La tension est forte entre les alliés européens de Kiev : l’Allemagne mécontente de la France

La France a livré directement à Kiev un total de 2,6 milliards d’euros d’équipements militaires depuis 2022, a affirmé le 4 mars 2024 le ministre français des Armées Sébastien Lecornu. La Russie dénonce l’implication croissante de Paris en Ukraine. Sébastien Lecornu a voulu se justifier sur X ex-Twitter à l’aide d’une infographie évidemment jaune et bleue ; le ministre français de la Défense a indiqué que Paris avait livré directement pour 2,6 milliards d’équipements militaires à Kiev. À cela s’ajoute 1,2 milliard d’euros donnés à la Facilité européenne pour la Paix. il liste de surcroît une nouvelle fois les armements, deux systèmes anti-aériens Crotale, cinq postes de tirs Mistral, 160 drones de reconnaissance tout en précisant que le nombre de missiles Mistral, Aster ou Scalp reste une donnée confidentielle. Le Monde estime à une centaine le nombre de missiles Scalp. Selon le Kiel Institute, qui place la France à la 16ème place de son classement, l’État français a promis 640 millions d’aide militaire, contre 17,7 milliards d’euros côté allemand.

L’organisme de recherche allemand note que «l’Italie, la France et la Pologne ne sont pas très transparents dans leur aide à l’Ukraine». «Nous sous-estimons probablement le total des allocations», ajoute-t-il. Les données de ce classement ont été arrêtées au 15 janvier, soit avant les dernières annonces françaises. Dans un accord de sécurité signé avec l’Ukraine le 16 février à Paris, la France s’est en outre engagée à fournir en 2024 jusqu’à 3 milliards d’euros d’aide militaire supplémentaire à Kiev.

Le gouvernement français s’est longtemps refusé à publier une liste précise des équipements et leur valeur, mais semble y avoir été contraint. Mi-janvier, le Financial Times révélait que Bruxelles avait lancé un audit sur les quantités d’armements que les États membres avaient fournies à Kiev. Ce contrôle faisait suite aux récriminations de Berlin, estimant que certains pays auraient les moyens d’en faire plus. Notamment la France et l’Italie. Depuis, Emmanuel Macron a annoncé la livraison de 40 missiles Scalp supplémentaires et déclaré le 26 février au soir ne pas vouloir écarter l’idée d’un envoi de troupes en Ukraine.

De son côté, Moscou a dénoncé l’implication croissante de Paris en Ukraine. Selon le ministre des Armées, outre les 2,615 milliards d’euros d’équipements livrés et les 3 milliards maximum promis en 2024, la France contribue à hauteur de 1,2 milliard d’euros à la Facilité européenne pour la paix (FEP), créée par Bruxelles pour financer des fournitures d’armes à l’Ukraine et des missions à l’étranger.

Paris reproche au Kiel Institute de ne pas tenir compte de cet apport dans son classement, ni de valoriser le fait que la France livre des capacités complètes, c’est-à-dire des équipements avec leurs munitions, entretien et formation. «La France a fait le choix de l’efficacité opérationnelle pour son aide militaire à l’Ukraine : promettre ce qu’on peut livrer, livrer ce qu’on peut promettre», s’est défendu Sébastien Lecornu sur X, faisant allusion à des promesses non tenues ou des livraisons de matériel défectueux par d’autres partenaires de l’Ukraine.

Le ministre ukrainien de la Défense Roustem Oumerov avait déploré fin février que la moitié des armes occidentales promises à Kiev étaient livrées avec du retard. Les tensions semblent s’accroître entre les alliés européens de Kiev. La révélation le 1er mars par Margarita Simonian d’une discussion entre des officiers supérieurs allemands sur une attaque du pont de Crimée avec des missiles Taurus a plongé Berlin dans l’embarras, les militaires ayant évoqué des détails sur les livraisons et l’emploi de missiles de longue portée Scalp fournis depuis l’an dernier par la France et la Grande-Bretagne à l’Ukraine.

«Oui je suis favorable à des troupes au sol. C’est pas facile à dire, ça va coûter des sacrifices» : l’ancien ministre des Affaires étrangères (2007-2010) Bernard Kouchner a tenu à apporter son soutien à Emmanuel Macron après ses propos polémiques tenus le 26 février sur l’envoi de troupes en Ukraine. Le lendemain, sur l’antenne de la chaîne LCI, l’ancien élu socialiste, qui avait été un des promoteurs de la guerre en Irak en 2003, a ainsi affirmé à propos de l’Ukraine qu’il «fallait montrer que nous sommes prêts à défendre cette démocratie naissante, cette démocratie affirmée». Des propos qui ont vivement fait réagir ses détracteurs sur les réseaux sociaux. L’avocat Régis de Castelnau s’est ainsi moqué de ces propos en déclarant sur X (ex-Twitter) : «La fermeté il connaît. Par exemple, il a fermement couvert les trafics d’organes de la mafia kosovare quand il était proconsul là-bas».

«Nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre», a dit le président français Macron il y’a quelques jours. L’ancien candidat à la présidentielle et député Nicolas Dupont-Aignan va plus loin, dénonçant une «énorme manipulation mensongère de Macron». Et de lancer : «La destitution s’impose ! Urgence d’un débat et d’un vote au Parlement». L’idée de la destitution du président est aussi reprise par son homologue souverainiste Florian Philippot qui invoque l’article 35 de la Constitution, lequel précise les prérogatives du Parlement en temps de guerre. L’ancien candidat souverainiste à la présidentielle François Asselineau commente la sortie de Emmanuel Macron dans un message posté sur X (ex-Twitter), avec comme en-tête «Le fou de l’Élysée». Selon lui, «les armées françaises n’ont qu’une semaine de munitions devant la Russie et le peuple refuse totalement d’aller se faire tuer pour Blackrock en Ukraine». Il évoque par ailleurs l’armée française qui a dû lamentablement plier bagage devant l’armée du Niger. Et d’interroger sur la prétention du président à vouloir «battre la Russie, première puissance nucléaire mondiale». Même du côté du Parti socialiste, le secrétaire général Olivier Faure s’inquiète de la légèreté présidentielle qui au détour d’une conférence de presse se dit éventuellement prêt à engager la France comme nation co-belligérante dans cette guerre. Avant de conclure : «Soutenir la résistance ukrainienne, oui. Entrer en guerre avec la Russie et entraîner le continent, folie».

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