L’excitation des commentateurs politiques de tous les camps semble aujourd’hui à son paroxysme pour la fameuse élection américaine. Jamais la France n’avait semblé si soumise à la domination américaine puisque même les souverainistes français semblent devenir béats devant Trump et son soutien Elon Musk. Il ne s’agit pas de dire ici qu’il est stupide de croire que peut-être un camp serait plus favorable à la cause française que l’autre. Mais de souligner quelque chose de tout à fait stupéfiant dans ces soumissions mentales à l’ordre américain. Nous nous intéressons tant à l’élection d’un pays situé à 5000 km alors que nous savons à peine lorsqu’il y a une élection chez nos voisins directs de l’Espagne à la Belgique. Emmanuel Todd avait récemment ironisé sur cet aspect de notre soumission à l’Amérique rien qu’à la place que nous donnons dans l’espace informatif de nos concitoyens.
Alors vous allez me dire oui, mais l’Amérique est importante, regardez la guerre en Ukraine, elle dépend du choix du futur président. En fait sans vouloir jouer les Normands on pourrait répondre par peut-être bien que oui, ou peut-être bien que non. Certes, les USA ont joué un grand rôle dans le déclenchement du conflit entre Moscou et l’Ukraine, personne ne dira le contraire à part peut-être les atlantistes les plus bornés. Peut-être que Trump pourra mettre fin au conflit en cessant le soutient à l’Ukraine, mais en réalité c’est avant tout le choix de la France et des Européens en général de suivre les USA qui nous ont mis dans une situation de conflit avec Moscou. Il ne faut pas surestimer le poids des USA sur nos décisions ou celles de nos dirigeants. Alors certes il y a l’hypothèse toddienne d’une corruption fondamentale de nos dirigeants par l’intermédiaire de la NSA. Et il est certain que les USA ont sûrement joué à fond la carte de la corruption des élites. C’est un peu dans leur nature puisque comme je l’ai déjà écrit les USA ont la corruption comme structuration de la vie politique au sein même de leurs institutions depuis le début. Ils font donc en Europe ce qu’ils font chez eux et partout ailleurs, ils corrompent, ils menacent, ils font du chantage, etc. La patrie des barons voleurs n’a jamais changé sur ce point.
Si quelque chose a changé, c’est bien la vielle Europe, et la France en particulier, qui a fait du discours patriotique une oraison funèbre dont chacun serait bien inspiré de ne plus s’exclamer. Les Français d’après-guerre et surtout leurs descendants directs ont fait petit à petit de l’Amérique une nation de substitution puisque la nôtre était vouée aux gémonies par les discours postnationaux de gauche comme de droite. Car si le gaullisme fut une période d’illusion de renaissance du patriotisme, c’est bien de Gaulle qui finalement fera le lit de l’idéologie américaine. Non de son propre fait bien évidemment, mais par l’entremise de son entourage proche. Combien de prétendus gaullistes n’avaient en réalité d’yeux que pour l’Amérique ? Combien d’entre eux ont-ils trahi pour nous jeter dans les bras de l’Amérique alors même que le corps du général était encore tiède ? Il ne faut pas s’y tromper, de Gaulle était bien le seul à droite à faire réellement du gaullisme et à s’inquiéter de l’indépendance nationale. La suite des politiques menées dès son départ le montra aisément. Pourquoi cet amour de l’Amérique pour la droite ? C’est bien simple à comprendre, c’est l’amour de l’argent. C’est l’idée d’avoir enfin un enrichissement sans fin pour quelques-uns dans un océan de misère, et cela sans avoir à s’inquiéter de révoltes populaires d’un peuple aimant l’égalité, ou du mauvais œil d’une église catholique qui encore exerçait une modeste influence. L’Amérique c’était le pays de la liberté pour quelques-uns bien loti, et la tyrannie pour tous les autres. De quoi faire saliver les riches de tous les pays du monde, les Européens ne faisant pas exception.
La maladie de l’américanisme
De fait si les USA sont une puissance importante dans la déstabilisation du monde plutôt que l’inverse, on peut évidemment s’intéresser à cette élection sous cet angle. Il n’en reste pas moins vrai que les problèmes de l’Europe et de la France sont avant tous nos problèmes et que les changements aux USA n’auront en réalité guère d’influence sur le continent. D’ailleurs, la présence de Trump à la présidence USA n’avait pas changé grand-chose en réalité des comportements des Européens. Ils étaient juste devenus des atlantistes grincheux si je puis dire, se plaignant d’avoir un suzerain mal poli et mal coiffé. Et ils le redeviendront. Mais au fond le train-train impérial continuera parce que nos élites, ou plutôt nos dominants ne veulent surtout pas d’une indépendance nationale ni même européenne. Car l’indépendance signifierait pour eux le retour à la politique et aux choix propres. Or dans un pays comme la France, faire des choix qui nous soient propres revient à devoir négocier avec un peuple rétif à la dérégulation et aux inégalités extrêmes. L’horreur pour un capitaliste bien ordonné.
Et j’insiste sur ce fait, notre soumission n’est pas le fruit du poids des USA. Cela n’a jamais été le cas même au pire de leur domination économique dans l’immédiat après-guerre. La soumission de notre peuple et de notre continent est volontaire. Elle est le fruit du choix d’une caste qui ne supporte pas la démocratie et qui ne veut pas de la politique. Car faire de la politique c’est faire des choix, c’est négocier avec les différentes couches sociales. Faire des compromis plus ou moins équilibrés pour aller quelque part et avoir des objectifs collectifs. La dissolution volontaire des nations européennes, si elle a eu comme prétexte moral la Seconde Guerre mondiale, avait pour motivation réelle la lutte des classes. Il fallait dissoudre les nations d’Europe pour libérer le capital de ses contraintes nationales qui l’obligeaient à une certaine limite et à une certaine solidarité. L’américanisme ou l’atlantisme, appelez ça comme vous voulez, c’est simplement la soumission aux puissances d’argent et rien d’autre.
On comprend ici mieux la solitude de de Gaulle ou les étranges difficultés de la droite françaises à défendre réellement l’intérêt national. Son atlantisme est en un sens consubstantiel à l’intérêt des classes sociales qu’elle représente. C’est d’ailleurs la même chose au RN. Son atlantisme soudain ne faisant que refléter au final le fond idéologique réel de ce parti même si dans ce cas il va y avoir une contradiction forte avec son électorat populaire. Alors nous pourrions ici ironiser à la manière de Régis Debray en prônant l’adhésion aux USA. En devenant galloricain comme il le dit nous pourrions au moins voter pour nos vrais maîtres et avoir une petite influence sur nos vrais dirigeants. Mais ce serait, je pense, induire en erreur nos concitoyens les plongeant dans la croyance que nous sommes réellement des vassaux au sens contraint du terme. J’insiste à nouveau, nous pourrions très bien faire autrement, et nous l’avons déjà fait à une époque où la France avait en fait plus de contraintes qu’aujourd’hui vis-à-vis des USA. Aujourd’hui les USA ne pèsent plus grand-chose sur le plan de l’économie réel. Leur poids c’est la finance, le cinéma et pas grand-chose d’autre. Quand vous achetez quelque chose, cela vient très rarement des USA et bien plus souvent de la Chine. Pourtant, la Chine n’a guère d’importance dans nos politiques au quotidien. Preuve que ce n’est pas une affaire de poids économique réel.
Notre emprisonnement est avant tout mental et cette prison est maintenue par nos joliets que sont nos prétendues élites et qui ne veulent absolument pas que les Français soient à nouveau souverains pour leur plus grand bénéfice. L’atlantisme c’est exactement comme l’UE et l’euro, des prisons pour soumettre notre nation aux intérêts des plus aisés et des multinationales. Le monde d’aujourd’hui est suffisamment décentralisé, les savoir-faire industriels partager de par le monde pour que nous n’ayons en réalité pas grand-chose à craindre d’une colère américaine face à une France indépendante. Cette soumission est psychologique, et c’est seulement en rompant avec cet esprit de défaite et de soumission que nous pourrons à nouveau résoudre nos propres problèmes, pas en attendant les ordres d’un empereur orgueilleux venu d’un pays de barbares.