Pour la grande majorité des Levantins et nombre d’observateurs, Israël a été créé pour servir d’outil aux Américains et aux Européens, ces derniers étant les seuls responsables de la tragédie du peuple juif et de leur «holocauste» pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais aujourd’hui, leur comportement devant la tragédie vécue par les Palestiniens, notamment dans Gaza, tendrait à démontrer que c’est l’inverse qui est vrai : les Américains et les Européens seraient des otages, voire des outils entre les mains d’Israël.
Quoi qu’il en soit, la folie meurtrière qui s’est emparée des Israéliens a amené les Américains à justifier leur assistance militaire, sans limites et tout aussi meurtrière, par leur souci de sauver Israël de lui-même ; autrement dit, de la folie de ses dirigeants et de l’extrémisme de bon nombre de ses ressortissants.
Une folie israélienne qui semble avoir contaminé les Américains, l’exemple parlant d’une telle contamination ayant récemment été donné par le célèbre sénateur de la Caroline du Sud et membre du Parti républicain, Lindsey Graham, lequel a réitéré publiquement ses justifications du bombardement atomique des États-Unis sur Hiroshima et Nagasaki, encourageant Israël à adopter son raisonnement.1
Déclarations qui ont, quand même, poussé l’allié japonais à réagir2 et qui expliquent les propos de l’auteur, M. Nabih al-Bourgi, éminent éditorialiste au quotidien Addiyar. [NdT].
*
Ce qui nous a été rapporté à propos de la série de négociations pour un cessez-le-feu à Gaza suggère que l’approche politique d’Israël relève de l’art de l’impossible, plutôt que de l’art du possible, et que celui qui lui tend la main se retrouve comme s’il l’avait mise dans la gueule d’un loup.
Il ne manquait plus à David Barnea – l’ex-directeur du Mossad – que de déclarer à la délégation du Hamas : «Remettez-nous les otages, nous vous donnerons 40 jours pour choisir entre la mort et la déportation».
Un choix dont les Palestiniens ont fait l’expérience pendant quatre décennies et en plus d’un endroit, les Israéliens étant des pros pour tuer le temps, tout comme ils sont des pros pour tuer les Arabes.
Une horrible soif de meurtre et de destruction qui semble être une vengeance contre l’humanité toute entière. Et cela, Mesdames et Messieurs, correspond désormais au onzième commandement de l’Arche d’Alliance qui dicte de tuer…
Il n’empêche qu’en sept mois, les milliers de frappes aériennes, les milliers de tonnes de bombes et de missiles n’ont pas réussi à mettre à mal la Résistance palestinienne assiégée dans une bande de terre cadenassée de toutes parts. Est-ce là l’Israël que Moshe Dayan – l’ancien chef d’état-major de Tsahal devenu ministre de la Défense – considérait comme «la sainte citadelle sur laquelle nul autre que nous ne mettra les pieds» ? Une citadelle dont les murs se sont effondrés en quelques minutes…
L’obsession américaine de sauver Israël de peur que Benjamin Netanyahou ne pousse sa politique hystérique jusqu’au suicide est claire. D’où son assistance militaire stupéfiante, son engagement à pousser l’Arabie saoudite à normaliser ses relations avec l’État sioniste avec tout ce que cela implique comme répercussions sismiques sur les processus stratégiques du (grand) Moyen-Orient, en plus de l’établissement dans le sud d’Israël d’une base militaire3 accueillant 23 000 soldats avec leurs équipements et leurs systèmes de missiles afin d’assurer «l’éternité» de l’État hébreu. Mais, étonnamment, ces fous ne font même pas confiance à l’Amérique, comme l’a écrit Thomas Friedman, le célèbre éditorialiste au New York Times.
Israël ne reviendra jamais à ce qu’il était avant le 7 octobre, et même avant l’été 2006, lorsque l’armée israélienne est arrivée épuisée au trente-troisième jour de son attaque sur le Liban et que ses chars Merkava fumaient à Wadi al-Hujair, au Sud du Liban.
Aujourd’hui, les étudiants de l’Université Columbia ont posé la question de savoir s’il est juste et judicieux que les impôts des Américains servent à soutenir des meurtriers. Quant à nous, nous revenons sur la déclaration de l’un des dirigeants du parti Otzma Yehudit [Force Juive], Michael Ben-Ari. Déclaration selon laquelle aucun des prophètes de la Torah n’a parlé d’un État pour les Palestiniens. Bien au contraire, ils ont souvent appelé à les éradiquer. Par conséquent, la promesse divine s’accomplit non seulement en retournant en Terre Promise, mais aussi en effaçant la moindre trace de Palestiniens en Palestine.
Ce qui s’est passé et continue dans la bande de Gaza est complètement éloigné des normes morales, voire immorales, de la guerre. Et tout comme Harry Truman – président des États-Unis de 1945 à 1953 – a ordonné de larguer la bombe atomique sur Hiroshima afin que la superpuissance américaine écrive «une autre histoire de l’humanité» comme l’a dit Dean Acheson – secrétaire d’État dans son gouvernement de 1949 à 1953 – Israël devrait larguer sa bombe sur Gaza, ou sur Téhéran, pour écrire une autre histoire de la région.
Benjamin Netanyahou n’a-t-il pas menacé le jour même de l’opération Déluge d’Al-Aqsa de «changer le Moyen-Orient», pour ensuite devenir encore plus agressif lorsque le porte-avions Gerald Ford, les sous-marins nucléaires et d’autres navires de guerre ont pris la route de la Méditerranée orientale ?
Joe Biden est un otage entre les mains du président du Likoud, Benjamin Netanyahou, lequel parie sur le prolongement de la guerre jusqu’à ce que les États-Unis entrent dans leur coma électoral. Quelle diplomatie adopter dans ce cas ? D’autant plus que les Américains savent que Netanyahou et la majorité des Israéliens refusent d’entendre parler d’un État palestinien, tandis que pour Bezalel Smotrich – adepte du sionisme religieux, ministre des Finances et ministre au ministère de la Défense dans le gouvernement de Netanyahou VI – la création d’un État palestinien serait pire qu’une bombe dans le dos et un danger tangible imminent pour Israël.4
C’est dans ce contexte que l’administration américaine a poussé l’Élysée, devenue l’ombre de la Maison-Blanche, à ouvrir une entrée diplomatique par la porte libanaise ; la «porte du feu» selon Gadi Eizenkot, l’ex-chef d’état major de Tsahal.
Les dirigeants israéliens, qui menacent quotidiennement de transformer le Liban en enfer, pratiquent à notre égard la même diplomatie qu’ils pratiquent à l’égard des Palestiniens : l’art de l’impossible.
En effet, considérant qu’il leur faut redessiner les cartes, ils ont informé les Américains et les Français que ce qui se passe sur le terrain depuis le lendemain du 7 octobre 2023 nécessite des dispositions de sécurité plus efficaces allant au-delà de l’application de la résolution 1701(2006)5, (application pourtant réclamée à maintes reprises par les uns et les autres).
Plus clairement, ils veulent placer le Sud du Liban sous tutelle militaire israélienne, alors que l’accord libano-israélien du 17 mai 19836, qui n’a tenu que quelques mois, revenait insidieusement à placer tout le Liban sous tutelle militaire israélienne.
L’équation de Jéhovah est donc : «Il n’y aura ni État palestinien, ni État libanais, ni État syrien aux frontières d’Israël».
Qu’en décideront le destin et la Providence ?