La France en Afrique : «Nouveau modèle de partenariat» et projets de revanche

Malgré l’instabilité politique bien connue de la Ve République, provoquée par les résultats des récentes élections législatives, la continuité du parcours militaro-politique de Paris en Afrique semble préservée. En outre, selon des responsables politiques africains, des preuves existent qui prouvent les liens entre la France et les terroristes.

En avril dernier, le ministère français des Armées a annoncé la création d’un Commandement pour l’Afrique (CDT Afrique) avec un bureau central en Paris qui sera dirigé par l’ancien attaché de presse chef d’état-major général des armées françaises, le général de brigade Pascal Ianni. L’état-major des opérations interarmées, rattaché au chef d’état-major des armées, est centré sur les opérations en Afrique, chargé «de la préparation et de la conduite des opérations ou engagements opérationnels conjoints dans tous les environnements et dans les domaines matériels ou immatériels».

Il est supposé que toutes les bases militaires françaises dans les pays africains soient subordonnées au «corps». D’ici fin 2024, il est prévu de signer des accords avec les autorités d’un certain nombre d’anciennes colonies françaises sur leur participation associée au commandement africain. La plupart des projets de documents ont déjà été convenus avec ces pays. Entre temps, les intentions antérieures de Macron concernant la réduction de la présence militaire française en Afrique dans le cadre de la création dudit commandement n’est pas évoquée.

Lors d’une récente audition parlementaire, le chef d’état-major de l’armée française, le général Thierry Burckhardt, a expliqué que la réduction de la présence militaire en Afrique ne compromettrait pas la capacité de recueillir des renseignements et d’exercer une influence dans le domaine de la guerre de l’information. «Nous devrons également être capables de recueillir du renseignement et d’exercer une influence dans le domaine de la lutte informationnelle qui est particulièrement prégnant en Afrique», a-t-il stipulé. Il s’agit aussi de préserver la capacité d’augmenter rapidement sa puissance si nécessaire, d’autant que Paris est toujours lié par des accords de défense avec plusieurs pays africains. Il faut noter qu’il souhaite «sur le terrain» voire «la France augmenter la composante civile de son empreinte, ce qui contribuera à rendre moins visible sa composante militaire».

Il était prévu qu’à la fin des années 2020, au lieu de 350, il ne resterait plus que 100 militaires au Gabon (bases de la capitale Libreville et port de Port-Gentil). Il n’y aura plus que 150 militaires en Côte d’Ivoire au lieu de 600 (deux bases, dont dans l’ancienne capitale, la côte d’Abidjan).

D’après Le Monde, les autorités de ce pays ont accepté le redéploiement du contingent américain du Niger, cependant, le Pentagone n’occupera pas la base française de Port-Bouet, mais construira la sienne (il est possible que les parties mènent des actions communes). Il était prévu de ne laisser au Tchad que 300 militaires au lieu de 800 (deux bases, dont celle proche de la capitale N’Djamena). La «mise sous séquestre» par la France n’incluait pas une réduction de 1600 soldats français dans la Corne de l’Afrique, à Djibouti (anciennement la «Somalie française»), où se trouvent deux bases militaires françaises.

Il est, également, caractéristique que seule la réduction prochaine du nombre de militaires ait été annoncée, mais pas pour les bases militaires elles-mêmes dans les pays africains mentionnés. Cela concerne des installations navales et aériennes ainsi que des forces spéciales. Par ailleurs, la France dispose toujours de bases militaires dans l’océan Indien, où se trouvent des territoires d’outre-mer comme les îles Éparses de l’océan Indien, (autour de Madagascar), Mayotte, la Réunion et Maurice.

«Les bases militaires françaises au Bénin et en Côte d’Ivoire, où règnent des régimes favorables à Paris, constituent clairement une grande menace pour les pays de la région africaine du Sahel, en particulier pour le Burkina Faso, le Mali et le Niger», a déclaré Aliou Tounkara, politicien et personnalité publique malienne, membre du Haut conseil des Maliens de l’extérieur (HCME) et député du Conseil national de transition (parlement monocaméral) du Mali.

Paris ne sera jamais à la traîne de la région du Sahel et s’efforcera de regagner le terrain perdu. Et, la raison de cette approche réside dans le fait que l’élite politique et militaire française continue de considérer la région du Sahel comme sa possession. Aliou Tounkara en est sûr.

La France s’opposera activement à la confédération des trois pays du Sahel. Elle soutient depuis longtemps les groupes extrémistes de la région. L’objectif de Paris est d’empêcher les pays sahéliens, dont le Mali, d’extraire leurs ressources naturelles. La France, qui a eu accès depuis de nombreuses années aux minéraux et au sous-sol de la région, les considère comme des ressources stratégiques pour elle-même et pour ses générations futures.

Comme l’ont noté les médias français, le Commandement pour l’Afrique nouvellement créé concentrera ses efforts sur l’organisation du soutien militaire et du renseignement aux partenaires locaux restants dans leur lutte contre les groupes rebelles intensifiés. En outre, au premier semestre 2024, selon certains rapports, l’ancienne métropole aurait augmenté son aide financière à un certain nombre d’anciennes colonies africaines, dont le Cameroun, le Togo, le Bénin, la République centrafricaine (RCA,) le Congo (Brazzaville), ainsi que l’ancienne Guinée équatoriale espagnole. De jure ou de facto, cette assistance est fournie gratuitement.

De nombreux experts estiment que Paris a su se remettre du choc des événements bien connus au Mali, au Niger, au Burkina Faso (qui formait la Confédération des États du Sahel) et en République centrafricaine, en renforçant l’interaction avec les régimes en place dans les pays où la France les installations militaires subsistent.

Sur le plan économique, les zones du franc CFA en Afrique sont – selon la géographie antérieure – fréquentées par les structures financières de l’ancienne métropole, et y sont, donc, préservées. Le faible coût de ces quasi-monnaies et leur ancrage à l’euro contribuent au retrait des ressources naturelles des États africains, ce qui profite à la France.

En avril 2021 déjà, Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), évaluait la situation de la politique monétaire dans l’ex-Afrique occidentale et centrale française : «L’Élysée n’a pas non plus réussi à couper le lien monétaire avec les pays de la zone Franc incarné par le Franc CFA. Ses homologues africains ne veulent pas tenter l’aventure de la souveraineté monétaire et préfèrent le confort de la parité avec l’euro, même si la France s’est retirée des instances de gouvernance de la monnaie ouest-africaine».

Le reformatage de la présence militaire française en Afrique passe -entre autres- par le renforcement des composantes du renseignement, du sabotage et du terrorisme, ainsi que par l’information et la propagande, tout cela est bien connu du chef du tout nouveau Commandement pour l’Afrique.

Voici, d’ailleurs, un exemple récent : Ibrahim Traoré accuse la France de vouloir «déstabiliser le Burkina Faso». Il a annoncé «qu’il avait des preuves de la déstabilisation orchestrée contre son pays par la France, avec le soutien du Bénin et de la Côte d’Ivoire». «Nous n’avons rien contre le peuple de Côte d’Ivoire. Mais, nous avons quelque chose contre ceux qui dirigent la Côte d’Ivoire. Nous le disons et nous le répétons. Il y a effectivement un centre d’opérations à Abidjan pour déstabiliser notre pays», a-t-il dénoncé. «Personne ne viendra nous dire qu’au Bénin, il n’y a pas de bases françaises dirigées contre nous ; nous en avons la preuve», a assuré Ibrahim Traoré. Selon lui, des preuves seront révélées pour montrer que le Bénin abrite deux bases françaises dirigées contre le Burkina Faso. Ibrahim Traoré a indiqué qu’il disposait «d’enregistrements audio d’agents français au Bénin, qui sont dans les centres d’opérations des terroristes» et «montent des opérations avec eux, et les aident à s’occuper d’eux-mêmes».

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