Ah, enfin, le gouvernement prend des mesures fortes en faveur des Français ! Alors que les impôts n’ont jamais été aussi hauts, que l’insécurité augmente, que l’économie du pays vacille et que l’inflation fait rage, Olivia Grégoire, la ministre déléguée au commerce a courageusement retroussé ses manches.
C’est donc décidé : le 1er juillet, des affichettes seront mises en place dans les rayons de supermarché, sur lesquelles seront signifiés les produits ayant réduit leurs quantités sans baisser leurs prix.
Oui, les plus sagaces d’entre vous l’ont compris : enfin, le gouvernement s’attaque à l’abominable shrinkflation, cette méthode de vente honteuse où le fabricant absorbe l’inflation sur ses produits en réduisant – généralement de façon discrète – leur quantité vendue : par exemple et comme l’avait récemment noté un Bruneau dénoyauté de Bercy, au lieu d’un kiri de 15 grammes, le fabriquant produit des kiris de 14 grammes. Bien évidemment, les douze kiris sont alors correctement affichés non plus à 180 grammes de fromage mais bien à 168 grammes, mais le prix, lui, reste le même.
Horreur et consternation : il y a alors moins de kiri pour le même prix ! Pas étonnant que Bruno Le Maire s’énerve et qu’Olivia Grégoire s’empare du problème à bras le corps. Comme, dans ce pays, toute action gouvernementale se traduit concrètement soit par une taxe, soit par une obligation, ce sera donc une obligation puisqu’on ne peut pas (ou pas encore, disons) résoudre ici ce problème par une taxe. C’est donc une nouvelle obligation que la ministre déléguée entend mettre en place d’ici le mois de Juillet pour forcer les magasin à afficher pendant deux mois la différence de poids ou de volume sur des panonceaux (avec – évidemment ! – une amende à la clé pour les impétrants qui les oublieraient).
On suppose d’ores et déjà que la taille de ces affichettes, la police ou la couleur des caractères seront régis par l’un ou l’autre cerfa que la République s’empressera de mettre en place et qu’outre un numéro vert qui sera inévitablement mis à disposition du consommateur fébrile de vérifier ses tickets de caisses (envoyés par e-mails et non plus sur papier, pour rappel), une commission ou un haut comité sera adjoint à l’effort ministériel pour garantir que tout sera correctement contrôlé, mis en place et calibré comme il le faut.
Voilà, ça, c’est fait, on peut se relaxer.
Ou presque.
Car si vous avez distinctement l’impression qu’on vous prend pour un crétin, ce n’est pas anormal : c’est effectivement le cas.
Une fois encore, le gouvernement se comporte avec les Français comme s’il se trouvait devant une bande d’enfants assez clairement amoindris sur le plan intellectuel, pour lesquels il faut absolument tout faire, tout dire, tout expliquer et tout baliser proprement. Chaque loi qui passe, chaque décret, chaque nouvelle déclaration de nos dirigeants montrent qu’ils prennent ceux qui les ont placés à leurs postes pour de parfaits idiots, et que le pays doit, en conséquence, être transformé en une immense garderie.
Ceci explique la myriade de lois qui entendent faire notre bien à notre place, qui s’évertuent à nous protéger contre nous-même y compris dans les situations où, manifestement, nous sommes déjà protégés, et explique aussi la décontraction insolente avec laquelle chacun de nos clowns en charge du pays nous ment effrontément, encore et encore, sans vergogne.
Le premier réflexe serait de s’en offusquer.
Cependant, peut-être ces commis insolents ont-ils raison ?
Quelques exemples, malheureusement pas du tout exhaustifs, permettent d’illustrer le propos.
Ainsi le peuple français a-t-il, officiellement tout au moins, élu Macron par deux fois. Ce dernier succédait du reste à un certain Hollande – qui n’a pas marqué le pays ni par son ampleur intellectuelle et ni par son respect des sans-dents citoyens – qui lui-même remplaçait un certain Sarkozy, dont la capacité à empiler mensonges sur carabistouilles n’est plus à démontrer.
Au passage, on se rappellera que, sur les 20 dernières années, ces mêmes Français ont élus ces clowns pour «faire barrage» à l’extrême-droite avec laquelle on nous promettait un effondrement économique (on y est), un pays à feu et à sang (on s’en rapproche), l’avènement d’une dictature (chaque jour nous en rapproche), la chasse à leurs opposants (déjà le cas)) et des ségrégations entre citoyens (oublions le pass sanitaire). Les castors n’ont servi à rien d’autant que ce qu’on fait passer pour l’extrême-droite dispose à présent d’un véritable boulevard.
Ainsi le peuple français a-t-il montré sa parfaite docilité lorsqu’il s’est agi de remplir des auto-humiliations pour sortir de chez soi. Il a fait mine de croire que le virus s’en prenait à ceux qui étaient debout et non assis dans les bars (ou l’inverse, peu importe) ou qu’un plexiglas aux caisses de supermarchés allait sauver la mise.
Ainsi l’actuel président n’a-t-il pas hésité à multiplier la course à la bêtise la plus crasse, utilisant l’apathie (ou l’idiotie) de ses concitoyens pour ouvertement se foutre de leur gueule. S’ils n’ont pas bronché pour des guignols comme McFly et Carlito à l’Élysée, il semble assez évident qu’ils ne moufteront pas des masses pour les brâmes d’Aya Nakamura à l’ouverture des Jeux olympiques. Si massacrer du Piaf devant des milliards de spectateurs n’est pas un énorme doigt tendu à tout un peuple, qu’est-ce que c’est d’autre ?
Du reste, toute l’organisation de ces jeux montre un j’menfoutisme assez sidéral pour une bonne partie de l’establishment qui est parfaitement raccord avec cette volonté maintenant affichée de mépriser le peuple, de bien lui faire comprendre qu’on le prend pour du bétail stupide.
Et ce qui est vrai au niveau le plus élevé de la hiérarchie l’est tout autant aux niveaux inférieurs. La députaillerie macronienne a amplement prouvé sa médiocrité (affaires à gogo, petites phrases consternantes, j’en passe et des meilleures), mais elle n’hésite pas à remettre le couvert tant qu’elle peut, à toutes les occasions.
Bref, il semble acquis que les dirigeants prennent les Français pour des enfants idiots, mais que ce n’est pas sans raison. Il semble également acquis que ces enfants idiots ont poussé au pouvoir des individus d’une médiocrité croissante (charge au lecteur de citer d’autres exemples). De ces deux propositions, on ne peut déduire qu’une chose.
Ce pays est foutu.