En reprenant, dimanche 13 février, des concepts comme le « grand remplacement » ou les « Français de papiers », Valérie Pécresse puise directement dans la sémantique d’auteurs xénophobes et passéistes et s’enferme dans la logique de l’exclusion et du rejet.
Editorial du « Monde ». Lors de son premier grand meeting de campagne, Valérie Pécresse a tenté, dimanche 13 février, au Zénith de Paris, de brosser le portrait de la « nouvelle France » qu’elle entend faire émerger une fois élue à la présidence de la République. Au-delà d’un discours résolument axé sur les thématiques régaliennes et identitaires, la candidate du parti Les Républicains (LR) a largement puisé dans le vocabulaire de l’extrême droite pour camper le futur du pays.
S’interrogeant sur la place de la France à la fin de la décennie, Valérie Pécresse a affirmé que, sur cette question vitale, il n’y avait « pas de fatalité, ni au grand remplacement ni au grand déclassement », appelant les Français à un « sursaut ». L’expression « grand remplacement », n’a rien d’anodin, fût-elle utilisée pour prendre ses distances avec elle. La théorie a été popularisée par la figure de l’extrême droite identitaire Renaud Camus, reprise ad nauseam par Eric Zemmour et adoptée sur le tard par le Rassemblement national. Selon cette thèse raciste, des « élites mondialistes » organiseraient le remplacement de la population blanche par l’immigration venue d’Afrique, menaçant ainsi son identité.
Valérie Pécresse se justifie en disant vouloir ne pas se résigner aux théories d’extrême droite. Mais en affirmant qu’il n’y a pas de fatalité au « grand remplacement », la candidate laisse entendre que le risque existe bel et bien et qu’il est nécessaire de le combattre. Cette présentation contribue non seulement à banaliser l’idée complotiste de Renaud Camus mais aussi à lui donner une réalité politique, ce que son auteur n’aurait même jamais espéré il y a quelques mois encore.
Une faute personnelle et tactique
Les appels du pied à l’extrême droite ne se sont pas limités à cette seule expression. La candidate LR a également convoqué l’image maurassienne de la « France des cathédrales », puis elle a utilisé l’expression « Français de papier », qui n’auraient pas le même rapport à la Nation que les « Français de cœur ». Une sémantique puisée directement aux sources d’auteurs nationalistes, xénophobes et passéistes.
Cette dérive est inquiétante mais pas totalement nouvelle. Déjà, en 2012, lorsque Nicolas Sarkozy, sous l’influence de son conseiller Patrick Buisson, avait fait de la frontière l’un de ses thèmes principaux de campagne. « Faites sauter les frontières de la France, et vous verrez les tribus imposer des comportements dont nous ne voulons pas sur le sol français », avait-il déclaré lors d’un meeting à Toulouse.
Coincée entre Emmanuel Macron d’un côté, Eric Zemmour et Marine Le Pen de l’autre, Valérie Pécresse sait que sa campagne ne peut réussir que si elle parvient à tenir la droite républicaine par les deux bouts. Après la défection d’Eric Woerth, le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, parti rejoindre Emmanuel Macron, l’aile modérée attendait des gages. La candidate s’est au contraire enfermée dans la logique de l’exclusion et du rejet. Ce faisant, elle a commis une double faute, personnelle et tactique, car, sous prétexte de contenir ses concurrents, elle installe LR dans un match à trois qui tire le parti vers la droite la plus radicale.
Son choix est d’autant plus étonnant que, en 2019, cette chiraquienne de cœur avait démissionné de LR pour prendre ses distances avec la ligne « dure » incarnée par Laurent Wauquiez. De retour deux ans plus tard, elle est obligée de composer avec ce même courant, qui monte en puissance derrière Eric Ciotti. Adepte du rapprochement entre la droite et l’extrême droite, celui qui a créé la surprise lors de la primaire fait progresser ses idées. Au risque de signer l’acte de décès de LR.