Conflit Israël-Hamas : que signifie la bannière noire islamiste retrouvée dans un kibboutz ?

DÉCRYPTAGE – La bannière a été associée à l’État Islamique et interprétée comme le signe d’un lien avec le Hamas, ce que plusieurs experts jugent improbable.

Jeudi 12 octobre, cinq jours après l’offensive du Hamas en Israël, les images d’une bannière noire, traditionnellement associée à l’État Islamique – aussi appelé Daech -, ont été diffusées sur les réseaux sociaux et par plusieurs médias israéliens. Ces derniers affirment que le bout de tissu a été retrouvé par des soldats israéliens dans le kibboutz de Sufa, situé près de Gaza, «parmi les équipements laissés par les terroristes», selon i24 news.

Depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas, le groupe terroriste est souvent comparé à son homologue en Irak et en Syrie, aujourd’hui déchu, l’État Islamique. Les attaques ont été comparées à celle du 11 septembre, perpétrée par al-Qaïda, ou du Bataclan, commise par des membres de l’EI. Lundi 9 octobre, lors de sa première allocution solennelle à la télévision, le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a déclaré : «le Hamas, c’est Daech et nous allons les écraser et les détruire, comme le monde a détruit Daech», une comparaison qu’il a réitérée à de nombreuses reprises depuis. Pourtant, l’idéologie islamiste similaire entre ces différents groupes ne permet pas de les assimiler, ni de les confondre.

«L’EI déteste le Hamas»

Si les méthodes employées par le Hamas lors de son attaque en Israël et ses exactions envers les civils ne sont pas sans rappeler celles de l’EI et expliquent la comparaison du premier ministre israélien, les deux groupes sont très différents. «L’EI déteste le Hamas», insiste Moustafa Ayad, directeur Moyen-Orient et Afrique du Nord de l’Institute for Strategic Dialog (ISD). «Les supporters de l’EI qualifient les membres du Hamas de “juifs du djihad”», ajoute-t-il, précisant que l’EI considère l’organisation basée à Gaza comme déviante.

En dépit de certaines similitudes idéologiques, leurs projets sont fondamentalement opposés : l’État Islamique souhaite voir son «califat» étendu aux quatre coins du globe, tandis que le Hamas a pour but principal la destruction de l’État d’Israël et l’avènement d’un État palestinien. Par ailleurs, le ralliement d’une large partie du Hamas à «l’axe de résistance» chiite a placé les deux organisations dans les camps opposés du conflit syrien, menant occasionnellement à de violents affrontements entre les deux.

Cette rivalité s’est également développée dans le Sinaï, péninsule égyptienne à la frontière avec Israël, où un groupe djihadiste rallié à l’État Islamique depuis 2016 perdure, malgré la répression de l’Égypte et d’Israël. Wassim Nasr, journaliste, spécialiste des groupes djihadistes et chercheur au Soufan Center, rappelle que cette menace a mené le Hamas et Israël à collaborer : «les Israéliens s’étaient alors accommodés du Hamas, afin d’empêcher des groupes plus radicaux de s’enraciner à Gaza», explique-t-il. Un échange de bons procédés à jamais révolu, après l’attaque de samedi dernier : «en s’en prenant aux civils de cette manière, le Hamas a définitivement franchi le Rubicon», conclut Wassim Nasr qui observe aussi que la dernière édition du journal de l’État islamique ne mentionne pas en tant que telle l’attaque du Hamas contre Israël, se contentant de rappeler «le devoir d’entraide entre musulmans».

«Jaich al-Oumma»

Lors de l’attaque, des combattants du Hamas ont pénétré dans plusieurs villes et villages, dont le kibboutz de Sufa, où a été retrouvée la bannière. Sur un tissu noir, ici encadré par un liserai doré, est inscrit le «sceau du prophète», comprenant les trois mots «Allah», «messager» et «Mahomet». L’État Islamique, qui se l’est approprié, n’en a pas le monopole. «Il existe de nombreuses versions de ce drapeau», indique Moustafa Ayad. Les premiers à l’avoir utilisé sont les membres d’Al-Qaïda en Mésopotamie, l’ancêtre de ce qui est ensuite devenu l’État Islamique en Irak et en Syrie. Depuis, de nombreux autres groupes la brandissent, «dont certains ennemis de l’État Islamique, en premier lieu Al-Qaïda», rappelle Wassim Nasr. «Certains combattants tchétchènes l’arborent même sous forme de badges sur leurs uniformes, jusque sur des théâtres de guerre aussi éloignés que l’Ukraine», complète-t-il.

Mais alors, s’il ne s’agit pas de l’État Islamique, ni du Hamas, comment cette bannière est-elle apparue dans un kibboutz en Israël ? L’hypothèse la plus probable, d’après Wassim Nasr, est qu’elle ait appartenu à un membre de «Jaïch al-Oumma», organisation djihadiste basée à Gaza. Cette dernière, dont le nom signifie «armée de l’“Oumma”», la communauté des croyants, est plus proche idéologiquement d’Al-Qaïda que de l’EI. «Une dizaine de factions palestiniennes différentes, du Front démocratique de libération de la Palestine (FDLP) au Djihad Islamique, se sont infiltrées dans la brèche ouverte par le Hamas en Israël samedi dernier», souligne Wassim Nasr, «même si en ce qui concerne Jaïch al-Oumma, aucun de ses membres n’a revendiqué d’attaque».

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