C’est à Aziz Akhannouch, l’homme le plus fortuné du royaume – et désormais chef du gouvernement –, que revient la lourde tâche de mettre en œuvre le nouveau modèle de développement lancé par Mohammed VI. Un paradoxe peut-être, mais pas forcément une contradiction.
Depuis le 10 septembre 2021, les quelque 37 millions de Marocains ont pour Premier ministre le détenteur de la première fortune privée du royaume. Énoncé comme cela, ce « matter of fact » tend a priori à donner raison aux adversaires de Aziz Akhannouch, qui à fleurets démouchetés lui ont reproché ainsi qu’à son parti, le Rassemblement national des Indépendants (RNI), une « utilisation obscène de fonds » afin d’« inonder la scène politique avec de l’argent », tout au long de la campagne qui a précédé les élections générales du 8 septembre.
Une formation jeune, urbaine, moderne, féminisée et digitalisée
S’il est vrai que, comme l’écrivait Jules Michelet, « la politique est l’art d’obtenir l’argent des riches et les suffrages des pauvres, sous le prétexte de les protéger les uns des autres », le RNI et son chef ont gagné sur toute la ligne : ils ont dépensé plus que tous leurs concurrents réunis et remporté haut la main les scrutins, lesquels n’ont été entachés que de très marginales irrégularités.
S’il est indéniable qu’au Maroc comme ailleurs l’argent est au cœur du jeu politique, réduire une élection démocratique comme celle du 8 septembre à une simple affaire de troc et de rétribution est évidemment simpliste, donc erroné. L’érosion de l’assise populaire des islamistes du PJD, laquelle a débouché sur leur retentissante déroute électorale, est un phénomène objectif, tout comme l’est la réussite spectaculaire de l’OPA lancée par Aziz Akhannouch sur un « parti de l’administration », refuge de notabilités rurales et de professionnels de l’affairisme, transformé en moins de cinq ans en une formation jeune, urbaine, moderne, féminisée et digitalisée.