Combien gagnent les mercenaires étrangers en Ukraine?

Ces derniers temps, Kiev a intensifié le travail d’enrôlement de mercenaires étrangers sur fond d’échec de sa contre-offensive, selon la Défense russe. Combien les mercenaires touchent-ils par mois ? Est-ce un montant cohérent à leurs attentes ? Deux experts militaires US ont fourni des détails à Sputnik.

La Défense russe a signalé au mois de juillet une forte augmentation du recrutement de mercenaires étrangers par l’armée de Kiev. La rémunération de ces «soldats de fortune» ne dépasse pas 3000 euros par mois, selon les médias occidentaux et les informations du Comité d’enquête de Russie. Qui est prêt à combattre pour l’Ukraine pour cette somme ? Sputnik s’est penché sur le sujet recourant à l’opinion de deux experts militaires américains.

Témoignage d’un mercenaire allemand

Un vétéran de la Bundeswehr qui s’était porté volontaire pour combattre aux côtés de l’armée ukrainienne, a accordé le 23 août une interview révélatrice aux médias allemands dévoilant les taux de rémunération étonnamment bas des mercenaires étrangers participant à la guerre par procuration de l’OTAN contre la Russie en Ukraine.

«Cela dépend du temps que vous passez en première ligne. Il y a le principe de rémunération par combat, c’est-à-dire qu’ils paient pour chaque jour passé au combat… Par mois, cela fait environ de 2000 à 2500 euros. C’est beaucoup pour l’Ukraine», a déclaré le mercenaire. Il a ajouté que les troupes qui passent plus de temps sur le front peuvent recevoir encore plus, jusqu’à environ 3000 euros (soit 3260 dollars) par mois.

Le témoignage du mercenaire allemand semble correspondre aux chiffres publiés en février par le Comité d’enquête russe qui recueille des informations sur les crimes de guerre en Ukraine. Selon ses chiffres, les combattants étrangers touchent entre 30 000 et 100 000 hryvnia (de 815 à 2710 dollars) en Ukraine. Le Comité d’enquête a lancé des poursuites pénales contre 160 mercenaires de 33 pays, dont la Géorgie, les États-Unis, la Lettonie, Israël et la Suède, soupçonnés des crimes contre les militaires et les civils russes.

Ces chiffres approximatifs ont également été confirmés par une autre investigation menée cet été par les médias français. Celle-ci a révélé que les mercenaires attachés à la tristement célèbre Légion internationale ukrainienne, reçoivent un salaire de base de 500 euros, et jusqu’à 3000 euros par chaque mois passé sur le front, rapportait en juillet la radio française RTL. Outre les salaires médiocres, les mercenaires se plaignent de devoir payer de leur poche des véhicules, des fournitures et même des armes légères «car l’armée ukrainienne n’arrive pas à fournir tout le monde», évoquait le média. Et cela malgré près de 100 milliards de dollars d’aide fournis par l’Occident pour livrer les armes en Ukraine.

Cependant, ces revenus mensuels sont bien loin des informations rapportées par les médias britanniques au début du conflit en Ukraine en mars 2022. En effet, selon The Times, les paiements des combattants étrangers allaient jusqu’à 2000 dollars par jour plus primes pour les anciens soldats multilingues, professionnels d’unités paramilitaires ou de forces spéciales, disposés à se rendre en Ukraine pour participer à des opérations spéciales.

Par ailleurs, cela remet en question les offres d’emploi traditionnelles des sociétés paramilitaires qui proposent un taux de paiement de 500 à 1000 dollars par jour, ce qui équivaut à un salaire annuel remontant à six chiffres (en supposant qu’un combattant vive aussi longtemps).

Où est passé l’argent ?

«Entre 1000 et 2000 dollars par mois, c’est plutôt bas à mon avis. Si vous me disiez que c’est pour une journée, je dirais d’accord, je peux y croire. C’est peut-être un peu élevé, mais pour un commandant ou quelque chose comme ça, oui, je peux y croire. Mais si vous parlez d’une somme de base payée par mois, en réalité, c’est assez faible pour un mercenaire dans une pareille situation», a déclaré à Sputnik Earl Rasmussen, lieutenant-colonel à la retraite de l’armée américaine et conseiller international avec plus de deux décennies d’expérience militaire.

L’expert militaire affirme avoir entendu dire que des mercenaires touchaient de 30 000 à 50 000 dollars par an et les commandants d’unité jusqu’à 100 000 dollars, «ce qui serait plus réaliste». Quant aux commandants supérieurs, ils pourraient toucher entre 200 000 et 250 000 dollars par an et même plus. Pour Earl Rasmussen, un salaire de 1000 à 2000 dollars par mois serait «plutôt bas».

«À moins que ce ne soit pour une cause en laquelle je crois fermement, je ne risquerais pas ma vie pour une telle somme», a déclaré Rasmussen.

Les montants pour lesquels les ressortissants étrangers s’exposent aux dangers dans un conflit militaire, sont équivalents, ou même inférieurs, à ceux touchés par un col bleu dans le commerce de détail ou un ouvrier dans l’industrie manufacturière aux États-Unis, a avancé le conseiller.

Il y aurait pourtant d’autres facteurs motivant les combattants à se porter volontaires en Ukraine. Toujours selon les médias français, au moins une trentaine sur 100 mercenaires français se trouvant en Ukraine étaient poussés par des idées néonazies.

Ceux parmi les mercenaires qui ne sont pas attirés par les idées nazies, devraient être à peine motivés en raison d’«un taux de survie faible sur les lignes de front, une mauvaise qualité du commandement militaire et les exigences politiques en Ukraine», a indiqué à Sputnik Karen Kwiatkowski, lieutenant à la retraite de l’US Air Force, colonel et officier d’état-major du Pentagone.

«Il semble que l’armée ukrainienne soit composée de ceux qui se battent pour le plaisir de se battre, et de ceux qui sont forcés de se battre», a-t-elle déclaré.

Kiev envoie des hommes de plus de 70 ans suivre une formation de l’OTAN en Allemagne, a ajouté Karen Kwiatkowski. Ces informations, ainsi que celles sur le nombre modeste de réfugiés ukrainiens qui entendent rentrer d’Europe en Ukraine après le conflit, en disent long sur la capacité de l’Ukraine à défendre ses frontières, ainsi que sur son avenir en tant que nation productive, a déploré l’observatrice américaine.

Celui qui paie l’orchestre choisit la musique ?

Interrogé sur les sources de financement des mercenaires, Earl Rasmussen souligne que l’argent provient évidemment de fonds occidentaux même si «les chèques sont signés» par le gouvernement ukrainien.

«D’après ce que j’ai compris, le gouvernement américain paie les salaires des hauts fonctionnaires ukrainiens incluant les pensions de retraite et l’assurance médicale. Je ne serais pas surpris si leurs militaires étaient payés par les États-Unis», a déclaré l’expert américain, ajoutant qu’il avait entendu des rumeurs selon lesquelles Washington fournirait chaque mois un milliard de dollars supplémentaires en espèces pour les paiements au gouvernement ukrainien.

Outre les fonds provenant des pays donateurs occidentaux, Rasmussen fait état d’une énorme caisse noire constituée d’argent provenant de donateurs privés qui blanchissent l’argent par différents moyens.

«Vous avez des donateurs impliqués ici. Vous avez des ONG. Il y a des gens comme [George] Soros, de l’Open Society, qui sait comment ils acheminent leur argent et où ce dernier va. Je suis sûr que l’argent est blanchi par le biais de plusieurs organisations différentes. Mais la source d’origine vient de l’Occident en ce qui concerne les «dollars mercenaires»», a souligné l’analyste.

Le recrutement de mercenaires comme moyen de combler les lacunes

Le ministère russe de la Défense rapportait le 10 juillet que le régime de Kiev avait intensifié le travail d’enrôlement pour attirer des mercenaires étrangers à l’aide des services de renseignement américains. Ces efforts sont déployés sur fond de problèmes de mobilisation dans le pays et de pertes catastrophiques ukrainiennes depuis le début de la contre-offensive le 4 juin.

Les services secrets américains aident à recruter des combattants pour l’Ukraine dans les régions de Syrie occupées par les États-Unis ainsi qu’en Argentine, au Brésil, en Afghanistan ou en Irak où ils embauchent entre autres «des éléments asociaux» prêts à se battre pour beaucoup moins d’argent, selon la Défense russe.

Selon l’instance, près de 5000 mercenaires étrangers ont été tués depuis le début de l’opération spéciale, et environ 4900 autres auraient fui le pays au cours de la dernière année et demie. En mai, le ministère de la Défense signalait qu’environ 2500 mercenaires étrangers restaient encore sur le champ de bataille.

De nombreux mercenaires étrangers qui ont réussi à s’échapper vivants, ont témoigné des horreurs qu’ils ont vécus. Certains d’entre eux étaient arrivés dans le pays avec un idéalisme brillant, pour exprimer par la suite des regrets après avoir découvert les dures réalités dont la corruption, le manque de professionnalisme, un mauvais traitement et des salaires médiocres.

D’autres se plaignent que la guerre par procuration en Ukraine n’a rien à voir avec les guerres traditionnelles des États-Unis et de l’OTAN dans les pays comme l’Irak et l’Afghanistan, où leurs troupes bénéficiaient d’un soutien aérien et d’artillerie écrasant. «Le pire jour en Afghanistan et en Irak est un grand jour en Ukraine», a déclaré un soldat américain au site américain Daily Beast en juillet.

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