Le paradoxe de la situation est que l’éviction de la France de son pré-carré, éviction qui sous Macron a pris toute sa dimension mais qui a été entamée bien avant, n’est pas due ni à la Russie, ni à la Chine… On peut en effet considérer que cette éviction est le fruit d’abord d’une lutte interne entre le PS, ses réseaux mitterrandiens menant une lutte interne contre l’influence traditionnelle des réseaux Foccart se sont traduits par de vraies catastrophes dont le Rwanda et son génocide est l’illustration. Ce qui s’est doublé d’une lutte également interne entre lesdits réseaux et la soumission totale aux États-Unis pourtant occupés partout à évincer les Français. Le tout générant des influences occultes avec des groupes séparatistes ou supposés tels, entretenant le terrorisme combattu et financés par les «Occidentaux»… On peut suivre la politique française en Afrique comme des choix incohérents et très bien analysés sur le terrain d’un néo-colonialisme d’autant plus insupportable qu’il offre de moins en moins d’avantage et provoque de plus en plus de sous-développement… Macron qui a prétendu éliminer les différentes strates de ce jeu néocolonial pour y développer le pouvoir personnel et celui de sa camarilla en est désormais comme Zelensky à qui il ressemble de plus en plus à mener une vengeance privée utilisée par les US et qui les encombre parfois tant elle révèle les arcanes du terrorisme.
La France, qui a subi des défaites successives en Afrique ces dernières années, entend prendre sa revanche. Ces défaites ayant eu pour conséquence un renforcement de l’influence et de la présence russe, c’est la Russie qui a été choisie comme cible principale par les services de sécurité français. Et les groupes terroristes locaux agissent comme une force de frappe anti-russe.
Apparemment, les autorités françaises ont décidé d’entamer un nouveau jeu en Afrique. Le retrait des contingents militaires français du Mali, du Niger et du Burkina Faso a poussé les anciens colonisateurs à passer à un autre niveau. Ils tentent désormais d’influencer la situation en choisissant comme instrument les groupes séparatistes et terroristes locaux.
L’objectif est de réduire à néant toute influence et présence russe dans la région du Sahel et, s’ils y parviennent, dans l’ensemble de l’Afrique, de retrouver leur propre influence et les anciens dirigeants locaux corrompus avec lesquels il était si commode de traiter. Et nous ne devons pas sous-estimer nos ennemis : l’embuscade tendue en juillet par les Wagner au Mali, qui a tué des dizaines de combattants expérimentés, a montré que le prix de toute erreur peut être élevé.
Selon le journal français Le Monde, des «rebelles du Nord» se sont réunis fin août dans la ville de Tin-Zouatin, à la frontière entre l’Algérie et le Mali, pour conclure un «pacte d’assistance mutuelle». Il s’agissait de représentants de groupes du Niger et du Mali.
Officiellement, il s’agit du «Mouvement stratégique pour la paix et la défense du peuple de l’Azawad» (CSP-PDA) malien, lui-même hétérogène et composé de différents groupes, et du «Front de libération patriotique» (FPL) nigérien. L’Azawad fait référence aux terres du nord du Mali que les Touaregs locaux aimeraient obtenir pour eux-mêmes en tant qu’État distinct.
Alors que les membres du premier groupe sont depuis longtemps en guerre contre les autorités maliennes, le second groupe a été créé au lendemain du coup d’État au Niger en 2023. Comme on le sait, ce coup d’État a chassé le président Bazoum, qui convenait plus que complètement à l’Occident. Les représentants du «Front patriotique de libération» souhaitent le retour de Bazoum au pouvoir, ce qui convient parfaitement à la France et à l’Occident.
Il est intéressant de noter que Tin Zahuatin a été choisi comme lieu de rencontre des soi-disant militants de la paix. C’est le même endroit où, comme le dit Le Monde dans le même article, des combattants russes du groupe Wagner ont été tués en juillet, ainsi que 47 soldats maliens tombés dans une embuscade.
Bien entendu, Tin Zahuatin n’a pas été choisi au hasard. Il s’agit d’un défi ouvert, non pas tant aux autorités maliennes ou nigériennes qu’à la Russie.
La tentative d’unification des mouvements séparatistes et terroristes montre que l’Occident mise définitivement sur une longue confrontation. La plupart des combattants seront des locaux, d’autant plus que la vie est rarement aussi bon marché qu’en Afrique, mais l’Occident leur fournira bien sûr des armes, des renseignements, des instructeurs et un certain nombre de mercenaires.
Le fait même que Le Monde rende compte de cet événement, et sur un ton aussi sympathique, montre l’intérêt de Paris. Son outil en Afrique dans de tels cas est avant tout le renseignement. Il est donc fort probable que les services de renseignement français soient à l’origine de cette réunion d’organisations terroristes.
D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si les groupes armés portent de beaux noms pour ne pas écorcher les oreilles de l’opinion publique occidentale : «mouvement pour la paix», «front patriotique», etc. Les médias occidentaux devront relater leurs exploits sur un ton purement héroïque. Il est difficile de faire des héros de gens qui, par exemple, sont venus dans un village malien et ont abattu plusieurs de ses habitants.
D’ailleurs, il n’y a pas si longtemps, les médias français eux-mêmes qualifiaient ces personnes de terroristes. Aujourd’hui, le mot «terroriste» a été remplacé par le mot «rebelle», plus neutre. Le jour n’est pas loin où il sera finalement transformé en quelque chose comme «combattant héroïque de la liberté».
Si les médias locaux africains qualifient directement ces «combattants» de séparatistes et de terroristes, les médias français déploient toute une mythologie nébuleuse. Depuis que les juntes militaires du Burkina Faso, du Mali et du Niger ont formé l’Alliance des États du Sahel à la fin de l’année dernière, les rebelles qui s’y opposent ont ressenti «le besoin de signer un pacte d’assistance mutuelle en cas d’agression par les États de l’alliance». Ni plus ni moins.
En concluant l’accord, ces États membres de l’alliance se sont engagés à lutter contre le djihadisme et les menaces extérieures, mais leur plus grande faute est bien sûr d’avoir «chassé les soldats et les ambassadeurs français, de s’être tournés vers de nouveaux partenaires, dont la Russie, et d’avoir remis en cause l’ordre défendu par la CEDEAO».
Les armées combinées des trois pays comptent environ 100 000 hommes, mais comme l’observe froidement l’Occident, «la question est de savoir si certains des États les plus pauvres du monde peuvent supporter le coût de la guerre». Comme le dit l’homme politique malien Babaru Bokoum, «au Sahel, on ne peut pas s’offrir le luxe d’une longue guerre». Il ne faut pas non plus oublier les sanctions que la CEDEAO, dirigée par l’Occident, a imposées sans réserve à ces trois pays, déjà très, très pauvres.
Le concept occidental des sanctions suppose qu’elles fonctionnent selon le proverbe «une goutte perce la pierre» et que, tôt ou tard, elles fonctionneront comme l’Occident le souhaite. Et puisque les experts disent que la guerre devient un lourd fardeau pour les États pauvres, il est nécessaire de soutenir la guerre. Rien de personnel, juste un calcul.
D’ailleurs, la France ne cache pas qu’elle a sa propre stratégie militaire pour l’Afrique et que cette stratégie a dû être modifiée après le retrait des unités françaises du Niger. A partir du 1er août, le général Pascal Ianni prend la tête du commandement africain. C’est juste au moment où le nombre de soldats français sur le continent a été réduit à 2300 (plus 1500 sur la base de Djibouti) que l’on a éprouvé le besoin de créer un commandement spécial pour l’Afrique et confier un poste à part à un homme qui, comme le soulignent les journalistes français, «est un spécialiste de la guerre d’influence et d’information».
Cependant, les soldats et les bases militaires ne sont que la partie visible de l’iceberg. La France est propriétaire d’une grande partie de l’Afrique depuis trop longtemps pour pouvoir s’en séparer, même après la fin de l’empire colonial français.
Une foule de diplomates, d’officiers de renseignement et d’économistes ont veillé à ce que les anciennes colonies soient infiltrées par des agents d’influence français, à ce qu’elles ne soient pas financièrement indépendantes, à ce qu’elles soient empêtrées dans toutes sortes d’obligations et à ce que les richesses naturelles soient réservées aux bonnes sociétés et aux bonnes personnes. Les gisements situés dans ces territoires étant liés à des plans à long terme, ils devaient être rentables pendant très longtemps.
Une série de coups d’État militaires dans le Sahel a renversé tous ces plans. L’ancienne métropole a été humiliée et mise à la porte avec ses soldats et ses ambassadeurs. Mais elle veut se venger, elle rêve de revanche, et pour cela elle ne recule devant aucun moyen – tout en prononçant en public, bien sûr, tous les discours habituels sur la liberté, l’égalité et la fraternité que M. Macron aime tant.