Tout a commencé le 7 octobre 2023 si on en croit la vulgate sioniste reprise généralement implicitement par la plupart des médias occidentaux. Il y a eu avant le 7 une période où chacun vivait sa petite vie paisiblement, les Palestniens dans la bande de Gaza, malheureusement sous la férule du Hamas, une bande d’antisémites avides de sang juif, et les juifs (sionistes) dans leurs petites villes ou villages de communautés pacifiques et industrieuses au centre desquels il ne manque que l’église pour que le Français moyen puisse le reconnaître comme sien.
La vérité est évidemment toute autre et l’historien américain Zachary Foster (encore lui !) nous le rappelle. Ces agglomérations proches de la bande de Gaza ont une histoire et cette histoire ne déroge pas à celle du reste de l’entité sioniste basée sur le mensonge, le vol et le crime.
Incidemment, Zachary Foster nous apprend que ces colonies ont été fondées un 6 octobre selon un modus operandi assez proche de celui qu’on retrouve encore en Cisjordanie occupée avec les colonies dites «illégales», c’est-à- dire qui ne sont pas officiellement planifiées par les autorités sionistes (du point de vue du droit, organisées ou non par le pouvoir sioniste, toutes ces colonies sont illégales).
Ces agglomérations sur le sort duquel l’opinion publique occidentale est invitée à se lamenter, ont eu et ont toujours une fonction militaire à la fois défensive, de boucliers humains, et offensive et c’est donc à dessein qu’elles ont été implantées à proximité immédiate de la bande de Gaza.
Pourquoi une demi-douzaine d’agglomérations israéliennes sont-elles situées si près de Gaza ?
Be’eri, Nirim, Re’im, Kfar Aza et Nahal Oz n’ont pas été établies si près de Gaza par hasard. Ces colonies ont été construites dans les années 1940 et 1950 pour étendre les frontières de la communauté sioniste, prendre le contrôle de plus de terres et servir de première ligne de défense et de première ligne d’attaque. Les membres de ces communautés ont également participé à l’expulsion des Palestiniens de leurs maisons dans le Néguev en 1948, massacrant les Palestiniens qui résistaient à l’assujettissement et empêchant leur retour. Pour reprendre une expression chère à tant de sionistes aujourd’hui, ces communautés ont été construites comme des «boucliers humains». Malheureusement, le 7 octobre 2023, elles ont fini par servir le but pour lequel elles avaient été créées.
Il s’agit ici d’une brève histoire des origines des communautés attaquées par les groupes militants palestiniens le 7 octobre.
C’était le dimanche 6 octobre 1946. Les sionistes avaient prévu d’établir 11 avant-postes dans le désert du sud, dont Tkuma, Be’eri et Nirim. Le 6 octobre a été choisi pour l’opération parce que c’était un dimanche et que les autorités britanniques «aimaient boire le week-end», comme l’a rappelé un agent sioniste dans un documentaire produit en 1976 sur cette affaire. C’était aussi la nuit suivant Yom Kippour. «Les Britanniques ne s’attendraient jamais à ce que les juifs fassent une telle chose la nuit suivant Yom Kippour», a déclaré Yaakov Sharett, qui a également participé à l’opération.
Quelques mois plus tôt, le «Plan Morrison-Grady» avait prévu le contrôle britannique du désert du Sud, connu sous le nom de Naqab en arabe et de Néguev en hébreu (le plan prévoyait la partition du reste du pays). Bien entendu, les sionistes voulaient que le désert du Sud soit sous le contrôle des juifs, et non des Britanniques.
Ainsi, environ 300 colons sionistes partirent à la faveur de la nuit noire, cette nuit fatidique, avec 300 camions remplis de clôtures, de baraquements, de lits, de nourriture, d’eau et, bien sûr, d’armes. Ils furent divisés en 11 groupes de 30 colons, chaque groupe étant chargé d’occuper l’un des 11 emplacements. Une fois occupés, ils réussirent à construire rapidement des baraquements, des clôtures et une tour avant que les autorités britanniques n’aient eu le temps d’intervenir.
«Notre objectif était de conquérir le Néguev, nous avons donc dû le coloniser», a déclaré Miriam Bonim, qui a participé à l’opération.
Les Britanniques sont arrivés peu après, «en colère, criant et jurant», comme l’a expliqué un colon sioniste. «Nous leur avons dit de se détendre, de boire un verre. Après la troisième tournée d’alcool, leur ton a commencé à changer et ils sont devenus nos amis».
C’est ainsi que, les 6 et 7 octobre 1946, les sionistes ont établi Be’eri et Nirim, deux des communautés israéliennes attaquées le 7 octobre 2023.
Les 11 sites avaient été choisis pour leur valeur stratégique (lire : militaire), raison pour laquelle ils ont reçu un soutien continu du Fonds national juif. Ils ont été construits pour étendre les frontières du Yishouv et servir d’avant-postes pour recueillir des renseignements sur les Arabes de la région. La culture n’était possible que si l’eau était acheminée par canalisations, ce qui était coûteux à construire et à défendre. En d’autres termes, ces colonies n’avaient aucune valeur économique, commerciale ou agricole. Elles ont été construites pour servir de ligne de front pour la guerre que les sionistes savaient devoir mener pour établir un État en Palestine.
Quelques mois après leur création, Be’eri et Nirim avaient besoin de combattants armés du Palmach et de la Haganah pour repousser d’éventuels troubles de la part de la population arabe. Dans certains cas, lorsque les Bédouins arabes de la région affrontaient les colons sionistes, les Britanniques payaient les Arabes pour maintenir la paix.
Les relations entre les colons et les autochtones se sont dégradées après le plan de partage de l’ONU de novembre 1947. Les combattants du Palmach ont investi les colonies frontalières, les ont fortifiées et ont enrôlé les colons dans des activités militaires. «Il n’y avait aucune différence entre un civil et un combattant», selon un témoignage.
Dans le documentaire de 1976, les participants sionistes interviewés se vantaient avec fierté d’avoir transformé ces centres civils en bases militaires et d’avoir supprimé toute distinction entre combattants et civils. C’est ainsi qu’ils voulaient eux-mêmes qu’on se souvienne d’eux. Ironiquement, l’utilisation de boucliers humains est devenue aujourd’hui l’accusation la plus populaire d’Israël contre le Hamas.
Pendant la guerre de 1948, ces colonies frontalières sionistes ont également contribué à expulser les Arabes des communautés environnantes et à perpétrer des massacres contre eux en mai 1948. Les habitants du village arabe voisin de Huj ont signé un accord écrit avec les colons sionistes pour qu’ils soient autorisés à rester, «mais ils ont été chassés comme tous les autres 247 villages de cette région, principalement vers Gaza». Les combattants juifs ont également chassé le clan Abu Yahiya, où les hommes ont été séparés des femmes. Certains ont été abattus et les autres expulsés. À Burayr, où il y avait une résistance à la domination juive, les colons sionistes des villes frontalières ont contribué au massacre de plusieurs dizaines à une centaine de Palestiniens. Ils ont également expulsé les habitants des villages voisins de Sumsum, Najd, Muharraqa et Kaufakha.
Après la proclamation de l’État d’Israël en mai 1948, Nirim livra une bataille intense contre les forces égyptiennes, au cours de laquelle sept combattants colons israéliens furent tués et d’autres encore blessés, ce qui aboutit à la destruction complète de la colonie frontalière. Mais les soldats civils de Nirim tinrent bon et repoussèrent les Égyptiens.
La méthode consistant à associer civils et soldats s’est avérée efficace et a été poursuivie dans les années 1950. Israël a construit 25 autres centres de peuplement dans le désert du sud pour fortifier la ligne de front, notamment Re’im, Kfar Aza et Nahal Oz, abréviation de Nahalim Mul Aza, «soldats Nahal en face de Gaza». Ces communautés ont également été durement touchées le 7 octobre 2023.
Au départ, le statut des «civils» israéliens dans ces nouvelles villes frontalières était «identique à celui des soldats de réserve», selon l’historien israélien Yoav Gelber. Ces communautés «civiles» étaient même organisées en compagnies et en pelotons et intégrées dans la hiérarchie de commandement et de contrôle de l’armée israélienne. À Nahal Oz, par exemple, qui comptait 70 résidents adultes dans les années 1950, 16 d’entre eux étaient employés à des tâches de garde quotidiennes. L’armée israélienne formait et équipait ces civils pour les tâches civiles classiques, comme le tir à la mitrailleuse et le tir de roquettes antichars.
Tout au long des années 1950, les agglomérations frontalières ont été la cible d’attaques de la part des fedayins palestiniens, notamment de vols, de sabotages et d’actes de violence. Les colonies proches de Gaza ont alors été plongées dans un état de «terreur et de panique» pendant près d’une décennie.
La tâche de ces communautés était d’empêcher les réfugiés palestiniens qui avaient été «enfermés» de force derrière les lignes d’armistice de Gaza de retourner chez eux dans le nouvel État d’Israël.
Ces localités sont également devenues des bases pour les opérations militaires offensives menées à Gaza pendant la décennie où Israël a tenté d’éradiquer la résistance palestinienne de Gaza. Moshe Dayan, chef d’état-major de Tsahal, a utilisé Kfar Aza comme QG militaire lors du raid de février 1955 sur Gaza, connu sous le nom d’opération Flèche noire. Il s’agissait du raid le plus sanglant mené par Israël contre Gaza depuis la guerre de 1948, qui a fait 8 morts parmi les soldats israéliens, 14 morts parmi les soldats égyptiens et 2 morts parmi les Palestiniens.
Avant le raid de 1955, la politique claire et cohérente de l’Égypte consistait en réalité à freiner les incursions palestiniennes en Israël, mais l’agression israélienne a poussé l’Égypte à changer de cap et à accorder aux militants palestiniens une plus grande liberté d’action contre les cibles israéliennes.
Faisons un bond jusqu’au 7 octobre 2023. Une fois de plus, Be’eri, Nirim, Re’im, Kfar Aza et Nahal Oz ont tragiquement servi le but pour lequel ils ont été construits, à savoir servir de première ligne de défense à l’État d’Israël.