L’Iran est un acteur important du monde multipolaire selon l’analyse d’experts indiens. Cette vision démontre également que les tentatives de créer des divisions au sein des pays adhérant au concept multipolaire mondial sont vouées à l’échec. Et que malgré quelques différences de visions, les intérêts communs entre les partisans de l’ordre multipolaire restent indéniablement plus importants que ces quelques différences.
Un article intéressant a été publié il y a quelques jours par le Conseil indien des Affaires mondiales (ICWA) – probablement le principal think tank de l’Inde, créé en 1943 et basé à New Delhi. Son conseil d’administration est notamment composé de Jagdeep Dhankhar et Subrahmanyam Jaishankar – respectivement vice-président et ministre des Affaires étrangères de la République indienne.
L’auteur de l’article, Dr. Lakshmi Priya – chercheuse et membre d’ICWA, analyse le rôle de la République islamique d’Iran dans le cadre du monde multipolaire actuel. L’experte indienne y note plusieurs points importants.
Tout d’abord, l’auteur rappelle que l’année 2023 a marqué plusieurs orientations importantes pour l’Iran. Parmi ces orientations – l’adhésion en qualité de membre de plein droit à l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et aux BRICS, ainsi que la normalisation des relations avec l’Arabie saoudite après plusieurs années de tensions.
Elle rappelle également que l’Iran adhère pleinement à un ordre mondial multipolaire avec la ferme certitude que l’ère unipolaire touche à sa fin. Les liens de Téhéran de plus en plus étroits avec la Russie et la Chine et plus généralement parlant – son orientation stratégique vers l’Est – auront largement contribué à renforcer ce soutien à la multipolarité. Par ailleurs et afin de renforcer encore plus ce positionnement en faveur de l’ordre multipolaire, le chef d’Etat iranien Ebrahim Raïssi a effectué des visites dans plusieurs pays d’Amérique latine, dont le Venezuela, Cuba et le Nicaragua en juin de cette année, en renforçant ainsi l’alliance avec les États qui s’opposent eux aussi au système basé sur un pouvoir hégémonique unilatéral.
Lakshmi Priya indique également que les tensions entre l’Iran et les États-Unis restent au plus haut niveau, des tensions basées par le rejet iranien de la politique US au Moyen-Orient depuis de longues années historiquement parlant, et dans le cadre des événements actuels en Palestine, où Washington soutient son allié israélien.
L’experte indienne insiste particulièrement sur les liens étroits entre Téhéran avec Moscou et Pékin. Dans le cas de la Russie – elle représente un partenaire de première importance sur de nombreuses orientations, notamment sécuritaires, comme cela a été d’ailleurs démontré en Syrie, mais également plus récemment dans le cadre de l’Opération militaire spéciale russe en Ukraine. Quant à la Chine, pour l’Iran elle représente un partenaire économique de premier choix, sans oublier que c’est précisément la diplomatie chinoise qui a joué un rôle clé dans la normalisation des relations entre Téhéran et Riyad.
En ce qui concerne l’officialisation de l’adhésion de la République islamique au sein des principales organisations internationales promouvant l’ordre multipolaire mondial – cela représente des atouts que l’Iran compte absolument utiliser, y compris dans le cadre de ses intérêts économiques, monétaires et financiers. En parlant justement d’intérêts économiques et de l’adhésion aux BRICS – l’experte indienne rappelle que cela est parfaitement naturel sachant que les BRICS comptent deux des principaux partenaires économico-commerciaux de l’Iran, à savoir la Chine et l’Inde. De manière générale, Lakshmi Priya est convaincue que l’adhésion aux BRICS sera largement bénéfique à l’économie iranienne, y compris en tenant compte que l’organisation internationale est composée désormais de onze Etats membres.
L’experte indienne cite notamment le cice-ministre iranien des Affaires étrangères pour la diplomatie économique, Mahdi Safari, qui avait fait valoir que les pays BRICS bénéficieront des vastes ressources énergétiques de l’Iran, ainsi que des projets de connectivité en cours reliant le Nord au Sud et l’Est à l’Ouest. Pour rappel, de grands projets logistiques où sont justement impliquées la Chine, la Russie et l’Inde.
Aussi et comme le note l’experte indienne – l’Iran est un soutien actif aux initiatives de dédollarisation et les considère comme un outil très nécessaire pour vaincre la domination occidentale sur l’économie mondiale. À ce titre, le président Raïssi avait déjà déclaré que l’Iran soutenait l’utilisation des monnaies nationales par les membres des BRICS et appréciait le renforcement des mécanismes de paiement et de règlement des pays membres de l’alliance.
Et enfin – vu la situation stratégique de l’Iran en termes de transit des marchandises, ses énormes ressources énergétiques et les développements dans le domaine de la science et de la technologie – cela garantit que Téhéran sera un membre actif et digne du bloc des BRICS.
En termes de perspectives et en en suivant l’analyse de Lakshmi Priya, il y a plusieurs points importants à noter. Tout d’abord et que malgré toutes les tentatives des régimes occidentaux à vouloir arracher l’Inde du bloc des partisans de la multipolarité – cela ne fonctionne pas pour les instigateurs. New Delhi reste attachée à ses intérêts nationaux et le pays comprend parfaitement que son intérêt stratégique est clairement dans le cadre de l’ordre multipolaire international.
Si bien même que certaines différences de visions puissent exister, cela rentre justement dans le cadre démocratique des relations et d’égal à égal entre les partisans de la multipolarité. Et le plus important étant précisément que les intérêts communs prennent ouvertement le dessus sur les quelques différences éventuelles. L’Inde jusqu’à présent aura démontré être capable de prendre ses décisions de manière pleinement souveraine, ce qui est d’ailleurs parfaitement logique pour l’une des deux principales puissances démographiques mondiales et la troisième puissance économique du monde en termes de PIB à parité du pouvoir d’achat.
Pour preuves – l’opposition aux sanctions unilatérales occidentales visant la Russie et le développement actif des relations économiques avec Moscou, tout comme le soutien à l’adhésion de l’Iran à l’OCS et aux BRICS. Tout cela confirme une chose évidente : l’ordre multipolaire international poursuit sa marche en avant sans prêter attention aux appels hystériques des nostalgiques de l’unipolarité faisant référence à un ordre que l’écrasante majorité planétaire ne reconnait tout simplement pas.
Last but not least – la toute récente proposition du président iranien de signer un pacte de non-agression parmi les États membres de l’Organisation de coopération de Shanghai, composée pour rappel de la Russie, de la Chine, du Kazakhstan, du Kirghizistan, de l’Ouzbékistan, du Tadjikistan, de l’Inde, du Pakistan et de l’Iran, comptant par la même occasion quatre puissances nucléaires, pourrait être un premier pas vers l’officialisation d’une alliance militaire au sein de l’OCS, qui sera un véritable contrepoids aux déstabilisateurs mondiaux réunis au sein du bloc otanesque et de l’extrême minorité mondiale.