faire aujourd’hui.

Les sanctions contre la Russie sont en effet d’un type que personne n’a jamais vu ou même imaginé. Mais pour nous, il s’agit d’une question close. Nous avons toutes les chances de ne pas dépendre de ce type de comportement de la part de nos collègues occidentaux, qui se sont révélés totalement incapables de coopérer. J’ai entendu dire qu’ils interdisaient désormais la vente de semi-conducteurs à la Chine. Dans le même temps, ils exigent que la Corée du Sud ne remplace pas les livraisons déficientes de semi-conducteurs provenant d’Europe et des États-Unis par ses propres livraisons. Une nouvelle guerre pour la domination du monde se prépare, ou plutôt une guerre pour tenter de maintenir la domination du monde. Cela pourrait probablement ralentir le processus naturel de formation d’un ordre mondial multipolaire, mais pas pour longtemps. Historiquement, je suis sûr que ce ne sera pas le cas.

Toutes ces affirmations selon lesquelles, comme l’a dit le Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité Josep Borrell, « le jardin d’Eden » (par lequel il entend l’Occident) est entouré d’une « jungle » (en plus d’être racistes et nazies) sont le reflet de la philosophie même qui est néfaste pour toute l’humanité, y compris pour les porteurs de cette philosophie eux-mêmes.

Le président français Emmanuel Macron, après sa visite à Pékin (si nous parlons de la Chine), a déclaré que l’Europe devait être indépendante, qu’être allié aux États-Unis ne signifiait pas nécessairement suivre la volonté des États-Unis sur toutes les questions et a mentionné Taïwan. Il a déclaré qu’il ne s’agissait pas d’une question européenne. Je note entre parenthèses que cela implique que l’Ukraine est une question européenne. Ce faisant, il a reconnu que l’Europe était en guerre par Ukraine interposée. Mais immédiatement après les propos de M. Macron, pas plus tard qu’hier M. Borrell a lancé une initiative selon laquelle l’UE devrait envoyer ses forces navales dans le détroit de Taïwan. Qu’est-ce que cela signifie ? Que ceux qui soutiennent la logique de Josep Borrell en Europe ont déjà perdu toute indépendance et ne sont guidés que par les intérêts des États-Unis, ou qu’ils ne se sont pas encore mis d’accord sur leur future position commune.

Le monde multipolaire est objectivement en train de se former. Je ne sais pas à quoi il ressemblera, quelle sera sa configuration. Beaucoup ont dit, y compris lors de la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies d’hier, que le G20 pourrait devenir le prototype d’une sorte de mécanisme de gouvernance.

J’estime qu’il est préférable de s’appuyer sur la Charte des Nations unies, étant entendu que le Conseil de sécurité des Nations unies devra être réformé pour refléter les nouvelles tendances et réalités. Il s’agira peut-être de quelque chose comme le G20, qui rappelle l’appartenance au G20. Mais la profonde sous-représentation évidente de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique latine doit nécessairement être éliminée.

Question : Les Taliban ont récemment interdit aux femmes de travailler à l’ONU. Le secrétaire général de l’ONU, M. Guterres, est en route pour Doha afin de rencontrer son envoyé spécial sur la question. Quelle est la prochaine étape pour la communauté internationale en ce qui concerne l’Afghanistan ?

Le plan d’action global commun [JCPOA, accord nucléaire iranien] est-il « mort » ?

Sergueï Lavrov : Oui, nous avons soutenu l’initiative du secrétaire général des Nations unies d’organiser une réunion des représentants spéciaux, dont un grand nombre de pays occidentaux, à Doha les 1er et 2 mai.

Tout au long de l’année 2022 et de cette année, nous avons traité de l’Afghanistan dans des formats tels que celui des « pays voisins ». Récemment, la quatrième conférence ministérielle des pays voisins de l’Afghanistan s’est tenue en Ouzbékistan. La Chine a accueilli une réunion similaire en 2022. Le quatuor Russie-Chine-Pakistan-Iran, dans lequel nous avons invité l’Inde, travaille en parallèle. Nous voulons que ces cinq forment le « noyau » du format des pays voisins.

Nous préservons le format de consultations de Moscou, auquel les États-Unis ont déjà participé par le passé. Ensuite ils ont changé d’avis après avoir provoqué les événements en Ukraine et se sont retirés de ce format. Il y avait aussi la troïka Russie-Chine-États-Unis, à laquelle le Pakistan s’était joint. Ce format a également été abandonné.

Apparemment, afin d’amener l’Occident à faciliter le règlement du problème afghan, le secrétaire général des Nations unies organise une conférence à laquelle nous participerons. Nous estimons que l’Occident ne doit pas « sombrer » dans les discussions. Ils ont été présents en Afghanistan pendant 20 ans et n’ont rien fait pour améliorer les capacités économiques du pays. Il y a eu une explosion de la production de drogue là-bas, qui reste un record, bien que les talibans tentent de l’interdire. Nous soutenons leurs aspirations.

Mais pour le développement de l’Afghanistan, il faut avant tout de l’argent, que les États-Unis ont saisi et refusent de restituer à la population. L’Occident devrait non seulement rendre ces afghanis à la population de ce pays lorsque les conditions seront réunies, mais aussi envisager une compensation pour les dommages qu’il a causés à l’État afghan – à son économie et à sa population – pendant 20 ans.

Nous partons du principe que les talibans sont une réalité sur le terrain et que nous devons leur parler. En même temps, nous n’accepterons pas la reconnaissance de ce gouvernement « de jure » tant qu’il n’aura pas rempli ses propres obligations, qui ont été reconnues par la communauté internationale. À savoir, tant qu’il n’aura pas veillé à ce que les structures du gouvernement soient inclusives. Pas seulement au sens ethnique, mais aussi au sens politique. Il y a maintenant des Ouzbeks, des Tadjiks et des Hazaras dans le gouvernement taliban, comme ils disent. C’est vrai. Mais tous ces représentants ethniques sont tous des talibans au sens politique du terme.

Il est important que la société civile veille à ce que les forces politiques du pays soient largement représentées. Parmi les autres critères de reconnaissance juridique, tous mentionnent les exigences fondamentales en matière de droits de l’homme, y compris les droits des femmes et des jeunes filles. Ce point sera discuté lors de la conférence qui a été convoquée par le Secrétaire général des Nations unies, M. Guterres.

Question : Qu’en est-il de l’accord sur le programme nucléaire iranien ?

Sergueï Lavrov : Ce n’est pas à nous qu’il faut poser cette question. Nous partons du principe que l’accord sur son renouvellement a été conclu il y a assez longtemps. Étrangement, les pays européens ont perdu leur enthousiasme. Les Américains ont déjà déclaré, sous couvert de l’anonymat, par le biais de diverses sources, qu’il fallait chercher quelque chose de « différent ». Je ne sais pas ce qu’il en est.

Je pense que c’est une énorme erreur de rater l’occasion de renouveler cet accord. Surtout à un moment où les relations entre les pays arabes et l’Iran s’améliorent et se normalisent. En particulier, les relations ont été rétablies avec l’Arabie saoudite avec le soutien de la République populaire de Chine. C’est un processus sain. Nous sommes favorables à l’établissement d’une coopération, d’une transparence, de mécanismes de confiance dans la région du Golfe.

À ce stade, ce n’est ni à l’Iran, ni à nous, ni à la Chine de relancer complètement cet accord. C’est à ceux qui l’ont détruit de le faire revivre. Si tant est qu’une chance existe, c’est uniquement sous cette forme. Nous estimons que le document convenu l’année dernière est à la hauteur de la tâche. Les tentatives d’imposer de nouvelles exigences qui n’existaient pas dans le texte original du Plan d’action global commun compliquent le processus et reflètent la ligne même de ce dont il a été question aujourd’hui: le marchandage ou le chantage en vue d’obtenir des avantages unilatéraux.

Question : Vous avez parlé du « milliard d’or ». Pensez-vous qu’à l’avenir, le monde ne comptera pas un « milliard d’or » mais « huit milliards d’or » ?

La deuxième question porte sur la solution à deux États. Tout le monde l’acclame. Pensez-vous qu’il existe une réelle possibilité de parvenir à l’existence d’un État palestinien indépendant, entier et souverain ?

Sergueï Lavrov : Je pense qu’il ne faut pas baisser les bras. Nous assistons aujourd’hui à des tentatives de faire abstraction des aspects politiques du dossier palestinien et de se concentrer sur l’offre d’avantages économiques aux Palestiniens. Il semblerait qu’il s’agisse d’une sorte de pot-de-vin : voici l’argent, mais oubliez l’indépendance et l’État. Je ne comprends pas cette logique.

Nous avons déjà mentionné aujourd’hui le représentant permanent d’Israël auprès des Nations unies, Gilad Erdan, qui, dans son discours plein d’émotion, a défendu le droit d’Israël à avoir un État hébreu. Mais s’il en est ainsi, qu’en est-il des Palestiniens ? Ils ont besoin de leur propre État. C’est admettre qu’une solution à deux États est le seul moyen de « saper » l’essence juive d’Israël qu’il préconise.

Je pense que la raison l’emportera et qu’en gardant la tête froide (lorsqu’il sera possible de se détacher des cycles électoraux), on pourra s’attaquer sérieusement au problème. Mais comment s’en détacher ? Aux États-Unis, par exemple, ils ont lieu tous les deux ans et il ne reste pas de temps pour travailler. Il faut « se faire élire ».

À propos du « milliard », je l’ai dit hier. Bien sûr, c’est de l’arrogance, de l’impolitesse, qui est inscrite dans les décisions de l’OTAN et de l’UE. C’est du dédain. Or, ces mêmes gens disent que « les vies noires comptent ».

Question : Êtes-vous personnellement impliqué dans des pourparlers sur la libération de prisonniers en Amérique et en Russie. Par exemple, Evan Gershkovich.

Sergueï Lavrov : Non.

Question : L’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN ne semble pas très réaliste, malgré ce que certains disent. Mais c’est plus réaliste de devenir membre de l’UE. Qu’en pensez-vous ?

Sergueï Lavrov : Je ne peux pas décider pour l’Union européenne. Nous pouvons voir comment cette organisation se militarise à un rythme record. Elle se transforme en une structure agressive dont l’objectif déclaré est de « contenir » la Fédération de Russie.

Notez que le président serbe Aleksandar Vucic se dit régulièrement préoccupé par les demandes qu’on lui adresse de se joindre aux sanctions contre la Russie et de reconnaître l’indépendance du Kosovo, en ignorant le sort des Serbes qui vivent dans le nord de la province depuis des centaines d’années. Voilà ce qu’est l’Union européenne.

Si vous menez une politique antirusse, vous avez de bonnes chances. Il sera intéressant d’examiner la situation avec la Serbie ou la Turquie, qui négocie depuis de nombreuses années.

Certains, au sein de l’UE, veulent laisser l’Ukraine y adhérer de toute urgence. L’UE démontrera alors que tout cela n’est pas conforme aux critères, mais qu’il s’agit d’un pur jeu géopolitique visant à s’approprier davantage de territoires, qui resteront « abandonnés ».

Je ne sais pas. Laissons-les décider pour eux-mêmes. Mais il ne fait aucun doute que l’UE n’est guère différente de l’OTAN aujourd’hui. D’autant plus qu’ils ont récemment signé une déclaration OTAN-UE stipulant explicitement que l’Alliance assurerait la sécurité de l’Union européenne, et l’UE a exprimé sa gratitude. Il a également été écrit que cela serait important pour le « milliard ».

Question : Compte tenu du temps qu’il reste avant la fin de l’année, quelles sont vos attentes en matière de paix et de sécurité sur Terre ? Y a-t-il, selon vous, des perspectives de négociations ou de cessation du conflit ukrainien ou d’autres conflits (Yémen, Libye) ? Vous avez également évoqué le Soudan. Quels sont vos espoirs et vos attentes ?

Sergueï Lavrov : Je ne suis pas payé pour des espoirs ou des attentes. Nous avons des tâches concrètes à accomplir. Aujourd’hui, il s’agit principalement d’assurer la sécurité de notre pays et d’empêcher que les Russes, qui vivent dans notre voisinage depuis des siècles, ne soient discriminés et décimés par le régime ukrainien. Y compris physiquement, comme il l’affirme publiquement à travers ses représentants.

La politique est ainsi faite… En mai 2003, quelques mois après le début de la guerre illégale en Irak, George W. Bush annonçait à bord d’un porte-avions que la démocratie avait gagné en Irak. C’était en 2003. Qu’attendez-vous de l’Irak aujourd’hui ? Je n’en sais rien.

Il en est de même pour la Libye. Le président Barack Obama avait décidé de diriger l’opération en coulisses et de laisser les Européens se mettre à l’avant-scène. La résolution du Conseil de sécurité des Nations unies avait été violée de manière flagrante. Tout ce qu’elle exigeait, c’était l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne afin que les avions de Kadhafi ne puissent pas décoller. En effet, ils sont restés au sol. Mais le pays a été bombardé, il est maintenant « en lambeaux ». C’est ce que Barack Obama a dit à propos de la Russie. Or, cela n’est pas arrivé à l’économie russe, mais à un État appelé Libye.

J’espère que des progrès seront réalisés au Yémen. Dans son discours d’aujourd’hui, j’ai indiqué que nous apprécions les efforts déployés par l’Arabie saoudite à cet égard pour établir un dialogue direct.

En ce qui concerne l’Ukraine, je ne vais même pas me perdre en conjectures. Ce ne sont pas les « calendriers » qui comptent. Il y a des calendriers dans d’autres pays.

Par exemple, en Libye. Combien de fois les Français ont-ils annoncé des conférences où il était décidé que « dans quatre mois et trois jours » il y aurait des élections ? C’est le cas depuis 2015. Or, nous sommes toujours au point de départ.

Nous devons simplement nous efforcer d’exercer nos droits légaux. Il faut le faire honnêtement, en expliquant ses motivations. C’est ce que nous avons fait en ce qui concerne nos actions dans le cadre de l’opération militaire spéciale. Et nous aimerions également entendre, en guise de réciprocité, nos collègues occidentaux : quels sont les objectifs qu’ils poursuivent en Irak, en Libye et dans d’autres endroits où ils essaient de montrer une certaine activité.

Nous devons rester optimistes. C’est inévitable. Même si l’on dit qu’un pessimiste est un optimiste bien informé. Espérons que le désir d’unir nos forces et la compréhension du fait que diviser la communauté mondiale en « un milliard » et « sept milliards » est une erreur prévaudront. Se placer au-dessus des autres est également une erreur, quelles que soient les traditions aristocratiques des seigneurs et autres hauts dignitaires qui serviraient à le justifier. Nous vivons sur la même Terre.

Nous venons de parler d’une troisième guerre mondiale. Qui en a besoin ? Mais apparemment, quelqu’un est prêt à aller jusqu’au bout. Je cite à nouveau la déclaration : « Si l’Ukraine bat la Russie, nous éviterons la troisième guerre mondiale. » Voilà une « petite formule » très simple qui, jusqu’à présent, remplace une conversation professionnelle correcte entre des hommes politiques responsables.

Je vous souhaite de réussir dans votre travail. C’est vraiment important. Une fois de plus, étant donné que les journalistes russes sont moins nombreux cette fois-ci qu’ils n’auraient pu l’être, je vous invite instamment à remédier à cette carence par une couverture étendue de tout ce que vous avez entendu de notre part.

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