De trahison en trahison, la bourgeoisie se maintient au pouvoir – Réseau International

Mon père, après avoir lu «La trahison des clercs» de Julien Benda, a offert ce livre paru en 1927 à ses six enfants. Mon père était généreux, mais il avait une façon d’offrir si discrète, si embarrassée, qu’on attachait peu de valeur à ses cadeaux. Et donc j’ai lu le livre en diagonale. C’est seulement beaucoup plus tard que j’en ai compris toute la portée.

Le livre se penche sur la propension des élites intellectuelles à perdre toute rationalité, esprit critique et goût de la vérité, pour se faire le chantre fanatique et versatile, pour ne pas dire opportuniste, d’idéologies souvent délétères, tout en se prétendant moralement et intellectuellement supérieures aux autres. Ou comme le dit France Culture, «Julien Benda dénonce le paysage intellectuel de son époque. Notamment ceux qui prétendent défendre des valeurs qu’ils confondent avec une idéologique qui plus est, subordonnée au politique. Il attaque du même front les nationalistes (les fascistes) et les communistes qui ont trahit leur fonction «au profit d’intérêts pratiques». Régis Debray précise que la position de l’auteur est celle d’une critique de «la paresse intellectuelle des intellectualistes et l’immoralité des moralistes»».

J’ai eu par hasard l’occasion d’entendre récemment un universitaire de «gauche», grassement payé pour aller pérorer dans les médias, bénéficiant de nombreux avantages et d’une grande sécurité d’emploi, reprocher aux gueux que nous sommes de ne pas apprécier la chance que nous avions de vivre sous Macron dans une France où, somme toute, tout marchait très bien. Quand j’ai suggéré que c’était sûrement vrai pour lui mais pas pour 80% des Français qui en avaient assez d’entretenir plus de parasites que sous l’Ancien régime, il est monté sur ses ergots tel un petit coq dont le statut dans la basse-cour est remis subitement en cause. C’était aussi amusant que quand Macron explique que les Russes ont fabriqué la vidéo où Brigitte le frappe au visage…
La trahison des Français par Sarkozy et Cie en 2008

Aujourd’hui, 29 mai 2025, c’est le 20ème anniversaire du référendum de 2005 sur le Traité établissant une Constitution pour l’Europe. Le média indépendant Tocsin en profite pour revenir sur une des pires trahisons gouvernementales et parlementaires françaises avec ses invités, dont André Bonnet avocat et ancien magistrat et auteur de «Referendum de 2005, les preuves de la trahison démocratique. Sortir du traité de Lisbonne». Le traité, que les Français avaient rejeté, voulait donner à l’Union européenne le statut d’État juridiquement indépendant, dont les lois auraient primé sur celles des nations ; à l’époque on ne disait pas «fédéral» car cela aurait été mal perçu, mais c’était bien ça.

La campagne avait porté sur le fond, le rejet était réfléchi, beaucoup de Français connaissaient le texte par cœur. Tous les dirigeants européens se sont alors ligués contre la France et, en 2008, Sarkozy, avec l’appui de toute la classe médiatique et intellectuelle dont une partie avait pourtant milité pour le non au référendum, a fait voter par le parlement le Traité de Lisbonne, le même texte, à la virgule près.

L’UE est les européistes ont gagné. Ils ont réussi à s’émanciper de la démocratie et à créer une forme de dictature supranationale au service des lobbys. Mais les peuples, dont la volonté a été bafouée, n’ont pas oublié et, 20 ans plus tard, il pourrait bien y avoir un retour de bâton, selon Henri Guaino.

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Que faire de l’Union européenne ? 20 ans du NON au référendum !

C’est le titre du dernier livre d’Aurélien Bernier dont le Café marxiste (PCRF) nous offre l’interview.

Avant le référendum de 2005, il y a eu le référendum sur le traité de Maastricht en 1992. L’accélération des politiques néolibérales de l’UE nécessitait une modification de la Constitution française. Le OUI l’a tout juste emporté, mais la campagne a permis de mettre en lumière le fait que la création de l’UE avait pour but de placer les politiques néolibérales antisociales à une échelle supranationale pour pouvoir les imposer aux nations. Le référendum de 2005 a aussi été un véritable moment d’éducation populaire. La victoire du NON a d’ailleurs été la seule victoire politique que j’ai connue, confie Aurélien Bernier.

Mais, à la faveur des élections présidentielles suivantes, les partis qui avaient milité pour le NON retournent leur veste. Désormais la question de la sortie de l’UE est taboue et on fait semblant de croire que l’UE peut être amendée, en parlant d’Europe sociale.

La montée du Front national s’explique par l’abandon de la classe populaire successivement par la gauche avec le tournant de la rigueur de Mitterrand et par la droite avec la liquidation de l’héritage gaulliste.

L’UE n’a pas d’armée, elle ne lève pas l’impôt, elle n’a pas de police, mais elle a l’arme juridique vu que le droit européen prime sur les droits nationaux. Ce levier juridique est extrêmement puissant, car ils ont réussi à le rendre quasiment irréversible. La seule limite est la Constitution nationale, mais le Conseil d’État a le pouvoir de bloquer tout texte qui contredirait une disposition du droit européen. Ce verrouillage juridique n’est jamais remis en question par les politiciens français, alors qu’il nous maintient dans un ordre néolibéral qui nous conduit à notre perte.

Les textes sont impossibles à changer, car il faudrait l’unanimité pour le faire et beaucoup de pays européens tirent profit de la situation actuelle. La seule solution c’est de sortir de l’UE.

Dans le livre «Désobéissons à l’UE» que j’ai écrit il y a 14 ans, j’expliquais déjà, indique Aurélien Bernier, que pour pouvoir désobéir à l’UE, il fallait une rupture juridique, car sinon le Conseil d’État lui-même l’interdirait. L’OPT OUT dont parle Mélenchon, est une procédure qui permet à des États qui ne remplissent pas toutes les conditions pour rentrer dans l’UR ou la zone euro, d’y rentrer quand même, mais cela ne permet pas de déroger au marché unique.

Ne pas sortir de l’UE, c’est cautionner toutes ses dérives néolibérales et impérialistes. Mais la sortie de l’UE ne résoudra pas tout. Elle permettra de déverrouiller le carcan institutionnel mais il restera à résoudre la question du rapport de force avec le capitalisme international. Notre souveraineté nous a été confisquée de deux manières : par les institutions européennes et par la main mise sur notre pays de colossales puissances d’argent. La sortie de l’UE est une condition nécessaire mais pas suffisante pour retrouver notre indépendance.

Si un dirigeant français voulait sortir de l’UE, le Conseil d’État l’obligerait à passer par l’article 50 de l’UE qui met 2 ans à s’appliquer, ce qui donnerait à l’UE tout le temps nécessaire pour mettre notre pays en faillite.

À première vue, on ne voit pas comment sortir de l’UE sans remettre en question l’État de droit, ce qui est difficile à assumer et créerait un précédent dangereux, à moins qu’une révolution ne balaye l’ordre juridique existant.

Il reste cependant une faille dans le verrouillage juridique qu’on pourrait exploiter. Cela consisterait à changer la Constitution pour redonner la priorité au droit national sur le droit européen et/ou pour sanctuariser les services publics.

Quoiqu’il en soit, on ne pourra pas passer à l’action sans construire un courant d’idée avec des objectifs clairs susceptibles d’entraîner l’adhésion.

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La trahison du communisme par le Parti communiste

Dans une vidéo très bien faite, le blogger Tzitzimitl explique comment le PCF s’est formé. Le communisme, selon Marx, pourrait se résumer par l’expression «De chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoin». C’est le principe que Croizat et d’autres ministres communistes et gaullistes ont appliqué après la guerre en créant la sécurité sociale, les retraites, les indemnités chômages et les services publics. Sous Mitterrand le PCF a renoncé à la dictature du prolétariat pour devenir social-démocrate en participant au tournant de la rigueur en 1983, puis à la gauche plurielle de 1997 à 2002, trahissant allègrement le prolétariat.

En 1994, la rupture avec le Marxisme Léniniste est consommée avec l’arrivée du réformiste-révisionniste Robert Hue. Le PCRF (Pole de renaissance communiste) rompt alors avec le PCF à cause de son renoncement à contester le traité de Maastricht. Il prône une sortie de l’UE et s’oppose aux guerres impérialistes, y compris la dernière en date, la guerre de l’OTAN en Ukraine contre la Russie et bien sûr, il dénonce le génocide des Palestiniens.

Quant au PCF, il n’y a plus aucune différence entre lui et le parti socialisme réformiste. Le PCF a renoncé au Communisme, au Socialisme (la période de transition vers le communisme selon Marx), à la révolution et à la collectivisation des moyens de production. Résultat des courses, en 2007, sa candidate, Marie-George Buffet, a fait 1,97% à l’élection présidentielle. Malgré tout cela le PCF refuse dans le PS ou autre.

Il reste donc finalement une trace de Marxisme-léninisme au Parti communiste, conclut plaisamment Tzitzimitl : le culte du Parti…

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La trahison de Trotski

L’image que l’on retient généralement de Leon Trotski est celle d’un révolutionnaire marxiste russe qui fut le théoricien de la révolution permanente. Il est considéré avec Lénine comme le principal acteur de la révolution de 1917. Pendant les ingérences étrangères qui suivent cette révolution, il organise et dirige l’armée rouge. Il devient l’un des principaux opposants à Staline, après la mort de Lénine en 1924. Il est chassé d’URSS en 1929 et il continue la lutte en exil jusqu’à son assassinat au Mexique en août 1940 par un agent de Staline.

Mais dans son livre «Trotsky, le choix de la défaite et les récidives actuelles», Lilian Truchon explique que le combat de Trotski n’était pas un combat de gauche contre les dérives staliniennes mais une lutte contre l’URSS elle-même. le combat de Trotski n’était pas un combat de gauche contre les dérives staliniennes mais une lutte contre l’URSS elle-même.

Trotski disait à qui voulait l’entendre que l’URSS ne pourrait pas résister à la montée du nazisme et du fascisme en Europe, que le régime politique stalinien ne survivrait pas à la guerre, parce que, en fait, il souhaitait la défaite de l’URSS, seul moyen pour lui de renverser «l’ennemi numéro un de la classe ouvrière mondiale», Staline. Il a même envisagé de s’entendre avec les Nazis après la défaite de l’URSS, en leur cédant l’Ukraine pour revenir au pouvoir, comme on le voit dans ses écrits de 1939. Il ne faut pas se laisser prendre à sa formule : ni Staline, ni Hitler.

À partir de 1933, quand Hitler arrive au pouvoir, il dépeint systématiquement Staline et Hitler comme un couple maléfique. En 1939, il écrit : «Une partie de plus en plus importante de l’appareil soviétique est formé de fascistes qui ne sont pas reconnus comme tels» Il parle de «similitude des structures et des méthodes», de «rouge-bruns». Pour Trotski, Staline est même pire qu’Hitler. Il est la personnification du totalitarisme et n’a aucun talent à la différence de «l’audacieux et entreprenant Hitler». Pourquoi est-il alors plus dangereux qu’Hitler ? C’est incohérent, mais la haine ne se nourrit pas de cohérence…

La position de Trotski est claire. Il écrit le 18 janvier 1934 : «Pour renverser Hitler, il faut en finir avec le Komintern puisque cette organisation fait tout son possible établir pour transformer l’Europe et même le monde entier en camp de concentration fasciste». Trotski affirme à plusieurs reprises : «Sans Staline il n’y aurait pas eu Hitler». Après l’incohérence, le délire, on dirait Macron et Cie…

Malheureusement ce ne sont pas seulement des déclarations fanatiques, il essaie de se réconcilier avec Staline pour revenir en URSS et rallier la 5ème colonne pour renverser Staline. Il sera mis en cause, en 1934, par les accusés du second procès de Moscou, suite à l’assassinat de Sergueï Kirov. Il niera toute implication, pourtant, dans ses écrits, il légitime l’usage de la terreur et du coup d’état pour renverser le pouvoir en URSS. Il appelle même à démembrer l’Union soviétique.

On retrouve aujourd’hui cette équivalence Staline = Hitler chez les Trotskistes actuels, comme le montre le livre de l’historien Jean-Jacques Marie intitulé : La collaboration Staline-Hitler. (on en trouve une recension très favorablement biaisée sur Culturetops qui en profite pour assimiler Poutine à Staline, et donc à Hitler).

On reproche souvent à Staline le Pacte germano-soviétique qu’il a conclu pour gagner du temps et préparer l’armée rouge à l’inévitable affrontement. Mais on ignore qu’avant de signer ce Pacte, il avait, pendant des mois, essayé de conclure une triple alliance de sécurité collective avec la France et l’Angleterre pour contrer la menace allemande. Mais ces deux pays, comme d’ailleurs la Pologne, ont tous refusé par anti-communisme.

Dans la dernière partie de son exposé, Lilian Truchonse penche sur le concept de Révolution permanente de Trotski qu’il propose de rebaptiser : Duplicité permanente. Trotski considère en effet, contrairement à Lénine et Staline, que la Russie est trop arriérée pour pouvoir construire le socialisme sans l’aide d’états occidentaux. Pour lui, il faut d’abord construire les États-Unis d’Europe.

Trotski doit beaucoup de ses idées à Karl Kautsky, un antisoviétique fanatique. Mais il ne va tout de même pas jusqu’à parler, comme Kautsky, de Capitalisme d’état, car cela aurait nui à son projet de reprendre le pouvoir en URSS.

On assiste aujourd’hui à une assimilation malsaine de Poutine avec Staline, de la part des propagandistes de la guerre contre la Russie en Ukraine. Dans un numéro de l’Express de 2022, on voit, par exemple, Poutine, Staline et Mélenchon sur la même image. L’idée c’est de faire passer la Russie pour l’ennemi héréditaire et de diaboliser la Russie et ses dirigeants.

La gauche française, trotskiste ou pas, s’est ralliée à la guerre de l’OTAN contre la Russie. Ainsi l’Humanité a titré, comme les journaux de droite : «Poutine a ressuscité l’OTAN, Le cadeau de Trump à Poutine, Pour la guerre pas d’austérité»,prenant le parti de la guerre sans le dire, la seule chose qui les dérange, au PCF, c’est que le peuple paye la facture !Les Insoumis, sauf un seul, se sont abstenus le 19 septembre 2024 de voter une résolution qui autorisait l’Ukraine «à bombarder la Russie dans la profondeur de son territoire», en risquant de provoquer une 3ème guerre mondiale…

Dans un éditorial d’avril dernier, d’Inprecor, journal du secrétariat unifié de l’internationale trotskiste il est écrit : «On doit s’opposer à l’invasion russe et soutenir l’Ukraine, quelle que soit la nature du régime de Zelensky, en espérant que la défaite de la Russie provoque un bouleversement dans le pays».

Lilian Truchon conclut son exposé en ces termes : «L’équivalence entre Staline et Hitler par Trotski cache en fait, une préférence nette pour Hitler pour combattre ce qu’il appelle le Stalinisme, car Trotski n’est pas seulement l’ennemi de Staline, mais de l’Union soviétique. C’est ce que prouve indéniablement la question de l’Ukraine (évoquée au début de l’exposé). Ce choix de la défaite connait des récidives actuelles, comme le fait de renoncer à lutter clairement contre la guerre par procuration menée par l’Euro-atlantisme en Ukraine».

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La trahison au quotidien

L’humoriste Franjo me rappelle Molière. Molière était passé maître dans l’art d’épingler les travers de son époque, à travers notamment la vanité, le ridicule, la mesquinerie, l’hypocrisie des bourgeois, des parvenus et des profiteurs de son temps. Franjo, lui, n’a pas son pareil pour mettre en lumière la médiocrité et les incohérences de notre système politique, économique et sociétal ainsi que la veulerie, l’irresponsabilité et la mesquinerie des bourgeois, des parvenus et des profiteurs de notre temps.

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