L’avènement de l’écosystème monétaire décentralisé des BRICS+, ou le choc de la dédollarisation

Préparez-vous à ce qui pourrait bien être la bombe géo-économique de 2024 : l’avènement d’un écosystème monétaire décentralisé.

Bienvenue à The Unit – un concept qui a déjà été discuté par le groupe de travail sur les services financiers et les investissements mis en place par le Conseil d’affaires des BRICS+ et qui a de sérieuses chances de devenir la politique officielle des BRICS+ dès 2025.

Selon Alexey Subbotin, fondateur d’Arkhangelsk Capital Management et l’un des concepteurs de The Unit, il s’agit d’un nouveau système de résolution de problèmes qui s’attaque à la question géo-économique clé de cette période troublée : une crise de confiance mondiale.

Il en sait quelque chose : professionnel de la finance expérimenté dans les domaines de la banque d’investissement, de la gestion d’actifs et des entreprises, Subbotin dirige le projet The Unit sous les auspices de l’IRIAS [The International Research Institute for Advanced Systems], une organisation internationale intergouvernementale créée en 1976 conformément au statut de l’ONU.

La Majorité Mondiale en a assez du cadre monétaire centralisé mis en place il y a 80 ans à Bretton Woods [accords économiques – de Bretton Woods, USA – dessinant les grandes lignes du système financier international de l’après-Seconde Guerre mondiale] et de ses défauts endémiques : déficits chroniques alimentant des dépenses militaires inconsidérées, bulles spéculatives, sanctions politiques et sanctions indirectes, abus des infrastructures de règlement et de paiement, protectionnisme et absence d’arbitrage équitable.

En revanche, The Unit propose une solution fiable, rapide et économiquement efficace pour les paiements transfrontaliers. En tant que nouvelle forme de monnaie internationale pouvant être émise de manière décentralisée, puis reconnue et réglementée au niveau national, The Unit – solution transactionnelle – change la donne.

Elle offre une solution unique aux goulets d’étranglement de l’infrastructure financière mondiale : elle est éligible aux opérations bancaires traditionnelles ainsi qu’aux formes les plus récentes de banque numérique.

The Unit peut aussi contribuer à mettre fin aux tarifications inéquitables dans le commerce des matières premières, grâce à la création d’une nouvelle bourse Eurasian Mercantile Exchange – équitable et efficace – où les transactions et les règlements peuvent être effectués dans une nouvelle monnaie, rapprochant les flux commerciaux et les capitaux, ouvrant ainsi la voie au développement de nouveaux produits financiers pour l’investissement étranger direct (IED).

La force de The Unit, d’un point de vue conceptuel, est de supprimer la dépendance directe à l’égard de la monnaie d’autres nations et d’offrir, en particulier à la Majorité Mondiale, une nouvelle forme de monnaie apolitique – avec un énorme potentiel pour ancrer le commerce et les investissements équitables.

Il s’agit en effet d’un nouveau concept en termes de monnaie internationale – indexée sur l’or (40%) et les monnaies des BRICS+ (60%). Ce n’est ni une crypto-monnaie, ni un stablecoin – comme on peut le voir ici.
La magie de l’approche fractale

La Majorité Mondiale saisira instantanément l’objectif premier de The Unit : harmoniser les échanges commerciaux et les flux financiers en les maintenant au-dessus des pressions politiques ou des «règles» contournables à l’envi. La conséquence inévitable est la souveraineté financière. Ce qui compte dans tout ce processus, ce sont des politiques monétaires indépendantes axées sur la croissance économique.

C’est le principal attrait de la Majorité Mondiale : un écosystème complet offrant une infrastructure monétaire indépendante et complémentaire. Et cela peut certainement être étendu aux partenaires consentants de l’Occident collectif.

Passons maintenant à l’aspect pratique : comme l’explique Subbotin, l’écosystème de The Unit peut facilement évoluer parce qu’il est issu d’une architecture fractale soutenue par des règles simples. De nouveaux pôles Unit peuvent être créés par des agents souverains ou privés, en suivant un règlement détaillé sous la garde de l’IRIAS, un organisme agréé par l’ONU.

Les organisateurs de The Unit ont recours à un registre décentralisé, une technologie qui garantit la transparence et exclut tout contrôle des capitaux ou toute manipulation des taux de change.

Ainsi, la connexion est disponible pour toutes les plateformes DEX [plateformes d’échange décentralisées] et numériques ouvertes exploitées par les banques commerciales et centrales du monde entier.

En fin de compte, tout le monde peut utiliser The Unit pour la comptabilité, la tenue des livres, la tarification, le règlement, le paiement, l’épargne et l’investissement.

Il n’est donc pas étonnant que les possibilités institutionnelles soient très attrayantes, puisque The Unit peut être utilisée pour la comptabilité et le règlement pour les BRICS+, pour le paiement et la tarification pour l’Union économique eurasienne (EAEU), ou comme monnaie de réserve pour l’Afrique sub-saharienne.

The Unit a déjà reçu le soutien du Conseil des affaires des BRICS et figure à l’ordre du jour de la réunion ministérielle cruciale qui se tiendra en Russie le mois prochain, et qui établira la feuille de route pour le sommet d’octobre prochain à Kazan.

Autrement dit, The Unit a tout ce qu’il faut pour être mis sur la table et devenir un sujet sérieux débattu par les BRICS+, et être adopté dès 2025.
Musk et la NDB seront-ils de la partie ?

En l’état actuel des choses, la priorité des concepteurs de The Unit – que j’ai suivis pendant plus d’un an au cours de plusieurs réunions détaillées à Moscou – est d’informer le grand public sur le nouveau système.

L’équipe de The Unit n’est absolument pas désireuse de se plonger dans les eaux troubles de la politique ou d’être accaparée par des arguments idéologiquement contraignants. Les références directes à des concepts stimulants mais parfois controversés ou à des auteurs comme Zoltan Pozsar risqueraient d’enterrer le concept de The Unit et de limiter son impact potentiel.

Ce qui nous attend pourrait être extraordinairement excitant, car l’appel de The Unit pourrait s’étendre d’Elon Musk à la Nouvelle banque de développement (NDB) des BRICS, en espérant mobiliser une série de partenaires cruciaux. Après une évaluation positive par le ministre des Finances Anton Siluanov – qui reste en poste dans le nouveau gouvernement russe – il ne semble pas impossible que Poutine et Xi en discutent face à face cette semaine à Pékin.

En l’état actuel des choses, la principale conclusion est que la Majorité Mondiale doit être considérée comme une réponse réaliste et technique à un problème théoriquement insoluble : un système de paiement et d’échange reconnu au niveau mondial, à l’abri des pressions politiques. C’est le seul jeu du moment – il n’y en a pas d’autre.

Pendant ce temps, les concepteurs de The Unit sont ouverts à la critique constructive et à toutes sortes de collaborations. Mais tôt ou tard, la bataille sera engagée, et il s’agira alors de passer à la vitesse supérieure.
«Solide sur le plan académique, innovant sur le plan technologique»

Vasily Zhabykin, coauteur du livre blanc de The Unit et fondateur de CFA.Center, le partenaire technologique de The Unit au centre d’innovation Skolkovo à Moscou, insiste sur le fait que The Unit «représente de l’argent apolitique et peut servir de lien entre le Sud et l’Occident».

Il tient à préciser que «The Unit peut faire tourner toutes les roues, contrairement à la plupart des autres concepts qui mettent en scène des ‘dollars killers’ (tueurs de dollars), etc. Nous ne voulons nuire à personne. Notre objectif est d’améliorer l’efficacité des flux de capitaux et d’argent actuellement défaillants. The Unit est plutôt le «remède contre le cancer centralisé»».

Subbotin et l’équipe de The Unit «sont désireux de rencontrer de nouveaux partenaires partageant notre approche et prêts à apporter une valeur ajoutée à notre projet». Si c’est le cas, ils devront «nous adresser trois propositions sur la manière dont ils peuvent aider et améliorer The Unit».

Une suite audacieuse pourrait être, par exemple, une conférence virtuelle sur The Unit, avec la participation de l’économiste russe Sergey Glazyev, de Yannis Varoufakis, de Jeffrey Sachs et de Michael Hudson, notamment.

Par courriel, Glazyev, membre de l’Académie russe des sciences et ministre de l’intégration et de la macroéconomie de l’Union économique eurasienne (EAEU), a résumé le potentiel de The Unit :

«Je suis le développement de The Unit depuis plus d’un an et je peux confirmer qu’il s’agit d’une solution tout à fait opportune et réaliste. Elle est solide sur le plan académique, innovante sur le plan technologique et, parallèlement, complémentaire de l’infrastructure bancaire existante.

«Son lancement sous les auspices d’une institution des Nations unies lui confère une légitimité dont la structure actuelle de Bretton Woods est manifestement dépourvue. Les récentes mesures prises par l’administration américaine et le silence retentissant du FMI indiquent clairement la nécessité d’un changement.

«Une approche décentralisée de la création d’une monnaie commerciale mondiale potentielle, dont la valeur intrinsèque est indexée sur l’or physique et les monnaies des BRICS+, fait de The Unit l’approche la plus prometteuse de toutes celles qui ont été envisagées. Elle permet d’équilibrer les priorités politiques de tous les partenaires, tout en aidant chaque économie souveraine à se développer de manière optimale.

«La Nouvelle banque de développement (NDB) et les BRICS+ vont adopter le concept de The Unit et contribuer à en faire le point culminant de la nouvelle infrastructure financière mondiale émergente, à l’abri de toute ingérence politique malveillante et axée sur le commerce équitable et la croissance économique durable».

Les relations commerciales entre la Russie et l’Iran constituent un exemple clair et concret de résolution possible des problèmes liés à The Unit. Il s’agit de deux grands acteurs des BRICS. Le commerce entre la Russie et l’Iran n’est pas viable en raison des sanctions, et les deux pays ne peuvent effectuer de paiements en dollars américains ou en euros.

Les entreprises russes subissent des pertes importantes lorsqu’elles passent à des paiements en monnaie nationale. À chaque transfert, les entreprises russes perdent en moyenne jusqu’à 25% en raison de l’écart entre le cours du marché en Iran et le cours national.

Et voici ce qu’il faut retenir : les BRICS+ tout comme la Majorité Mondiale ne peuvent se renforcer qu’en développant des liens géo-économiques plus étroits. L’élimination des capitaux spéculatifs occidentaux libérera le commerce local des matières premières et permettra de rassembler les capitaux à investir en vue d’un développement durable. The Unit pourrait bien être le sésame d’un potentiel aussi prometteur.

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