Le documentaire s’intitule « Boris Johnson : le manipulateur ». Alléchant. Je vais être honnête: je l’ai vraiment regardé en espérant apprendre qui était ce personnage que nous autres Français connaissons assez mal. J’en ai plus appris sur l’opinion de notre presse autorisée à son sujet, que sur l’homme lui-même. Autrement dit, j’ai compris ce que je dois en penser et en dire.
Sympathique mais dangereux; voilà, résumée en trois mots, la thèse fondamentale qui constitue le fil directeur de ce portrait dont le titre « Boris Johnson : le manipulateur » ne sera étayé à aucun moment. Qui a-t-il manipulé ? Quand ? En quoi ? On nous montrera Boris Johnson en journaliste peu soucieux des faits (ce qui n’en fait pas une exception dans la profession) puis en homme politique « brouillon ». Or, il est difficile de jouer les machiavels quand on manque de rigueur.
« Désormais, il ne fait plus rire »
Il est évident que si Boris Johnson n’était pas devenu « l’homme du Brexit », la teneur du discours journalistique à son sujet serait tout autre. A-t-il menti quand il était journaliste ? Mais imaginez qu’il soit une personnalité du camp anti-brexit : on aurait salué chez lui le « goût du canular ». Imaginez qu’un des falsificateurs professionnels de l’information comme il en existe tant aujourd’hui (cf. Guillaume Meurice et Cie, ou l’équipe de Quotidien) qui revendiquent un statut d’observateurs de l’actualité tout en excusant leurs mensonges et leurs caricatures par la volonté de faire rire leur public, devienne une figure politique marquante. Qui oserait construire un portait de lui en le qualifiant de « manipulateur » ? Qui oserait dire, si ses mensonges ont toujours servi la bonne cause, que « désormais, il ne fait plus rire » ?
Dès le début, l’angle est clair. On nous montre, partout où se rend Boris Johnson, la foule excitée de ses opposants. Un homme seul face à une meute. Moi, cela m’inspire beaucoup de sympathie mais l’idée qui sous-tend ces images est celle-ci: suggérer son impopularité. On apprendra pourtant plus tard dans le même reportage que Boris Johnson est un personnage apprécié et populaire.
Au seuil du reportage, le journaliste donne aussi à voir une manifestation de partisans du Brexit, dont un des participants affirme que Boris Johnson « restera populaire s’il fait ce qu’il dit ». Être fidèle à ses idées et à ses paroles, c’est bien la moindre des qualités chez un homme politique. Voici toutefois comment le journaliste reformule immédiatement le propos du…