Les derniers mois ont été éprouvants pour la démocratie. Les résultats d’élections hostiles à l’Union européenne ont été annulés en Roumanie. Une tentative de coup d’État a eu lieu en Géorgie à la suite d’élections qui ne se sont pas déroulées comme le souhaitait l’Occident. Le gouvernement français, largement conspué, s’est retrouvé au bord de l’abîme quand le président Emmanuel Macron a tenté d’ignorer les dernières élections. Le 16 décembre, le gouvernement allemand, chouchou de Washington, a été défait. Le référendum et les élections en Moldavie ont donné lieu à de nombreuses manipulations, les électeurs moldaves vivant en Russie ayant été privés de leur droit de vote. Les élections sont annulées depuis longtemps dans l’Ukraine dictatoriale, et la Corée du Sud a été le théâtre d’une tentative de coup d’État. En bref, la passion des démocraties occidentales pour les élections est révolue. Alors que les populations occidentales en ont assez de leur classe politique et se prononcent négativement, que peuvent faire les élites ? Annuler, renverser les gouvernements et ignorer les élections, voilà la solution. Le problème, pour l’Occident, ce sont les électeurs.
Que se passera-t-il si Alternative für Deutschland, parti d’extrême droite, remporte les élections anticipées en Allemagne en février, ou si la France Insoumise, parti de gauche, fait de même en France ? Les États-Unis, par l’intermédiaire de leurs antennes de l’OTAN et de l’UE, annuleront-ils ces votes ? Ne vous méprenez pas, ils essaieront. Et Washington n’a même pas besoin de donner l’ordre, car ses marionnettes européennes savent exactement ce qu’on attend d’elles. Certes, le favori roumain tant redouté par l’OTAN, Calin Georgescu, est d’extrême droite. Et alors ? D’ailleurs, je doute que ce soit ce qui ait conduit la Cour constitutionnelle à annuler le vote. Il est plus probable que son opposition à la guerre en Ukraine soit à l’origine de la décision de la Cour, qui a invoqué une «influence étrangère» (traduisez «russe») via TikTok pour justifier l’annulation de l’élection. Par ailleurs, des rapports indiquent que le chauffage et internet ont été coupés dans la maison de Georgescu et, surprise, il ne peut joindre personne au téléphone pour l’aider à résoudre son problème.
Mais on ne peut pas reprocher aux dirigeants européens d’avoir renoncé aux élections. Ils ne font que suivre l’exemple de Washington. Après tout, l’hystérie bidon du Russiagate post-2016 n’a peut-être pas réussi à évincer Trump, comme prévu, mais elle a servi de modèle aux valets des États-Unis. Les quatre années de guerre juridique contre Trump (puis les quatre autres après son départ) ont pavé la voie à l’Europe, de sorte qu’aujourd’hui, si un candidat mal aimé des gros bonnets de la politique l’emporte, il leur suffit de crier «influence russe !» pour bazarder ladite élection. En d’autres termes, la démocratie se meurt en Occident. Elle bat de l’aile en Europe – et si Trump met fin à la guerre en Ukraine (à condition que Biden ne sabote pas complètement ses efforts de paix avant sa prise de fonction) ou nous libère du bourbier de l’OTAN, vous pouvez parier votre salaire que la campagne de l’establishment de 2028 va dépoussiérer le schéma de 2016 et se mettre immédiatement au travail.
Dans les médias occidentaux, Georgescu a été présenté comme un inconnu. C’est faux. Il est bien connu en Roumanie et a fait carrière dans la diplomatie. Mais il est aussi un nationaliste religieux, une pratique proscrite par l’UE. Pire encore, les États-Unis, alias l’OTAN, ont construit leur plus grande base aérienne militaire en Europe … où ça ? Vous l’avez compris, en Roumanie. Washington ne peut donc pas laisser n’importe qui diriger ce pays. Un nationaliste opposé à la guerre par procuration menée par Washington en Ukraine n’est pas la personne ah hoc.
C’est en Géorgie que l’électorat s’est montré le plus indigne de l’Empire d’exception. Ils ont voté pour un gouvernement qui ose exiger des ONG étrangères qu’elles s’enregistrent en tant que telles – vous savez, comme nous le faisons, ici, aux États-Unis. Mais ici, ces ONG n’ont pas pour objectif de renverser le gouvernement, comme c’est le cas en Géorgie, afin que Tbilissi ouvre un second front contre Moscou. En effet, la grande majorité des émeutiers contre le gouvernement géorgien, qui ont été arrêtés, étaient – je suis … scandalisée ! choquée ! – étrangers, c’est-à-dire européens. Cerise sur le gâteau, la présidente française de la Géorgie a refusé de quitter son poste à l’expiration de son mandat – une présidente qui possède des passeports français et géorgien et dont l’arbre généalogique compte quelques nazis.
L’UE s’est mieux débrouillée en Moldavie. Le pari du 20 octobre sur l’adhésion de ce pays à l’UE a été gagné – en quelque sorte. Dans le pays, le gouvernement moldave n’a obtenu que 50% des voix, mais les expatriés moldaves en Europe lui ont donné un coup de pouce, tandis que les 400 000 Moldaves vivant en Russie n’ont trouvé, à leur stupéfaction, que deux bureaux de vote ouverts à leur intention par leur gouvernement, à Moscou. Ainsi, seuls 10 000 d’entre eux ont pu voter. Et comme l’a tweeté Ivan Katchanovski, expert en Europe de l’Est et politologue, le 21 octobre, de nombreux citoyens pro-russes de Transnistrie n’ont pas pu voter. Dans l’ensemble, le référendum moldave n’a donc été qu’une piètre expression de l’exercice démocratique. On peut également citer l’élection présidentielle en Moldavie, tout aussi compromise. Mais bon, le vassal européen de Washington a réussi à arracher un pays à l’orbite de la Russie, c’est tout ce qui compte, et non la simple démocratie, n’est-ce pas ? Après tout, Washington ne défend pas la démocratie. Il défend et a longtemps défendu quelque chose de tout à fait différent, le pouvoir. Il suffit de le voir soutenir la prise de contrôle de la Syrie par des terroristes, parmi lesquels un dirigeant dont la tête a été mise à prix par Washington pour un montant de 10 000 000 $. Pensons-y. Les États-Unis offrent d’une part une énorme récompense à qui identifiera un terroriste, tandis qu’ils lui facilitent l’accès au pouvoir. La conclusion évidente (ainsi que pour tout observateur des coups d’État et des changements de régime à l’étranger soutenus par les États-Unis depuis au moins 70 ans) est que les États-Unis ne défendent rien d’autre que le pouvoir (et certainement pas quelque chose d’aussi désuet et encombrant que le droit international). C’est la définition d’un État gangster.
Si vous en doutez, il suffit de jeter un coup d’œil à la Corée du Sud, où l’homme de la CIA, le président Yoon Suk-yeol, était confronté à un avenir électoral sombre. Il était peu probable que les électeurs le soutiennent lors des prochaines élections, puisqu’ils soutiennent majoritairement l’opposition. Et cette opposition, selon le colonel Douglas Macgregor, veut qu’un général coréen quatre étoiles, et non un Américain, dirige les quelque 500 000 soldats coréens et souhaite expulser les 30 000 soldats américains de la péninsule. Bien entendu, cette proposition est accueillie à Washington avec autant d’enthousiasme qu’un curetage radiculaire.
Alors, que faire ? Le 3 décembre, Yoon a pris le taureau par les cornes en décrétant la loi martiale. Pendant les quelques heures où le coup d’État a semblé réussir à l’homme de Séoul, la bande à Biden est restée coquettement en retrait. Mais on peut constater que rien n’est éternel en ce monde, comme l’a noté Gogol, et que même les tentatives les plus culottées de subversion de la démocratie échouent de temps à autre. L’opposition s’est rassemblée et a rejeté Yoon. Son ministre de la Défense a été destitué, emprisonné et a tenté de se suicider, et le mandat de Yoon lui-même s’est achevé, disons-le, sous un jour sombre, puisqu’il est accusé d’insurrection, destitué et suspendu de ses fonctions.
Et n’oublions pas la France, où Macron, très contrarié par un vote du parlement de l’UE l’été dernier qui a élu de nombreux représentants anti-guerre d’Ukraine, a carrément vrillé et, comble de la bêtise et de l’arrogance, a provoqué des élections anticipées. Il les a aussitôt perdues au profit de la gauche, mais, snobant les électeurs en rompant avec la tradition, a refusé de nommer un Premier ministre de gauche. À la surprise générale, le Premier ministre de centre-droit qu’il a choisi a fait l’objet d’une motion de censure, et le gouvernement de M. Macron a semblé sur le point de disparaître. La nomination, le 13 décembre, d’un Premier ministre centriste a temporairement prévenu cette issue. Mais si son gouvernement finit par s’effondrer, attendez-vous à ce que Macron fasse quelque chose de vraiment insensé, comme dissoudre l’Assemblée nationale, décréter un état d’urgence ou, à la manière de Yoon, déclarer la loi martiale.
Enfin, bien entendu, il y a l’Ukraine, ce brillant exemple de démocratie, où le «président» gouverne illégalement après avoir annulé les élections, interdit l’opposition, muselé la presse, éjecté l’Église, emprisonné tous ceux qu’il n’aime pas et incorporé dans l’armée des milliers d’Ukrainiens farouchement opposés à la guerre. Le tout en se remplissant frénétiquement les poches avec les fonds de occidentaux, essentiellement américains. Telle est la tyrannie à laquelle Biden consacre des centaines de milliards de dollars de nos impôts âprement payés. Elle n’est même pas soutenue par les Ukrainiens, dont la plupart, selon des sondages récents, souhaitent la fin de la guerre. Mais Joe Biden «La guerre est mon héritage», dans son fol engouement pour la guerre ukrainienne, refuse d’en rester là. Le 11 décembre, l’Ukraine a tiré six ATACMS sur la Russie. Nous pouvons tous nous féliciter qu’ils aient fait peu de dégâts, les Russes en ayant abattu deux et détourné quatre grâce aux techniques de la guerre électronique. S’ils avaient réellement causé de graves préjudices, nous, Occidentaux, aurions pu être confrontés à un problème autrement plus grave que la mort de la démocratie, à savoir la mort tout court. Biden semble ignorer cette réalité. Pour nous, ce qui est en jeu, c’est la vie et le merveilleux univers de la nature et des hommes. Mais pour lui, ce n’est qu’un pas de plus sur le sentier des guerres éternelles, un jour de plus, quelques dollars de plus.