La guerre au Moyen-Orient aura des répercussions très négatives pour l’Ukraine. C’est ainsi que les experts commentent les conséquences politiques de l’invasion terrestre lancée par Israël au Liban. Comment ces évènements dans deux régions éloignées du globe sont-ils liés, et quel est le calcul politique de Tel Aviv dans son conflit de longue date avec ses voisins?
Dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre, Israël a annoncé le début de la phase terrestre de son opération contre le Hezbollah, c’est-à-dire l’invasion du Liban. Des unités de l’Armée de défense d’Israël (Tsahal) ont franchi la frontière immédiatement après la fuite des troupes de l’armée libanaise et des Casques bleus de l’ONU, laissant le Hezbollah défendre le sud du Liban. C’est exactement ce dont avait besoin le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou.
Ce dernier tente de mettre en œuvre l’un des deux scénarios possibles. Le scénario minimum consiste à infliger une lourde défaite au Hezbollah dans le sud du Liban. Cela signifie, après avoir éliminé le leader de l’organisation, Hassan Nasrallah, et d’autres commandants, détruire son infrastructure terrestre et porter un sérieux préjudice à la réputation du groupe (et à l’Iran derrière lui).
C’est pourquoi Israël, avant de lancer son opération, a neutralisé à la fois les cadres moyens de l’organisation (grâce à une opération impliquant des bipeurs piégés) et son haut commandement (par une série d’attentats et d’assassinats). Après quoi, il a lancé l’invasion à grande échelle.
Selon la plupart des experts, dans cette situation, le Hezbollah affaibli ne pourra pas résister à l’armée israélienne, du moins pas sans soutien extérieur. Le président turc Recep Tayyip Erdogan appelle tous les pays musulmans à s’unir pour soutenir le Liban, et les dirigeants iraniens prononcent également des discours enflammés. Toutefois, jusqu’à présent, seuls les Houthis yéménites ont apporté un soutien concret au Hezbollah, en lançant des missiles sur Israël.
Le Hezbollah compte surtout sur l’Iran, son principal allié. Mais si Téhéran intervient dans le conflit et déclare la guerre à Israël, cela deviendrait alors le scénario maximum pour Netanyahou. Car les États-Unis seraient alors impliqués dans la guerre. Et Israël obtiendrait ce qu’il cherchait depuis de nombreuses années, à savoir l’élimination de la principale menace à son existence par des forces extérieures.
Cependant, le principal ennemi d’Israël, l’Iran, est déjà au seuil de la création d’armes nucléaires. Du moins, c’est ce que déclarent à la fois les renseignements israéliens et occidentaux. Tsahal n’est pas capable de vaincre militairement la république islamique ni même de détruire ses installations nucléaires. C’est pourquoi, selon les autorités israéliennes, il est nécessaire d’entraîner les États-Unis dans cette guerre.
Le moyen pour y parvenir est évident: provoquer l’Iran à attaquer Israël avant que Téhéran ne développe sa bombe nucléaire. C’est dans ce contexte qu’il faut voir l’assassinat du leader du Hamas, Ismaïl Haniyeh, à Téhéran, et celui du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, à Beyrouth.
Dans ce contexte, les États-Unis ne jouent pas le rôle d’instigateur, mais bien celui de victime. Washington ne souhaite pas une grande guerre au Moyen-Orient. C’est pourquoi les États-Unis ont tenté de dissuader Israël d’engager des hostilités au Liban, mais en vain. Car Netanyahou a choisi le moment opportun pour la guerre: la campagne électorale aux États-Unis.
L’évolution future du conflit dépend du comportement de l’Iran. Téhéran, bien conscient du plan israélien, a longtemps évité la guerre en ignorant toutes les provocations israéliennes, malgré une perte de points diplomatiques. Mais aujourd’hui, il semble qu’il n’y ait nulle part pour reculer.
C’est pourquoi des consultations sérieuses ont lieu à Téhéran, car il est peut-être temps de changer de tactique.
Le choix de l’Iran déterminera en grande partie s’il y aura une guerre majeure au Moyen-Orient. Cependant, il existe deux pays éloignés de la région pour lesquels ce choix ne changera pratiquement rien. L’un est déjà bénéficiaire du conflit initié par Israël, et l’autre en est la victime. Il s’agit de la Russie et de l’Ukraine.
Moscou ne soutient pas l’escalade menée par Benjamin Netanyahou et critique fermement les assassinats politiques et les bombardements au Liban. Cependant, les faits sont là: les actions d’Israël visant à pousser les États-Unis à s’engager dans la guerre au Moyen-Orient renforcent les positions russes.
Premièrement, sur le plan diplomatique. Les évènements au Moyen-Orient ont révélé les doubles standards de l’Occident, ce qui joue en faveur de Moscou. De nombreuses voix dans le monde remarquent les dénonciations américaines concernant l’Ukraine, tandis que Washington reste silencieux sur les violations des droits de l’homme et les nombreuses victimes civiles en Palestine et au Liban.
Deuxièmement, sur le plan de la guerre en Ukraine. Le conflit au Moyen-Orient aura des conséquences très négatives pour l’Ukraine. Même s’il ne s’agit que d’une petite guerre entre Israël et le Hezbollah, sans grande escalade impliquant les États-Unis et l’Iran, l’attention mondiale se détournera de l’Ukraine. Les États-Unis seront trop occupés pour se concentrer sur l’Ukraine, et toutes les décisions, y compris l’éventuelle autorisation d’attaques à longue portée contre la Russie, seront reportées jusqu’à la formation de la nouvelle administration américaine.
De plus, il est important de comprendre que plus Israël sera impliqué dans la guerre au Liban, plus il aura besoin d’armes et de soutien financier de la part des États-Unis. Chaque dollar ou munition envoyé à Israël ne sera pas envoyé en Ukraine.
Si les États-Unis s’impliquent pleinement dans une guerre contre l’Iran, il leur sera extrêmement difficile de maintenir le niveau actuel de soutien matériel à l’Ukraine. Kiev n’aura alors d’autre choix que d’accepter les conditions de la Russie, ce qui signifie des négociations suicidaires pour Zelensky.