BRICS+ : Le combat du Sud mondial contre l’hégémonie de l’Occident

Le sommet ministériel des BRICS a commencé par une minute de silence en l’honneur du défunt président iranien, Ebrahim Raïssi. Cet hommage, en plus d’exprimer le respect pour le président et le peuple perse, est également un symbole d’une nouvelle période du bloc qui se présente comme une alternative à l’hégémonie étasunienne et à tous les impérialismes occidentaux.

Cette rencontre a été la première à avoir lieu avec les nouveaux pays membres après l’entrée, au début de l’année, de l’Iran, de l’Égypte, de l’Arabie saoudite, de l’Éthiopie et des Émirats arabes unis en tant que membres à part entière, ce qui implique l’intégration de certains des plus importants fournisseurs de gaz et de pétrole à l’alliance.

À la rencontre qui s’est tenue dans la ville russe de Nijni Novgorod les 10 et 11 juin ont également participé plusieurs pays du monde qui voient dans les BRICS une alternative face à l’hostilité des États-Unis envers des nations souveraines avec application de sanctions et de mesures coercitives.

Des pays comme le Venezuela, Cuba et le Nicaragua ont récemment exprimé leur intention d’entrer dans le bloc. Le chancelier cubain Bruno Rodríguez a réaffirmé la détermination de son pays à «explorer et à favoriser toutes les voies possibles pour une relation plus étroite avec le groupe». Le Nicaragua a exprimé son intérêt à faire partie du bloc multilatéral tandis que le président vénézuélien Nicolás Maduro a affirmé : «Le Venezuela est prêt à devenir un partenaire stratégique et fiable du groupe BRICS».

La décision finale sera prise en octobre, lors du sommet des présidents de l’organisme multilatéral qui aura lieu dans la ville de Kazan, dans la République du Tartaristan de la Fédération de Russie, le pays qui exerce la présidence temporaire de l’organisme multilatéral. Là aussi, il faudra définir si l’Argentine sera remplacée par un autre pays d’Amérique latine après la décision du président d’extrême droite Javier Milei de refuser l’intégration de l’Argentine au bloc.

Qu’est-ce que les BRICS ?

BRICS est l’acronyme de Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud, les pays qui composent jusqu’à présent ce bloc. Il s’agit de 5 des économies émergentes les plus puissantes du monde. Le bloc, qui vise l’association économique, commerciale et politique, a officiellement commencé à fonctionner en 2009, lorsque le premier sommet des présidents a eu lieu à Ekaterinbourg, en Russie. Néanmoins, les bases du bloc avaient commencé à être installées à partir de 2006. Mais ce n’est qu’en 2011 que l’Afrique du Sud a été acceptée comme membre à part entière, complétant ainsi la liste actuelle des pays partenaires.

Le bloc est actuellement composé de dix États, ce qui «témoigne de l’autorité croissante de l’association et de son rôle dans les affaires mondiales», a déclaré le président russe Vladimir Poutine au début de la présidence russe au sein de l’organisme. «Les BRICS attirent de plus en plus de partisans et d’États partageant les mêmes idées et les principes qui sous-tendent ses activités», a-t-il déclaré.

Ces pays ont en commun de posséder une grande population, de vastes territoires et une grosse quantité de ressources naturelles. Selon un document de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPAL), «on peut s’attendre à ce qu’un pays prospère dans l’ensemble des BRICS doive avoir une capacité de production étendue (agricole, industrielle et de services) qui corresponde à son potentiel économique, une économie relativement stable et un profil pas très bas sur la scène internationale».

Parmi les objectifs du bloc figurent la promotion d’accords commerciaux bilatéraux entre les pays membres et le financement de projets de production grâce à la Nouvelle Banque de développement, créée en 2015 par les cinq pays membres, la dédollarisation et la création d’un monde multipolaire en opposition à l’hégémonie États-Unis-Europe.

Les BRICS sont devenus une alternative aux pressions coercitives unilatérales mises en place par les États-Unis et leurs alliés et au contrôle des principales institutions financières du monde occidental qui garantissent leur prédominance au niveau international.

Dédollariser pour décentraliser

L’économiste et ancien directeur adjoint de l’Institut de développement mondial du Centre de recherche pour le développement du Conseil d’État chinois, Ding Yifan, note que, historiquement, les pays membres du BRICS «ont souffert du rôle hégémonique du dollar américain».

Pour le Brésil, toute appréciation ou dépréciation substantielle du dollar a été un désastre. Le capital étasunien a également pu entrer et sortir librement du marché boursier indien, en augmentant les prix de certaines actions, puis en les vendant à découvert, note l’économiste chinois.

De même, l’Afrique du Sud, la Russie et la Chine ont fait l’objet de sanctions financières étasuniennes. Après le début de la guerre en Ukraine, les États-Unis ont gelé et confisqué les actifs en dollars détenus par plusieurs citoyens russes fortunés. Elle a également gelé 300 000 000 000 de dollars d’actifs de la Banque centrale russe.

Quelque chose de similaire à ce que traversent les pays victimes de sanctions illégales comme l’Iran, le Nicaragua, le Venezuela et Cuba, qui subissent un blocus criminel depuis près de 70 ans.

En ce sens, l’un des problèmes centraux soulevés par ce bloc de pays est la dédollarisation. La coopération monétaire entre les pays des BRICS exige également qu’ils trouvent une monnaie d’ancrage autre que le dollar étasunien.

Entre tous, ils possèdent les plus grandes réserves de ressources et d’énergie du monde et la plus grande capacité de fabrication. Un système de règlement autre que le dollar peut faciliter l’échange de ressources et la production industrielle. Dans la mesure où les pays des BRICS mettent en place un système de règlement autre que le dollar étasunien leur développement économique sera libéré de l’impact négatif des fluctuations du dollar.

Cependant, les monnaies de la plupart des membres des BRICS restent, dans une plus ou moins grande mesure, liées au dollar étasunien et leurs taux de change sont instables.

Pour Paulo Nogueira Batista Jr., économiste brésilien et vice-président de la Nouvelle Banque de développement (NBD) dépendant des BRICS, cela suppose des difficultés à la fois techniques et politiques. Le dollar est la monnaie de réserve de la plupart des nations et l’hégémonie des institutions financières telles que le Fonds monétaire international, la Banque interaméricaine de développement et la Banque mondiale a un poids énorme dans les pays émergents.

En tant qu’alternative, le bloc doit faire face, selon Nogueira, à «la difficulté réelle d’unir véritablement les pays des BRICS dans cet effort».

Ce défi est l’une des priorités des pays membres et a été largement débattu lors du dernier sommet de Johannesburg. En fait, la création du NBD a été, en première instance, destinée à réussir à faire converger les efforts des différentes nations.

Progrès, défis et promesses

Malgré les différences historiques et culturelles des pays membres, une étude publiée en décembre par trois chercheurs de l’Université de Tufts souligne la convergence de leurs politiques dans des domaines identifiés comme prioritaires. Selon l’étude, la coopération a considérablement augmenté depuis la création du groupe, passant de 13,7% en 2009 à 50,7% en 2014.

Les pays membres des BRICS dépasseront le Groupe des Sept (G7) en termes de participation au PIB mondial au cours des quatre prochaines années, a déclaré mardi Dilma Rousseff, présidente de la Nouvelle Banque de développement, lors de son intervention à l’événement World Governments Summit, qui a eu eu lieu cette semaine à Dubaï.

Plus précisément, avec l’ajout des nouveaux membres de l’association internationale, sa part dans la production économique mondiale devrait osciller entre 35% et 40% d’ici 2028, tandis que celle du G7 tombera à 27,8%.

De même, l’ancienne présidente du Brésil a noté qu’entre 2011 et 2016, la part des marchés émergents dans le commerce mondial a augmenté de 37% tandis qu’entre 2016 et 2022, cette part a augmenté de 41%. En revanche, les économies les plus développées sont passées de 62% à 58% au cours de cette période, tandis que la part des pays du G7 dans l’économie mondiale, qui était de 47% en 2016 et, est tombée à environ 30% en 2022.

L’élargissement à 10 membres est significatif à bien des égards : le groupe représente désormais 45,5% de la population mondiale, 43,34% de la production mondiale de pétrole, 35,85% du PIB mondial (en parité avec le pouvoir d’achat) et près de 25% des exportations totales de biens.

Cependant, la victoire de Javier Milei aux élections présidentielles argentines de novembre a ébranlé les plans du groupe tout en ouvrant une fenêtre pour que des pays comme le Venezuela puissent le rejoindre en octobre de cette année, un événement auquel participeront les nouveaux pays au complet.

En attendant, on ne sait pas ce qui se passera maintenant qu’au lieu de 5 pays, il y aura 10 pays membres.

Pendant ce temps, des expériences telles que la nouvelle banque de développement des BRICS ont déjà commencé à fonctionner et financent, entre autres, la reconstruction du sud du Brésil après les inondations. La Banque des BRICS consacrera 1 115 000 000 de dollars à la reconstruction du Rio Grande do Sul.

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