La junte au pouvoir au Niger a dénoncé, le 16 mars dernier, l’accord de coopération militaire passé avec les États-Unis il y a douze ans. Un revers pour Washington qui possède une base aérienne de premier plan à Agadez. Détails.
Jusqu’au bout, les États-Unis ont pensé pouvoir sauver leurs installations militaires, installations stratégiques puisque les bases américaines en Afrique sont plutôt rares. L’US Africom, c’est essentiellement une empreinte à Djibouti et une au Niger, à Agadez, avec la base aérienne 201.
Sur le millier de militaires américains déployés au Niger, 700 sont présents sur cette base où les moyens aériens sont importants. Selon les derniers décomptes, il y a aujourd’hui sur les tarmacs deux avions de renseignement électromagnétiques, deux hélicoptères de manœuvre et surtout une dizaine de drones MQ 9 Reaper. Format qui peut gonfler avec des pics de 15 à 20 machines en cas de crise.
Les drones Reaper permettent à l’armée américaine d’avoir un regard sur l’ensemble du Sahel et en particulier sur la Libye, qui est la voie d’accès vers la Méditerranée et d’y faire planer une menace armée.
Ce départ contraint est donc un immense revers pour Washington qui, jusque-là, s’était montré très conciliant avec la junte. « Ils ont cru, note un officier français de haut-rang, pouvoir agir en solo ces derniers mois sans soutenir Paris et faire de leur côté ami-ami avec la junte ».
Washington à la recherche d’un plan B
Les États-Unis vont désormais devoir trouver un plan B. « Peut-être seront-ils motivés pour trouver une solution avec nous », laissent entendre les militaires français.
L’idée de créer des bases franco-américaines en Afrique de l’Ouest est évoquée avec insistance ces dernières semaines. Alors que Paris veut faire évoluer son dispositif en Afrique, en janvier dernier, le quotidien français Le Monde avait fait état de réflexions à Washington sur d’éventuelles bases communes sur le continent.
Une délégation américaine de haut niveau est allée au Niger la semaine dernière pour parler de plusieurs dossiers avec le CNSP. Les États-Unis ont connaissance du communiqué du CNSP du 16 mars annonçant la fin des accords de coopération militaire entre le Niger et les États-Unis. Ce communiqué a suivi des discussions franches avec la délégation américaine sur la trajectoire du CNSP. Nous sommes en contact avec l’autorité de transition pour obtenir des clarifications sur ces déclarations et discuter des prochaines étapes supplémentaires.
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Vedant Patel, porte-parole adjoint du département d’Etat américain
Guillaume Naudin
Désormais, les États-Unis aussi vont devoir réarticuler leur dispositif en Afrique. Il parait assez évident qu’ils voudront conserver des moyens de surveillance au Sahel. Le Tchad peut apparaître comme une destination logique : le pays est frontalier avec le Niger, il a une frontière commune avec la Libye et surtout la France, y est solidement implantée avec en particulier une base aérienne au camp Cosey à Ndjamena.
La Mauritanie, le nord du Bénin ou même le Maroc pourraient être des options crédibles, même si pour l’heure rien n’est écrit.
Au Sahel, chacun choisit son camp
La décision de la junte, annoncée quelques jours après le déplacement d’une délégation américaine comprenant Molly Phee, secrétaire d’État adjointe aux affaires africaines, de Celeste Wallander, des affaires de sécurité internationale, et de Michaël Langley, chef de l’US Africom, est sans équivoque. D’un trait de plume, le général Abdourahamane Tiani a mis fin à une relation bilatérale étroite avec Washington vieille de douze ans. La junte nigérienne, à l’instar du Mali et du Burkina Faso, a très clairement choisi le camp de Moscou contre l’Occident.
Une décision radicale. Comment sera-t-elle acceptée par les forces armées nigériennes ? L’avenir du chef d’état-major des FAN, le général Barmou, formé aux États-Unis et surnommé « l’homme de Washington », semble en tout cas bien compliqué, sinon compromis.
Retour sur les tensions entre Washington et Niamey
Washington a longtemps ménagé la junte nigérienne, attitude qui a notamment provoqué tensions et incompréhensions avec Paris. Malgré la suspension de leur coopération militaire fin juillet, les États-Unis ne qualifient le renversement du président Bazoum de coup d’État que le 10 octobre soit deux mois et demi après l’arrivée des militaires au pouvoir. En conséquence, l’aide américaine est coupée. Mais pour ne pas se fâcher avec la junte, Moly Phee, la secrétaire adjointe aux affaires africaines, adoube deux semaines plus tard les nouvelles autorités en reconnaissant la légitimité du CNSP, le conseil national pour la sauvegarde de la patrie.
Un pas supplémentaire est franchi début décembre : la nouvelle ambassadrice Kathleen Fitzgibbon remet aux autorités les copies figurées de ses lettres de créance, démarche très appréciée par Niamey. Mi-décembre, nouvelle étape : Washington, par la voix de Molly Phee, se dit prêt à reprendre sa coopération avec le Niger à condition notamment que la junte s’engage à une transition courte. Les Américains auront donc tout tenté pour conserver leur base de drones d’Agadez, dans laquelle ils avaient investi plus de 100 millions de dollars. Reste maintenant à savoir comment vont évoluer leurs relations diplomatiques avec le Niger. Il y a six mois, après avoir poussé la France vers la sortie, Niamey a totalement coupé les ponts avec Paris.