L’entité sioniste n’a jamais été préparée à une guerre d’usure

Depuis la création de l’entité sioniste, la problématique tient à ce que les Israéliens n’ont pas réussi à exterminer et à nettoyer ethniquement tous les Palestiniens, sans réussir à tuer la cause.

Le 22 août, le général de brigade israélien Yitzhak Brik a écrit un article pour le journal Haaretz, dans lequel il prédit l’effondrement du régime sioniste dans un délai d’un an si la guerre se poursuit. Alors qu’il est clair que l’entité occupante traverse une crise existentielle, ce que certains responsables israéliens reconnaissent, il faut examiner les problèmes sous-jacents rendant cette situation inévitable.

L’entité sioniste a fait croire au monde qu’elle dispose d’une armée des plus puissantes en Asie occidentale, d’une suprématie indéniable en matière d’armement et d’un pouvoir apparemment sans faille. Cependant, comme l’a déclaré en 2006 le secrétaire général du Hezbollah libanais, Seyyed Hassan Nasrallah, l’entité sioniste est aussi fragile qu’une toile d’araignée.

Presque toutes les guerres dans lesquelles l’entité sioniste a été impliquée se sont brièvement déroulées à l’intérieur des frontières de la Palestine occupée ou dans des pays voisins, à l’exception de 1948. Même les assauts brutaux contre Gaza en 2008/2009, 2012 et 2014 ont tous été réduits à un échange de tirs relativement limité où aucune des deux parties n’a été obligée d’engager l’ensemble de ses capacités dans la bataille.

En réalité, les Israéliens s’étaient dotés d’armes capables de pulvériser des nations entières et de la technologie nécessaire pour faire face à des menaces limitées, tout en prétendant être à la tête d’une armée qui, combinée à des soldats réservistes, pouvait représenter une force de plus de 500 000 personnes. Sur le papier, fort de son arsenal nucléaire, le régime sioniste était capable de dissuader quelque peu son opposition et attirait même des collaborateurs du monde arabe et musulman, attirés par ses capacités matérielles et son influence.
Une défaite inévitable

Le régime sioniste doit être replacé dans son contexte. Né en tant que mouvement colonisateur, dirigé par des juifs européens non religieux cherchant à reproduire l’expérience d’autres Européens persécutés ou économiquement démunis, le sionisme est apparu comme la réponse à la «question juive».

Sans entrer dans les détails, les Européens ont historiquement attaqué, tué, nettoyé ethniquement et exterminé des pans entiers de populations qui n’étaient pas en accord avec leurs croyances religieuses dominantes ou leurs marqueurs culturels/ethniques, ou qui n’adhéraient pas à ces croyances. L’une des méthodes de survie pour certains de ces peuples persécutés ou économiquement défavorisés consistait à se rendre dans les colonies des nations dominantes. Si nous prenons l’exemple des Britanniques, les moins bien lotis dans leur pays d’origine avaient la possibilité de se rendre en Inde ou dans ce qui était alors la Birmanie, par exemple, et d’y gagner de petites fortunes.

Dans un tel environnement, où la colonisation n’était pas une tare, mais au contraire la norme, l’idée de se rendre dans une terre occupée pour y fonder une nouvelle vie, voire un État, n’était pas du tout mal perçue. En fait, si l’on examine les premiers temps de l’histoire du sionisme, c’est l’empereur français Napoléon Bonaparte qui a recommandé la création d’un État juif en Palestine. Napoléon est également l’homme à qui l’on attribue la naissance du nationalisme.

Ainsi, pour les premiers sionistes, l’idée de se rendre dans un pays étranger pour y créer un État pour leur minorité européenne était l’une des nombreuses options envisageables. À l’époque de Théodore Herzl et d’autres figures fondatrices du mouvement sioniste, on vivait une ère de pseudo-science raciale et de philologie orientaliste, où la doctrine ethno-suprémaciste darwinienne pernicieuse était si répandue qu’elle était simplement acceptée comme un «fait», à savoir que les non-Européens étaient des êtres inférieurs.

Cela étant dit, les habitants de la Palestine n’étaient pas épargnés par ce racisme, et le fait de les tuer, d’occuper leur territoire, de les expulser et leur imposer des formes de gouvernance nouvellement inventées n’était donc pas considéré comme un véritable problème. À cette époque, un petit groupe de juifs d’Europe avait réussi à accumuler une considérable fortune économique et tirait profit du système capitaliste. La famille Rothschild et d’autres ont donc décidé que la vision de Herzl pour le peuple juif, à savoir s’installer dans une nation étrangère et créer une nouvelle nationalité, était la meilleure voie à suivre.

Bien entendu, certains juifs européens ne soutenaient pas cette idée, mais des figures emblématiques du marxisme, telles que Vladimir Lénine, soutenaient que le peuple juif ne devait pas céder à l’antisémitisme qui prévalait en Europe et visait à dépeindre les juifs comme des étrangers. Pourtant, de toute évidence, ces voix ne se sont pas imposées dans le débat sur la réponse à apporter à la question juive.

C’est pourquoi le projet de colonisation sioniste a poursuivi sans relâche l’objectif qu’il s’était fixé de s’emparer de la Palestine. Ce faisant, il cherchait à célébrer «le nouveau juif» sur le plan culturel, physique et linguistique, dans un État qui leur serait exclusivement dévolu. Au début, les dirigeants de ce mouvement étaient presque entièrement laïques, et la plupart des premiers partis politiques sionistes affichaient des perspectives quasi socialistes.

Mais les sionistes se sont heurtés à un énorme problème : le monde a soudainement changé. Bien que les événements de la Seconde Guerre mondiale, avec l’extermination massive des juifs et leur transfert dans des camps de travail forcé, aient convaincu l’ensemble de la population juive européenne du bien-fondé du sionisme, la Seconde Guerre mondiale a également engendré un autre phénomène. Alors que le pouvoir de ce que nous appelons l’Empire occidental passait de la France et de la Grande-Bretagne aux mains des États-Unis, l’ère coloniale a commencé à s’effondrer et les Nations unies ont mis en place leurs textes juridiques fondateurs, établissant leurs organes de régulation internationale, et de nouveaux États-nations ont été rapidement créés.

Si la création d‘Israël en 1948, grâce au nettoyage ethnique de la Palestine, s’est produite à un moment où la vérité pouvait être escamotée et où le crime contre l’humanité pouvait être ignoré, ce n’était qu’un début pour l’entité sioniste. Le problème auquel ils ont été confrontés est que le peuple palestinien n’a jamais oublié qui il était, n’a jamais abandonné et n’a jamais cessé de résister, et qu’il était entouré de nations liées à sa cause pour l’autodétermination à un niveau idéologique.

L’idée de la cause palestinienne s’est profondément ancrée dans le cœur des Arabes et des musulmans, non seulement parce que nombre d’entre eux ont également souffert aux mains des sionistes et/ou de leurs soutiens occidentaux, mais aussi parce qu’elle est parvenue à transcender le dogmatisme fondé sur les idéologies politiques. La cause palestinienne n’a jamais été représentée par un État spécifique, mais elle a survécu à l’effondrement du nationalisme arabe socialiste égyptien, à la défaite des groupes marxistes et nationalistes, et n’a jamais faibli, même après l’effondrement de l’Union soviétique. Quelle que soit l’ampleur des défaites militaires, que ce soit en 1967 ou en 1982, la résistance palestinienne a continué à vivre sous différentes formes.

Les Israéliens pensaient que les accords d’Oslo [1993-5] seraient en mesure de faire taire les Palestiniens, et que si on leur attribuait une Autorité nationale palestinienne dans les territoires occupés en 1967, Israël continuerait simplement à accaparer tranquillement davantage de terres et à concentrer le peuple palestinien dans des enclaves de plus en plus restreintes.

Bien que l’opinion publique israélienne ait été focalisée sur la question palestinienne pendant un certain temps, en particulier pendant la deuxième Intifada [2000-2005], lorsque la résistance armée menait des attaques fréquentes, la question a ensuite perdu de sa pertinence.

En observant les cycles électoraux de l’entité sioniste au cours de la dernière décennie et les débats politiques internes, on s’aperçoit que la question de savoir si la Palestine deviendrait un État n’était pas au centre des débats et que, si elle se posait, elle n’était pas considérée comme une question primordiale pour la majorité des Israéliens.

Ce qui s’est passé pendant la période post-Oslo, cependant, n’a été en fait qu’un processus de pourrissement et de décadence interne pour les sionistes. Il y a d’abord eu la montée en puissance du parti du Likoud de Benjamin Netanyahou, considéré comme l’héritier idéologique du mouvement sioniste révisionniste qui s’était inspiré du fascisme italien. L’idéologie agressive promue par Netanyahou a commencé à s’emparer de l’esprit du public israélien, entraînant l’effondrement du parti travailliste, autrefois puissant dans les sondages.

En 2005, avec le retrait des colons israéliens illégaux de leurs colonies à Gaza, un nouveau «monstre» a commencé à émerger, grâce à Netanyahou. Au fur et à mesure que la société israélienne évoluait vers l’extrême droite, on a assisté à la montée du sionisme religieux, dont le fer de lance était un mouvement de colons violent et agressif en Cisjordanie.

Cette montée de la religiosité, combinée à une doctrine politique d’extrême droite, a finalement abouti à l’actuel gouvernement de coalition que dirige aujourd’hui le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. Cette situation a entraîné un conflit entre l’extrême droite religieuse et l’extrême droite plus laïque, culminant avec les manifestations de rue massives qui ont eu lieu à Tel-Aviv et dans d’autres villes occupées jusqu’en octobre 2023. La marque laïque du sionisme d’extrême droite, à laquelle beaucoup de ceux qui se disent libéraux adhèrent, a commencé à se heurter aux soutiens de la coalition de Benjamin Netanyahou, accusés de vouloir renverser le système judiciaire israélien et judaïser le pays.
Pourquoi est-ce important ?

Dès la création de l’entité sioniste, le problème a résidé en ce que les sionistes n’ont pas réussi à exterminer et à nettoyer ethniquement tous les Palestiniens et sans parvenir à éliminer la cause. Comme l’a admis l’historien israélien Benny Morris, l’idée de transfert [nettoyage ethnique] est «inévitable et inhérente au sionisme». En fin de compte, la seule réponse que l’entité sioniste ait jamais eue à propos du sort à réserver au peuple palestinien a été une combinaison d’extermination, de nettoyage ethnique et d’asservissement.

Alors que les Israéliens n’ont pas eu à mener de guerre contre un pays depuis 1973, mais seulement contre des mouvements de résistance, ils ont développé ce qu’ils appellent leur «capacité de dissuasion» pour porter des coups massifs et ciblés contre des groupes comme le Hezbollah et le Hamas lorsqu’ils l’ont jugé nécessaire. Si vous vous penchez sur les manœuvres militaires israéliennes lors des préparations aux conflits avec le Hamas ou le Hezbollah, ou dans certains cas à une guerre sur plusieurs fronts, on part toujours du principe que la guerre se terminera dans quelques semaines, ou au maximum quelques mois.

Quand le 7 octobre a eu lieu, la réponse du régime, sur la base du modèle établi, était à bien des égards prévisible. Il a eu recours à une puissance de feu inimaginable pour pulvériser les villes et les camps de réfugiés, assassinant massivement les civils, avant de faire entrer ses troupes terrestres à bord de véhicules lourdement blindés, en évitant de s’engager dans des combats de rue et en s’appuyant sur sa technologie. Ils ont cru que cette stratégie médiévale de force maximale fonctionnerait, et les voilà 11 mois plus tard sans qu’un seul de leurs objectifs n’ait été atteint.

Ils n’ont jamais pensé qu’une guerre contre la résistance à Gaza durerait aussi longtemps, tout comme ils n’auraient pas pu prévoir le blocus du Yémen en mer Rouge ou les tirs incessants du Hezbollah sur leurs positions dans le nord de la Palestine occupée, et ce quotidiennement.

Sans aucun moyen de parvenir à une victoire crédible, tous les problèmes de l’entité sioniste ont commencé à remonter à la surface.

Les Israéliens ont compris qu’il n’y aurait pas d’Israël sans que le peuple palestinien soit éliminé de l’équation, que ce soit d’un point de vue démographique sur le long terme, ou dans une perspective de résistance indéfectible.

Par ailleurs, la société israélienne est profondément divisée quant à la forme que devrait prendre son régime ethno-suprémaciste et quant au système juridique qu’elle souhaite lui voir adopter.

En outre, l’économie, la société et l’armée israéliennes n’étaient pas préparées à une longue guerre d’usure sur plusieurs fronts : des centaines de milliers de colons ont été déplacés à l’intérieur du pays, l’industrie est moribonde dans le nord, le port d’Eilat est en faillite, l’industrie touristique est vidée de sa substance, environ un million de colons auraient quitté le pays, plus de 46 000 entreprises ont fait faillite, les investisseurs font marche arrière, des contrats de plusieurs milliards de dollars sont annulés, l’inflation s’installe, la monnaie se dévalue, et la liste est encore longue.

Mais qu’en est-il de leur puissante armée de 500 000 hommes ? Le coût du rappel des réservistes sur une longue période est un problème, mais le plus gros souci concerne leur désir de servir et leur degré d’épuisement, sans parler de leur formation inefficace. Pour citer l’article de Haaretz écrit par Yitzhak Brik :

«Israël s’enfonce dans le bourbier gazaoui, perdant de plus en plus de soldats, tués ou blessés, sans aucune chance d’atteindre l’objectif principal de la guerre : faire tomber le Hamas. Le pays court vraiment au-devant de la ruine. Si la guerre d’usure contre le Hamas et le Hezbollah se poursuit, Israël s’effondrera d’ici un an tout au plus».

La vérité est que l’itération la plus authentique de l’idéologie sioniste est maintenant exhibée au monde entier, une entité coloniale raciste qui n’est en désaccord que sur la forme que prendra son ethno-régime exterminateur et sur la manière dont elle se débarrassera de la population autochtone. Si cette entité criminelle et sanguinaire a pu nourrir des ambitions il y a plus de 100 ans, elle s’y est prise trop tard et n’a pas réussi à vaincre les Palestiniens. Aujourd’hui, équipés d’armes modernes, les Israéliens tentent d’achever leur projet sioniste, mais dans un monde qui ne l’accepte pas et à une époque où les smartphones nous permettent de suivre leurs actions génocidaires avec des mises à jour de minute en minute.

Ils n’ont pas su regarder la réalité en face et se sont au contraire enfermés dans leur propre perception de la sécurité, croyant que leur avidité ne connaîtrait pas de limites. La résistance les a choqués, et maintenant le monde entier est en mesure de voir la réalité – s’il le souhaite. Cette guerre d’usure était inévitable, et ils sont déjà vaincus.

Le public israélien a vécu dans un certain nombre d’illusions, des sortes de bulles façonnées par leur capacité illimitée à se leurrer, où ils pouvaient simplement continuer à vivre leur vie comme si de rien n’était tout en détruisant un peuple entier. En ce sens, d’une certaine manière, des individus comme le ministre israélien de la Sécurité Itamar Ben-Gvir, que nous qualifions tous d’extrémiste, sont en fait plus sobres que le reste de la société israélienne quant à la réalité de leur existence. Ces colons concèdent au monde que le seul moyen de maintenir leurs privilèges dans un régime d’apartheid est de tuer et d’expulser en permanence des innocents, car la guerre de l’entité sioniste n’a jamais été dirigée contre le Hamas ou le Hezbollah, mais contre le peuple palestinien et tous ceux qui osent remettre en question leur «droit» à maintenir leur suprématie aux dépens de la population autochtone des territoires qu’ils occupent.

Croire qu’ils peuvent continuer à tourmenter les Palestiniens indéfiniment, que rien ne sera tenté et qu’ils peuvent continuer à infliger des souffrances aux nations qui les entourent, tout en ne planifiant que des confrontations limitées qui ne leur coûteront pas grand-chose, démontre l’arrogance maladive de l’entité colonisatrice. Voilà pourquoi ils se comportent aujourd’hui de manière résolument extrémiste en tant qu’entité, car ils commencent à comprendre que le monde d’avant le 7 octobre ne réapparaîtra jamais, et que le seul moyen de maintenir leur régime raciste est d’engager un conflit sans fin.

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