Non, l’économie de l’Iran n’est pas à genoux

Fuite des capitaux et exil des cerveaux, monnaie dépréciée, hyper-inflation, taux de chômage des jeunes au-dessus de 20%, l’économie iranienne paraît proche de la rupture. Mais établir un état des lieux d’un État qui s’est construit dans les sanctions occidentales depuis près de 15 ans, hormis la parenthèse de 2016-2018, ne peut se réduire à l’alignement d’indicateurs conjoncturels. Il demande de s’immerger dans les fondamentaux du pays.

La démographie iranienne : entre jeunesse éduquée et défis du vieillissement

En premier lieu, sa démographie. Quatre points sont à retenir. Avec plus de 85 millions d’habitants, l’Iran fait partie du top 20 des pays les plus peuplés au monde et se situe à la 2ème place régionale entre l’Égypte et la Turquie. Sa population est jeune, près d’un Iranien sur 2 a moins de 30 ans, mais vieillit comme le révèle l’augmentation de l’âge médian de la population. En cause, la chute du taux de fécondité. Tombé à 1,7 enfant en moyenne par femme, il est inférieur au taux français, inférieur aussi au seuil de renouvellement des générations. Le niveau d’éducation de la jeunesse est un autre aspect méconnu. Le taux d’alphabétisation des 15-24 ans est proche de 99% chez les hommes comme chez les femmes. Le système éducatif iranien a développé des points forts dans les domaines de la mathématique, de l’informatique, de la médecine. La traduction économique de ces différents éléments démographiques peut se formuler ainsi : l’Iran dispose d’un grand marché domestique, d’une population en âge de travailler importante et formée, donc d’un potentiel de croissance élevé et devra à terme gérer les problèmes inhérents liés au vieillissement de ses habitants.

La dépendance de l’Iran aux marchés occidentaux

L’exploitation de ce dividende démographique a longtemps été une réussite. Un succès facilité par le gonflement des revenus pétroliers mais aussi par les retombées économiques sur la croissance d’une rente pétrolière réinvestie dans le développement des infrastructures et dans celui d’une industrie manufacturière performante concernant aussi bien les secteurs traditionnels (textile, pétrochimie) que les IAA, l’automobile, l’électronique grand public et l’armement. C’est le sens à donner à la progression rapide du PIB par habitant jusqu’en 2011. Le choc est alors brutal. Les sanctions occidentales font plonger la croissance révélant l’extrême dépendance du pays aux marchés occidentaux :

  1. En tant que débouché pour son pétrole. Directement mais aussi indirectement, certains pays cessant de se fournir en brut iranien de peur des représailles de la part de Washington.
  2. En tant qu’investisseurs. Les capitaux européens ont afflué à partir du début des années 2000. Les multinationales établissaient alors des usines locales pour répondre à la demande des ménages dont le pouvoir d’achat augmentait. Renault, Peugeot, Daimler Benz prennent alors pied sur le sol iranien.
  3. En tant que fournisseurs d’équipements essentiels pour le bon fonctionnement de l’industrie manufacturière.
    Face aux sanctions, l’Iran trouve de nouveaux alliés économiques

La détente partielle avec les États-Unis et l’UE pendant trois ans permet de stopper l’hémorragie mais, contre toute attente, malgré le retour à une situation conflictuelle sous la présidence Trump puis Biden, la situation du pays s’améliore à nouveau. Une solidarité de circonstance s’est en fait développée entre pays sanctionnés et plus leur nombre augmente moins les sanctions sont efficaces et participent à la mise en place d’une économie alternative. Les Occidentaux n’investissent plus en Iran ? Que cela ne tienne, les Russes les ont remplacés et sont devenus le 1er investisseur du pays. Il y a embargo sur le pétrole iranien ? Que cela ne tienne, le brut trouve preneurs en Chine ou en Inde. Certes, la production se situe loin de son dernier pic, mais elle augmente à nouveau depuis 2020. Les sources occidentales d’approvisionnement se sont taries ? Que cela ne tienne, la Chine, la Russie, l’Inde et la Turquie se sont substituées et sont devenues les premiers fournisseurs du pays. Les entreprises ont été contraintes de réorganiser leur chaine d’approvisionnement mais les cadences de production sont remontées et la valeur ajoutée générée par l’industrie manufacturière croît désormais sur un rythme proche de 4,5%, soutenant la croissance d’ensemble prévue en hausse de 2,5% cette année selon le FMI.

Moins efficace en raison des sanctions occidentales, à la traîne en termes de qualité et de sophistication de sa production industrielle, l’économie iranienne n’en a pas moins trouvé les parades pour éviter de sombrer, s’est redéployée et a repris une trajectoire positive.

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