Écosse: du nationalisme à l’islamo-gauchisme

L’islamo-gauchisme est loin d’être uniquement un problème français. Le Premier ministre écossais, le musulman Humza Yousaf, a invité un imam à lancer un appel à la prière depuis sa résidence officielle, à Bute House, alors que se terminait le weekend de Pâques ! Quelques jours plus tôt, la très controversée loi contre les « crimes de haine » entrait en application. Jeremy Stubbs raconte.

L’Ecosse a joué un rôle majeur dans le mouvement dit des Lumières au XVIIIe siècle. En plus des philosophes David Hume et Adam Smith (à qui on accole aujourd’hui le terme moderne d’économiste), toute une constellation de penseurs, en se lançant dans l’étude du fonctionnement de l’esprit et de la société, ont jeté les bases de nos sciences humaines actuelles[1].

Comment se fait-il que cette nation, autrefois justement fière de sa culture, de son inventivité et de son éducation, soit tombée aujourd’hui dans les travers des idéologies les moins raisonnables, les plus ravageuses ? Causeur a déjà parlé des conséquences absurdes de l’auto-identification de genre (comme un violeur enfermé dans une prison pour femmes) et, plus récemment, de la consécration de la tyrannie wokiste par la nouvelle loi contre les « crimes de haine ». Or, le 28 mars, le chef du gouvernement écossais Humza Yousaf, a annoncé dans un tweet qu’un imam venait de lancer un appel à la prière depuis la résidence officielle du premier ministre, Bute House !

Muslims break their fast at sunset with the call to prayer. Today, Sheikh Rabbani performed the call to prayer in Bute House with friends from across different faith communities.

Quite possibly the first time the Islamic call to prayer has been performed in Bute House! pic.twitter.com/xU4XwDZdln
— Humza Yousaf (@HumzaYousaf) March 28, 2024

Yousaf a pris des précautions pour situer ce geste dans un contexte œcuménique, ajoutant que des représentants d’autres religions avaient été invités à assister à cet acte. Et il est vrai que la laïcité stricte à la française est à mille lieues du mélange de tolérance et d’indifférence à l’égard de la religion dans la vie publique qui règne – avec certaines limites – outre-Manche. Pourtant, étant donné le wokisme galopant du gouvernement écossais ainsi que la fréquence et l’ampleur des manifestations propalestiniennes qui ont lieu depuis le 7 octobre, cette affirmation par Yousaf de son identité musulmane ne peut être comprise que d’une seule manière. C’est une manifestation évidente de l’islamo-gauchisme qui s’infiltre dans la plupart des démocraties occidentales pour y diffuser son poison. Nous verrons que l’objectif principal de l’islamo-gauchisme est la destruction de l’idée de nation telle que l’entendent la plupart des citoyens. Ô comble de l’absurde, dans le cas écossais, cette destruction est devenue le projet d’un parti censé être nationaliste !
La haine pour les nuls

Dès l’entrée en vigueur, le premier avril, de la nouvelle loi contre les « crimes de haine », les conséquences de ce texte incohérent et inique se sont révélées au grand jour, à travers une combinaison irrésistible d’ineptie et d’humour. L’identité de genre étant une des caractéristiques censées être protégées par cette loi, nous savions que les forces de l’ordre écossaises s’étaient entraînées sur une version fictive du cas de J. K. Rowling, qui n’a jamais hésité à nier publiquement que les femmes trans (avant leur « transition », des hommes) puissent être des femmes au sens strict du terme. Le premier avril, elle a lancé une rafale de tweets sur des cas de femmes trans ayant piétiné d’une façon ou d’une autre les droits des femmes dites « biologiques », avant de conclure par ce défi (elle se trouvait à ce moment-là à l’étranger) : « J’attends avec impatience d’être mise en état d’arrestation dès mon retour au foyer des Lumières écossaises ». Ce foyer étant bien sûr Édimbourg.

🎉🌼🌸April Fools! 🌸🌼🎉

Only kidding. Obviously, the people mentioned in the above tweets aren't women at all, but men, every last one of them.

In passing the Scottish Hate Crime Act, Scottish lawmakers seem to have placed higher value on the feelings of men performing their…
— J.K. Rowling (@jk_rowling) April 1, 2024

Ainsi mise au défi, la police écossaise n’a pas, semble-t-il, osé mettre les menottes à la créatrice de Harry Potter. La police s’est plutôt empressée d’annoncer que, ayant étudié le cas des tweets de l’écrivaine, elle a conclu que ces posts ne constituaient pas une provocation à la haine. Humza Yousaf lui-même a ajouté publiquement que beaucoup de personnes avaient mal compris la loi qu’il avait parrainée et que les tweets en question, pour « affligeants et offensants » qu’ils soient, ne constituaient pas un crime de haine. La riposte de Rowling a été cinglante: « La plupart des Ecossais sont affligés et offensés par l’incompétence maladroite et l’autoritarisme illiberal de Yousaf, mais nous ne faisons pas campagne pour qu’il soit mis en prison pour ces défauts ».

Most of Scotland is upset and offended by Yousaf’s bumbling incompetence and illiberal authoritarianism, but we aren’t lobbying to have him locked up for it. https://t.co/dTXKXORlGp
— J.K. Rowling (@jk_rowling) April 4, 2024

Au cours des premières 24 heures après l’entrée en vigueur de la loi, la police écossaise a été submergée par un déluge de 3 800 plaintes. La plupart ont visé – en vain – J.K. Rowling et surtout un autre fautif. Qui ? Humza Yousaf lui-même ! Pour un discours qu’il avait fait en 2020 en tant que ministre de la Justice où il avait stigmatisé la présence d’autant d’hommes blancs dans des rôles importants dans le gouvernement et la fonction publique de son pays (pays très largement à majorité blanche). La police a annoncé que la loi ne s’applique pas de manière rétroactive.

Rowling et Yousaf, malgré leurs divergences, ont reçu tous les deux de la part des forces de l’ordre non seulement un laissez-passer mais aussi un autre traitement de faveur. Car la loi prévoit que, même quand la police décide qu’une plainte ne mérite pas des poursuites pour crime de haine, le casier judiciaire de l’accusé doive porter désormais la mention absurde d’un « incident de haine non-criminel ». Or, les casiers et de l’auteur et du Premier ministre sont restés vierges. Ce n’est pas le cas d’un parlementaire écossais conservateur, Murdo Fraser. Mis en accusation pour avoir déclaré que s’identifier comme non-binaire avait autant de sens que s’identifier comme un chat, il a été disculpé par la police, mais la mention « incident de haine non-criminel » a été retenue. Il a bien sûr porté plainte. Dans le domaine nébuleux de la haine, la règle de deux poids deux mesures trouve sa place sans difficultés.

Quel est l’accusé qui a dû reconnaître son erreur ? Eh bien, la police écossaise elle-même ! Le Conseil indien de l’Écosse (Indian Council of Scotland), qui représente les intérêts de la communauté hindoue dans ce pays, a porté plainte auprès de la police contre la police elle-même qui serait coupable de racisme. Effectivement, le site web de la police – comme l’a rapporté Causeur – en présentant la nouvelle loi, a stigmatisé les jeunes hommes blancs. Selon le texte en question: « Nous savons [sic] que les jeunes entre 18 et 30 ans sont plus aptes à commettre des crimes de haine, surtout ceux qui appartiennent à des communautés marginalisées […]. Il peut leur arriver d’avoir le sentiment d’être désavantagés sur les plans social et économique, auquel s’ajoutent des idées sur les droits naturels des mâles blancs ». Dans l’original, « white male entitlement » rappelle « suprématie blanche ». Incarnant le fair play des joueurs de cricket, les hindous écossais ont signalé cette discrimination contre leurs concitoyens. Résultat? Le passage a disparu du site de la police.

VERY well done to the Indian Council of Scotland. pic.twitter.com/4EzwYLtcGk
— Gary Powell (@GaryJPowell) April 1, 2024

Ce même Conseil a accusé Humza Yousaf, en 2020, quand il est devenu ministre de la Santé, de « hindouphobie », accusation à laquelle le gouvernement écossais n’a pas donné suite. Certes, on peut soutenir que les querelles entre musulmans et hindous qui divisent l’Inde n’ont pas vocation à être importées en Europe. Mais ce détail reste quand même extrêmement significatif.
L’islamo-gauchisme pour débutants

Pourquoi entendons-nous parler tout le temps d’« islamophobie » mais jamais de « hindouphobie » ou même de « sikhophobie »? Certes, ces deux communautés, même au Royaume Uni, sont plus petites que la minorité musulmane, mais elles ont dû – et doivent encore – faire face à autant de discrimination que les musulmans. Si l’islamophobie est ainsi montée en épingle, c’est forcément que cela correspond à un objectif central pour ceux – à gauche et à l’extrême gauche – qui en parlent sans cesse.

Revenons au cas de Humza Yousaf et son appel à la prière. Yousaf est le chef d’un gouvernement à la fois wokiste – comme le montre sa loi contre les crimes de haine – et nationaliste, puisque son parti vise la séparation entre l’Écosse et le Royaume Uni. Afficher sa foi islamique ne fait pas de lui un islamiste – les puristes islamiques le considèrent comme un traitre – mais plutôt un islamo-gauchiste qui doit suivre une voie difficile entre le progressisme multiculturaliste et les valeurs étroites de sa communauté[2]. Après le 7 octobre, il a condamné sans équivoque les atrocités du Hamas et a envoyé des messages très forts – soyons fair play – de soutien à la communauté juive en Ecosse. Pourtant, à partir de janvier, il multiplie les interventions appelant à un cessez-le-feu immédiat, prétendant que les vies palestiniennes sont considérées comme ayant moins de valeur que celles des Israéliens, et accusant Tsahal de mettre en œuvre une opération de vengeance contre les Gazaouis. Sa femme, d’ascendance palestinienne, a déclaré – depuis Bute House – qu’Israël est coupable d’un « genocide dans les règles » (« textbook genocide »). Comment donc réconcilier ouverture à toutes les communautés avec loyauté à sa propre communauté?

La réponse est à la fois simple et rudimentaire. Chaque fois qu’il est critiqué, Humza Yousaf crie à l’islamophobie. Son plus grand ennemi, c’est le Parti conservateur britannique conduit par l’hindou Rishi Sunak. Le 12 mars, lors d’une allocution au European Institute de la London School of Economics, il s’insurge contre le caractère « raciste » et « islamophobe » de ce parti en entier. Pour les besoins de sa cause, il faut qu’il y ait de l’islamophobie partout et tout le temps. En novembre de l’année dernière, une commission mixte du Parlement écossais a publié un rapport faisant de l’Écosse un véritable foyer d’islamophobie dont le racisme serait en progression aussi constante qu’alarmante. La seule réponse raisonnable serait des heures de formation contre l’islamophobie imposées aux fonctionnaires, aux policiers et aux journalistes. Pour justifier sa loi contre les crimes de haine, Yousaf a parlé d’« une marée montante de haine ». C’est ainsi qu’il faut que, quels que soient les progrès de la tolérance, le mythe des différentes « phobies » en constante progression doit être entretenu.

À la différence du cas du Français Jean-Luc Mélenchon, cette mise en valeur flatteuse de la communauté musulmane ne correspond pas à un vrai enjeu électoral. En 2011, les musulmans ne représentaient que 1,4% de la population écossaise. Bien que ce chiffre ait dû progresser depuis, l’apport en termes de votes n’est pas vital comme en France ou même en Angleterre. L’enjeu est autre.

Comme celle qui l’a précédé, Nicola Sturgeon, M. Yousaf a avoué publiquement qu’il regrettait que son parti s’appelle Scottish National Party (Parti national écossais), ce mot évoquant un nationalisme conservateur tout à fait dépassé. Et ici, nous arrivons au cœur du problème. En plus du fait que l’Écosse de Yousaf n’a plus d’arguments économiques pour justifier une rupture avec l’Angleterre, que son système de santé et son système d’éducation sont dans un état encore plus déplorable que ceux du reste du Royaume Uni, que les ravages de la drogue y sont parmi les pires de toute l’Europe, le progressisme de Yousaf est en contradiction directe avec le concept de nation.

L’ouverture à l’islam plus qu’à tout autre religion, la tolérance affichée jusque pour les éléments les plus « séparatistes » des communautés musulmanes, constitue un bélier. Pour faire quoi? Détruire le concept de nation. Car accepter la différence musulmane même dans ses manifestations les plus anti-occidentales, c’est saper non seulement le fondement ethnique de la nation – aujourd’hui complètement tabou – mais aussi son fondement culturel. Comme l’a dit une des plus fines analystes du paysage idéologique contemporain, Mary Harrington, de la remarquable revue britannique Unherd, avoir une nationalité équivaut presque à avoir un abonnement à une salle de sport ! Certes, il y a un petit nombre de règles de bases à respecter pour pouvoir profiter des équipements, mais il n’y a aucun sentiment d’appartenance, aucune loyauté, aucune communion au plus haut niveau de la collectivité. L’identité nationale, même celle d’un grand pays des Lumières, doit être abolie. Et nous acceptons cette mort pathétique de l’institution pour laquelle nos ancêtres ont sacrifié ou risqué leur vie. Je pense à la fin du poème de l’Américain, Thomas Stearns Eliot, « Les hommes creux »:

This is the way the world ends
This is the way the world ends
This is the way the world ends
Not with a bang but a whimper

Je paraphrase: « Le monde se termine ainsi, Pas avec un « boum! » mais avec un petit gémissement ».

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