Les sénateurs français Roger Karoutchi et Stéphane Le Rudulier ont récemment déposé une proposition de loi visant à durcir la lutte contre l’antisémitisme en incluant l’antisionisme dans les formes de discrimination pénalisées. Les deux élus ont détaillé leur intention de modifier le droit pénal afin de mieux répondre à ce qu’ils perçoivent comme une évolution de l’antisémitisme, souvent dissimulée sous l’antisionisme.
Criminaliser l’antisionisme : une réécriture du droit pénal
Stéphane Le Rudulier, sénateur des Bouches-du-Rhône, affirme qu’il est devenu essentiel de réécrire entièrement le droit pénal pour mieux lutter contre l’antisémitisme. Il soutient que «l’antisémitisme a muté et se dissimule souvent sous l’antisionisme». Pour lui, ce dernier doit être reconnu comme une forme d’antisémitisme, et le cadre législatif actuel doit s’adapter à cette nouvelle réalité.
Cependant, cette équation entre antisionisme et antisémitisme soulève des questions fondamentales, d’autant que de nombreux juifs dans le monde, y compris en Israël, se définissent eux-mêmes comme antisionistes, en opposition à la politique du gouvernement israélien et notamment celle de Benjamin Netanyahou, souvent accusé de mener une politique répressive et génocidaire envers la population de Gaza. Cette dimension rend d’autant plus complexe l’idée de criminaliser l’antisionisme, car elle revient à sanctionner une opinion politique partagée par une partie de la communauté juive elle-même.
Juive et antisioniste – Portrait de Sarah Katz :
«L’antisémitisme, c’est un crime, mais l’antisionisme, c’est un devoir»
Un débat récurrent et controversé en France
L’idée de pénaliser l’antisionisme n’est pas nouvelle en France. Elle fait surface régulièrement, particulièrement en temps de conflit au Proche-Orient. Ce projet de loi s’inscrit dans cette mouvance législative visant à renforcer les mesures contre les discours jugés haineux. Cependant, cette nouvelle proposition est singulière par sa volonté explicite de faire un lien direct entre antisionisme et antisémitisme.
Inquiétudes sur la liberté d’expression et la diversité des opinions
De nombreuses voix, notamment au sein des associations de défense des droits humains et de la liberté d’expression, s’élèvent contre cette proposition. Elles estiment qu’une telle loi pourrait criminaliser une opinion politique légitime, à savoir la critique de la politique israélienne, en particulier dans le contexte de l’occupation et des violences envers les Palestiniens. Il est essentiel de rappeler que l’antisionisme, pour certains, ne s’attaque pas à l’existence du peuple juif mais à la politique expansionniste et coloniale de l’État israélien.
Les détracteurs craignent qu’une telle législation ne mène à une confusion dangereuse, où toute critique de l’État d’Israël pourrait être assimilée à de l’antisémitisme. Cette dérive pourrait porter atteinte à la liberté d’expression, un principe fondamental en France.
Vers un débat parlementaire houleux
Avant d’être adoptée, cette proposition de loi devra passer par les différentes étapes du processus législatif, notamment les débats parlementaires. Ces derniers s’annoncent déjà intenses, car ils touchent à des sujets sensibles, mêlant la lutte contre la haine et la protection des libertés individuelles. Le gouvernement et les élus devront naviguer entre la nécessité de combattre l’antisémitisme sous toutes ses formes et celle de préserver un espace de débat critique sur des questions politiques internationales.
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